Dimanche 29 juin 2014 à 20h45, Arte diffusera L’orque tueuse (Blackfish en VO), un documentaire sur le comportement des orques (Orcinus orca) en captivité.
Le point de départ de cette enquête signée Gabriela Cowperthwaite remonte à février 2010, date de l’accident de la dresseuse Dawn Brancheau, mortellement blessée par un épaulard mâle nommé Tilikum sous les yeux des spectateurs du parc d’attractions aquatiques SeaWorld Orlando en Floride (États-Unis). Pour l’établissement, une négligence de la victime aurait provoqué cette tragédie. Une hypothèse contredite par ce documentaire qui revient sur l’histoire de ce spécimen considéré comme le plus grand orque captif au monde avec ses 6,9 mètres de long pour une masse de 5.400 kilos. En effet, avant la mort de Dawn Brancheau, Tilikum avait déjàété impliqué dans deux attaques meurtrières.
Souffre-douleur de deux femelles
La première était survenue au Sealand of the Pacific, un delphinarium de Colombie-Britannique (Canada) aujourd’hui fermé. Capturé le 9 novembre 1983 au large de la côte est de l’Islande, Tilikum partageait à cette époque son bassin avec les femelles Haidi II et Nootka IV. Ces dernières l’attaquaient et le blessaient régulièrement. Toute la nuit, les cétacés étaient enfermés dans un module de six mètres de long et neuf mètres de profondeur. Certains spécialistes estiment que le jeune mâle a peut-être développé une forme de psychose dans ce contexte anxiogène. Le 20 février 1991, une étudiante en biologie marine de 20 ans, Keltie Byrne, trouve la mort en plongeant avec Tilikum et les deux femelles, alors gestantes.
Les trois orques auraient entraîné leur victime au fond de l’eau. La jeune femme aurait cependant réussi à atteindre le bord du bassin mais les épaulards l’auraient de nouveau attrapée par le dos pour la tirer dans le bassin. Les animaux auraient même repoussé la bouée lancée par des témoins du drame. L’étudiante aurait refait surface trois fois avant de se noyer. Plusieurs heures s’écoulèrent avant que son corps ne puisse être sorti de l’eau.
Le 9 janvier 1992, Tilikum fut transféré au SeaWorld Orlando.
Sept ans et demi plus tard, le 6 juillet 1999, le corps nu de Daniel P. Dukes, 27 ans, était retrouvé sur le dos de Tilikum. La veille, le jeune homme était resté après la fermeture du parc et avait réussi à plonger dans le bassin de l’orque. Concluant à une mort possible par hypothermie et noyade, l’autopsie révéla toutefois de nombreuses blessures et contusions.
Les vocalisations de Tilikum seraient plus aiguës que celles des autres mâles de taille similaire (photo Blackfish Dogwoof Documentary).
Deux versions opposées
Enfin, le 24 février 2010, lors du spectacle « Dine with Shamu », Dawn Brancheau, une dresseuse expérimentée de 40 ans, est attrapée alors qu’elle est allongée à côté de Tilikum sur une plate-forme immergée d'environ 30 centimètres. Selon SeaWorld, Tilikum aurait tiré la soigneuse dans l’eau par sa queue de cheval, ayant peut-être confondu la coiffure avec un jouet ou un poisson. En revanche, certains témoins affirment que Dawn Brancheau a été attrapée par le bras.
Tilikum est notamment identifiable à son aileron dorsal effondré sur le côté gauche. L’aileron dorsal des mâles est plus grand que celui des femelles et présente une forme de triangle isocèle (photo Blackfish Dogwoof Documentary).
L'autopsie a révélé une mort par noyade et mentionné plusieurs traumatismes. La moelle épinière de la victime a ainsi été sectionnée et la jeune femme présentait des fractures à la mâchoire, aux côtes et à une vertèbre cervicale. En outre, son cuir chevelu a été complètement arraché et le bras gauche tranché jusqu’au milieu de l’humérus.
Le 30 mars 2011, Tilikum reprenait les exhibitions avec des mesures de sécurité nouvelles. L’animal était désormais masséà l’aide de jets d’eau et non plus avec les mains, tandis que des garde-corps amovibles étaient installés sur les plates-formes. En décembre 2011, Tilikum était retiré des shows à cause d’une maladie dont la nature n’a pas été révélée. L’orque a finalement repris les spectacles au printemps 2012.
