Il est difficile et parfois impossible de déterminer avec exactitude le moment précis où l’ultime représentant d’une espèce disparaît. La déclaration officielle, via l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), intervient souvent des années - voire bien davantage - après la dernière observation en milieu naturel et/ou l’extinction biologique de l’espèce.
Néanmoins l’écologue américain David Steen a tenté de recenser sur son blog quelques-unes des espèces disparues l’an dernier en s’appuyant sur deux critères : les espèces reconnues comme éteintes par l’UICN en 2014 et celles supposées disparues l’année dernière, sur l’ensemble de la planète ou une partie de leur aire de répartition. Deux approches différentes mais scientifiquement complémentaires.
L’hippopotame nain de Madagascar (Hippopotamus guldbergi), le criquet des montagnes Rocheuses (Melanoplus spretus) et la perruche de paradis (Psephotellus pulcherrimus) figurent notamment sur la première liste.
Datées au carbone 14, les plus récentes traces de l’hippopotame nain de Madagascar remontent à l’an mil de notre ère. Toutefois, selon la tradition orale, cet animal vivant dans les régions montagneuses de l’île pourrait avoir survécu jusqu’à une époque bien plus proche.
La dernière observation validée du criquet des montagnes Rocheuses (Melanoplus spretus) a eu lieu en 1902 dans le sud du Canada. Cette espèce présente dans la partie ouest des États-Unis et dans certaines zones occidentales du Canada formait pourtant les plus grands essaims étudiés. En 1874, l’un d’eux couvrant 510.000 km2 (soit davantage que l’Espagne), pesant 27,5 millions de tonnes et composé de quelque 12,5 billions d’insectes se serait abattu sur le Nebraska !
Deux criquets des montagnes Rocheuses immortalisés vers 1870 (photo Jacoby's Art Gallery).
Quant à la perruche de paradis de l’est australien, la dernière observation confirmée date du 20 novembre 1928. La disparition de cet oiseau serait liée au développement des pâturages privant les perruches des graines dont elles se nourrissaient.
L’UICN a également entériné en 2014 la disparition du perce-oreille géant de Sainte-Hélène (Labidura herculeana), endémique de cette île volcanique de l'océan Atlantique sud où Napoléon s’éteignit le 5 mai 1821. Il s’agissait du plus grand perce-oreille au monde, mesurant jusqu’à 80 mm, cerques compris. En 1996, cet insecte avait été classé en danger critique d’extinction. Le dernier individu adulte a été aperçu en mai 1967.
Première photo d’une perruche de paradis, prise par Cyril H. H. Jerrard (1889 – 1943) à Burnett River, dans le Queensland, le 7 mars 1922.
À ce jour, l’UICN recense 832 espèces définitivement éteintes et 69 éteintes en milieu naturel.
Plus jamais observés dans la nature
Le 31 mai 2014, le dernier représentant connu du scinque de l’île Christmas (Emoia nativitatis) est mort au zoo de Taronga à Sydney. Les recherches pour trouver un partenaire à ce spécimen baptisé Gump sont demeurées vaines. Ironie de l’histoire, ce petit reptile avait été classé, cinq mois plus tôt, sur la liste des espèces menacées d’Australie.
Endémique de l’île Christmas, ce scinque pourrait être le premier reptile originaire d’Australie à disparaître depuis la colonisation européenne à cause d’espèces invasives, dont la fourmi folle jaune (Anoplolepis gracilipes). Jusqu'à la fin des années 1990, les scinques étaient communs sur cette île de l’océan Indien, située à environ 350 km de Java et mesurant 19 kilomètres de long sur 14 de large.
En Malaisie péninsulaire, la destruction d’une colline calcaire par une cimenterie a sonné le glas d’une espèce d’escargot (Plectostoma sciaphilum). Entre 2003 et 2007, l’entreprise a fait sauter toute la butte, transformant l’unique habitat de ces escargots en un lac.
Toujours en Asie, l'ours lippu (Melursus ursinus), victime de la déforestation et du braconnage, serait désormais éteint au Bangladesh. Il survivrait uniquement en Inde, au Sri Lanka, au Népal et au Bhoutan.
Ours lippu en 2011 dans le sanctuaire de Daroji, dédiéà cette espèce, en Inde (Shyamal).
Par ailleurs, deux poissons d’eau douce du genre Aphanius - Aphanius saourensis en Algérie et Aphanius farsicus en Iran - ont vraisemblablement disparu à l’état sauvage à cause des pratiques agricoles et de la pollution et, dans le cas du killi du Maghreb, du poisson moustique de l’Est (Gambusia holbrooki) volontairement introduit pour lutter contre les insectes. Le dernier représentant dans la nature du petit poisson nord-africain a été observé en 2004 dans le bassin de l’oued Saoura dans le Sud-Ouest algérien. Le killi asiatique vivait dans les sources, les ruisseaux, les mares et les étangs autour du lac Maharlu. Heureusement, ces deux espèces sont encore maintenues en captivité.
Sitôt découvertes, aussi disparues
Enfin, certaines espèces disparaissent avant même d’avoir été découvertes ! L’étude de fossiles permet notamment aux chercheurs d’identifier des espèces jusqu’alors inconnues et éteintes.
Ce dessin de 1793 représente vraisemblablement un éclectus océanique (Eclectus infectus) vivant alors sur les îles Vavaʻu aux Tonga. Il est l’œuvre d’un artiste anonyme, membre de l'expédition conduite par Alessandro Malaspina.
En 2014, 13 « nouvelles » espèces ont été considérées comme ayant disparu depuis 1500 : le pic des Bermudes (Colaptes oceanicus), le faucon des Bermudes (Bermuteo avivorus), le bihoreau des Bermudes (Nyctanassa carcinocatactes), la nyctale des Bermudes (Aegolius gradyi), le chevalier de Kiritimati (Prosobonia cancellata), le canard de Finsch (Chenonetta finschi), le râle de Hodgen (Tribonyx hodgenorum), la tourterelle de l’île Maurice (Nesoenas cicur), la bécassine de l’île du Nord (Coenocorypha barrierensis), la bécassine de l’île du Sud (Coenocorypha iredalie), l’éclectus océanique (Eclectus infectus), le founingo de Rodrigues (Alectroenas payandeei) et la gallinule de Tristan da Cunha (Gallinula nesiotis).
Sources : www.livingalongsidewildlife.com, UICN.