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Panthère de Perse : premières réintroductions dans le Caucase russe !

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Nées en captivité, trois panthères de Perse ont recouvré la liberté, vendredi 15 juillet 2016, dans les montagnes du Caucase russe. Ce premier relâché constitue une étape cruciale dans le programme de réintroduction de cette sous-espèce (Panthera pardus saxicolor), classée depuis 1996 « en danger » d’extinction par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Les trois spécimens – deux mâles et une femelle – ont vu le jour dans le centre d’élevage et de réintroduction créé en 2009 dans le parc national de Sotchi.

ARRIVEE DES TROIS LEOPARDS SUR LE SITE DE REINTRODUCTION

Les trois panthères ont été transportées par hélicoptère jusqu’au site du relâché (avec l’aimable autorisation du centre caucasien de sauvegarde du léopard).

Avant d’être confrontés au milieu naturel, ces animaux ont appris à parfaire leurs talents de prédateur et àéviter tout contact avec l’homme. « Le but de mon travail est de stimuler artificiellement leurs instincts naturels », souligne Umar Semenov, biologiste et directeur  du centre caucasien de sauvegarde du léopard, structure couvrant 12 hectares et disposant, outre la zone de reproduction, de six enclos avec arbres, mares, cachettes et structures d’escalade.

D’après les données transmises par leurs colliers émetteurs, les trois léopards relâchés cet été semblent en bonne santé et chassent comme l’espéraient les responsables du projet, ainsi que l’a confirmé fin septembre M. Semenov à BIOFAUNE.

Nouveau noyau de population

Selon un article paru le 4 mai 2016 dans la revue PeerJ, l’aire historique de répartition du léopard de Perse aurait régressé de 72 à 84 % ! D’après cette étude, la présence du félin est confirmée en Afghanistan, en Arménie, en Azerbaïdjan, en Iran, en Irak, au Pakistan, en Russie, en Turquie et au Turkménistan. Elle est possible également en Géorgie et en Ouzbékistan. En revanche, elle est très improbable au Tadjikistan. Enfin, cette sous-espèce est éteinte au Liban et en Syrie.

En 2008, les spécialistes estimaient entre 871 et 1.290 le nombre d’individus matures survivant dans la nature. L’Iran abriterait actuellement 87 % de cette population sauvage.

ULTIMES PREPARATIFS

Ultimes préparatifs (photo Anton Agarkov / WWF Russie).

Jadis, la panthère de Perse était largement répandue dans l’ensemble de la chaîne caucasienne. Les effectifs ont dramatiquement chuté jusqu’au milieu du XXème siècle, le léopard s’éteignant dans plusieurs régions. Aujourd’hui, seules des populations isolées subsistent dans quelques zones montagneuses du Caucase.

« L’objectif du programme de réintroduction est de bénéficier, à terme, de noyaux de population significatifs en Iran et dans le Caucase russe permettant la survie de divers petits groupes et de la sous-espèce elle-même», explique Igor Chestin, directeur de l’antenne russe du Fonds mondial pour la nature (WWF). 

L’organisation environnementale et l'Académie des sciences de cRussie ont initié ce plan de réintroduction en 2005. En 2007, il fut approuvé par le ministère russe des ressources naturelles et de l’environnement avant de recevoir, en 2009, le soutien de Vladimir Poutine en personne.

Un couple prolifique

Le centre d’élevage et de  réintroduction a reçu ses deux premiers pensionnaires en 2009. Baptisés General et Alous, ces mâles, dont l’âge actuel est estiméà 16 -17 ans pour le premier et 12-13 ans pour le second, avaient été capturés la même année dans le milieu naturel au Turkménistan. En 2010, ils furent rejoints par deux femelles d’origine sauvage en provenance d’Iran. Cheri a vu le jour en 2008 dans la province septentrionale de Mazandaran et Mino en 2009 dans celle voisine du Golestan.

Puis, le 21 octobre 2012, le mâle Zadig et la femelle Andrea, alors respectivement âgés de 9 et 7 ans, furent transférés du zoo de Lisbonne (Portugal) en Russie avec l’accord de l'association européenne des zoos et aquariums (EAZA). Ce couple s’était déjà reproduit dans l’établissement lusitanien avec huit petits nés de trois portées.

Enfin, en juillet 2015, Simbad, un jeune mâle né le 19 juillet 2013 au Parc des félins de Lumigny-Nesles-Ormeaux (Seine-et-Marne) s’envolait à son tour pour la Russie (voir http://biofaune.canalblog.com/archives/2016/03/01/33446403.html).

RELACHE DE LA FEMELLE VICTORIA

La femelle Victoria s’apprête à quitter sa caisse de transport (avec l’aimable autorisation du centre caucasien de sauvegarde du léopard).

