Les ornithologues sont de drôles d'oiseaux ! Pour observer durant quelques malheureuses secondes un passereau brunâtre au nom improbable ou un petit échassier que rien –ou presque– ne distingue d’autres limicoles, ils n’hésitent pas à braver les océans déchaînés, à ramper le long d’à-pics vertigineux, à se risquer dans des contrées fort peu accueillantes, à crapahuter sur le territoire des derniers grands prédateurs ou à s’aventurer au cœur des steppes orientales dans des véhicules de fortune. Peu importe le mal de mer, les nuits sans sommeil, les pluies diluviennes, les autochtones agressifs, les pannes de minibus dans la steppe ou les nuées de moustiques si, dans l’objectif de la longue-vue apparaît enfin la silhouette d’une calliope sibérienne (Luscinia calliope), d’un tétraogalle du Causase (Tetraogallus caucasicus), d’un syrrhapte paradoxal (Syrrhaptes paradoxus), d’un pouillot à grands sourcils (Phylloscopus inornatus) ou du rarissime bécasseau spatule (Eurynorhynchus pygmeus).
Philippe J. Dubois appartient à cette étonnante espèce d’Homo Sapiens inséparables de leurs jumelles, de leur lunette sur pied et de leur guide ornithologique de chevet. Sa passion des oiseaux et son envie dévorante de parcourir le monde sont nées dès l’enfance, nourries et attisées par les récits des naturalistes anglais Gerald Durrell et Guy Mountfort et les rapports d’expédition des chercheurs du Muséum national d’histoire naturelle. Après une première aventure en Corse à la rencontre du gypaète barbu (Gypaetus barbatus), le jeune ornithologue aperçoit, lors de son premier grand voyage dans le delta du Danube en 1973, le légendaire courlis à bec grêle (Numenius tenuirostris), classé depuis en danger critique d’extinction par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) mais présumééteint par certains spécialistes.
Ensuite, il partira à la rencontre des hôtes à plumes -permanents ou de passage- des Aléoutiennes, des montagnes birmanes, de l’île de Sakhaline au large de la Sibérie, du parc national de Chitwan au Népal -l’un des ultimes refuges du tigre du Bengale et du rhinocéros indien, des Shetland du Sud dans l’Antarctique ou de l’île d’Ouessant. Les plus belles émotions naturalistes se vivent aussi près de chez soi…
Retraçant avec humour dix de ses pérégrinations à travers la planète, l’auteur-fondateur de la revue de terrain Ornithos- témoigne également des menaces pesant sur la Terre et ses écosystèmes. Observer les oiseaux dans leur milieu naturel est aussi ouvrir ses yeux au monde, l’aimer et vouloir le protéger.
Biodiversitaire engagé comme en témoignent ses divers ouvrages (Un nouveau climat, Vers l’ultime extinction ? La biodiversité en danger, La grande amnésie écologique ou encore Les derniers paysans avec le photographe Serge Chevallier) et son blog à quatre mains écrit avec Élise Rousseau (http://lesbiodiversitaires.over-blog.fr), Philippe J. Dubois est en outre un ardent défenseur des races domestiques menacées.
Son dernier livre donne au lecteur une irrésistible envie d’ouvrir sa fenêtre, d’observer les hôtes de son jardin ou de son quartier, de glisser une paire de jumelles dans son sac à dos et de partir à l’aventure au coin de la rue, du parc, de la forêt voisine et, qui sait, un jour peut-être plus loin encore.
DUBOIS Philippe J., Les tribulations d’un chercheur d’oiseaux, Éditions de la Martinière, mai 2014, 216 p., 16,50 €.