Ici au SeaWorld Orlando en 2009, Tilikum est le reproducteur le plus prolifique en captivité avec 21 descendants dont 11 toujours vivants. Il est aussi le premier spécimen entraîné pour des prélèvements destinés à des inséminations artificielles (photo Loadmaster, David R. Tribble).
L’envers des bassins
Proposant des images d’archives exceptionnelles -avec des extraits d’entraînements, de représentations mais aussi d’attaques de cétacés- et des entretiens avec d’anciens entraîneurs du SeaWorld et divers experts, Blackfish -le nom donné aux orques par les Indiens- entend démontrer que l’orque serait capable de « se venger » lorsque l’homme contraint sa nature sauvage et ne peut subvenir en captivitéà ses besoins physiques et psychiques fondamentaux.
Véritables institutions aux États-Unis, les parcs d’attractions aquatiques du groupe SeaWorld (Orlando en Floride, San Diego en Californie et San Antonio au Texas) auraient enregistré, selon le dossier de presse de Blackfish, une baisse de fréquentation de 4,1% l’année dernière (24.4 millions d’entrées), après la sortie du documentaire en salles durant l’été 2013. Au cours du premier trimestre 2014, les entrées auraient diminué de 13% par rapport à la saison précédente.
Le Shamu Stadium du SeaWorld Orlando avec Takara lors du show « Believe » en 2006. Née le 9 juillet 1991 à San Diego, transférée à Orlando en 2004, cette femelle a rejoint San Antonio en février 2009. Deux de ses quatre rejetons, dont Kohana, conçue par insémination artificielle, ont pour père Tilikum (photo Michael Lowin).
Par ailleurs, le 7 mars dernier, Richard Bloom, membre démocrate de l’Assemblée de l'État de Californie, a présenté un projet de loi, « The Orca Welfare and Safety Act », visant à interdire la détention en captivité d’une orque « à des fins de performance ou de divertissement ».
Millions de dollars…
Malgré les demandes d’interview de la réalisatrice, les responsables du groupe SeaWorld n’ont pas souhaité intervenir dans le documentaire dont la diffusion, en octobre 2013 sur CNN, a attiré près de 21 millions de téléspectateurs. Cependant, dans un communiqué publié par la chaîne américaine, SeaWorld a qualifié le documentaire de Gabriela Cowperthwaite d' « inexact » et de« trompeur », mettant en avant « les millions de dollars alloués chaque année à la conservation et à la recherche scientifique ». De son côté, Tim Zimmermann, coauteur de Blackfish, avance que les orques génèrent plus de 70 % du profit de SeaWorld : « Si l'on ne connaît pas le chiffre exact, il est tout à fait juste d’affirmer que les orques constituent le cœur de métier de ce groupe. »
Dans l’attente d’études pouvant aboutir à une possible révision taxonomique et à la distinction de plusieurs espèces et/ou sous-espèces, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a classé l’orque dans la catégorie « données insuffisantes ».
Épaulard jouant avec un bloc de glace dans le sud de la mer de Ross en Antarctique (photo Robert Pittman).
En France, le Marineland d’Antibes (Alpes-Maritimes) est l’unique établissement zoologique à présenter des orques. Le parc détient actuellement six spécimens -quatre mâles et deux femelles- dont cinq ont vu le jour en captivité. Seule Freya a vécu à l’état sauvage. Capturée dans les eaux islandaises en octobre 1982, elle a rejoint la Côte d’Azur le 6 mars 1983. Baptisée Wikie, la seconde femelle est née le 1er juin 2001 au Marineland où sont aussi venus au monde les quatre mâles, Inouk (né le 23 février 1999), Valentin (né le 13 février 1996), Moana (né le 16 mars 2011 et conçu par insémination artificielle) et Keijo. Né le 20 novembre 2013, ce dernier serait le fruit des amours de Wikie et de son demi-frère Valentin, les deux cétacés ayant le même père, Kim II. Capturé avec Freya en octobre 1982 près de Stokkseyri, Kim II est mort le 23 novembre 2005 à l'âge estimé de 27 ans.
Par le passé, aucun autre parc français n’a hébergé cette espèce. Actuellement 53 orques captives sont recensées à travers le monde.
Lien vers la bande annonce du documentaire (en VO) : http://www.youtube.com/watch?v=G93beiYiE74
L’orque tueuse (Blackfish), documentaire de Gabriela Cowperthwaite (2013, 1h22), dimanche 29 juin 2014 à 20h45 sur Arte.
Sources : Arte, UICN, Le Monde, Wikipédia.