En juillet 2013, Andrea a donné le jour à deux petits, les premiers à venir au monde au centre d’élevage de Sotchi. Depuis, ce dernier a enregistré 12 autres naissances. La dernière en date a eu lieu à la mi-juin 2016 avec trois léopardeaux fruits de l’union de Cheri et Alous. Ces derniers sont aussi les parents des deux mâles relâchés mi-juillet. Baptisés Akhun et Killy, ceux-ci sont nés respectivement le 13 août 2013 et le 10 juillet 2014.

En revanche, la femelle réintroduite, baptisée Victoria et venue au monde le 11 juillet 2013, est issue de l’une des portées lusitaniennes.

Par ailleurs, les lignées des spécimens, d’origine sauvage ou captive, maintenus à Sotchi constituent un atout pour cette sous-espèce dont les populations vivant  à l’ouest et au centre de l’aire de distribution présenteraient une diversité génétique réduite.

GENEALOGIE DES LEOPARDS DU CENTRE DE REINTRODUCTION DU CAUCASE

Généalogie des léopards de Perse maintenus et nés au centre de réintroduction de Sotchi (document WWF Russie).

La menace des remonte-pentes

Si Umar Semenov espère la création d’un corridor protégé sur toute la longueur du Caucase russe afin de faciliter la dispersion des futures fratries et de prévenir la consanguinité, les défenseurs de l’environnement s’inquiètent du développement touristique à l’ouest du massif. En effet, le gouvernement russe semble remettre en cause le plan de compensation environnementale prévu dans le cadre des XXIIes Jeux olympiques d'hiver, organisés en février 2014 à Sotchi.

Même si des fonds débloqués pour cette compétition ont été alloués au centre d’élevage, les infrastructures liées aux JO avaient déjà empiété sur les territoires de migration des léopards et de leurs proies, assure Igor Chestin. La construction d’une route le long de la Mzymta, un petit fleuve côtier de 89 km prenant sa source à 2.980 m d'altitude et se jetant dans la mer Noire, scinde notamment en deux un territoire essentiel pour le grand félin, là même où un individu avait été observé voici une trentaine d’années.

Et les promoteurs souhaitent maintenant étendre les domaines skiables, notamment en amont de la Mzymta. « Cette zone sépare deux populations de bouquetins », relève Anatoly Kudaktin, attaché scientifique en chef auprès de la réserve naturelle et biosphérique d’État du Caucase, soulignant l’importance d’un couloir protégé dans la vallée supérieure du fleuve.

CARTE DE LA ZONE DE REINTRODUCTION

Carte de la zone de réintroduction (document WWF Russie).

Dmitri Kozak, le vice-premier ministre en charge de l’héritage olympique, serait un partisan du développement touristique dans cette zone. À en croire le quotidien britannique The DailyTelegraph, les services de M. Kozak auraient demandé au ministère de l’environnement de faciliter de tels aménagements au sein du parc national et même de réduire la superficie de la réserve naturelle et biosphérique d'État du Caucase où les trois léopards ont été relâchés en juillet dernier !

Une hypothèse très crédible puisqu’en octobre 2015, Sergeï Donskoy, le ministre de l’environnement, a signé un décret autorisant la construction d’équipements « touristiques » dans la vallée de la Mzymta.

« Comme promis en 2012, ce secteur devrait être inclus dans une zone élargie du site du Caucase de l'Ouest figurant sur liste du patrimoine mondial de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture, déclare Igor Chestin. La Russie rompt l’engagement fait auprès de l’Unesco et du comité international olympique. » Un groupe d’experts des Nations unies a d’ailleurs réagi, estimant les revirements des autorités russes susceptibles de compromettre la réintroduction de la panthère de Perse.

LE PARC NATIONAL DE SOTCHI EN HIVER

Vue hivernale du parc national de Sotchi (photo Skas).

Espoir présidentiel

Selon le magazine National Geographic, un amendement législatif présenté en juin dernier devant le Parlement permettrait la construction d’infrastructures touristiques dans des réserves strictement protégées. Cette disposition aurait été adoptée sous la pression du lobby des stations de ski de la région de Sotchi, soupçonnent certains défenseurs de l’environnement.

Aux yeux de l’antenne russe du WWF, la présence de stations de ski dans la haute vallée de la Mzymta reviendrait à réduire un programme d’ampleur international à un simple projet local avec, à la clef, 30 ou 40 spécimens isolés dans la réserve naturelle du Caucase.

Une inconnue de taille demeure dans cet épineux dossier : quelle sera la position de Vladimir Poutine ? Le président russe faisant volontiers état de son intérêt pour les grands félins, les protecteurs du léopard veulent garder espoir…

RELACHE DU MALE KILLY

Équipé de son collier émetteur, le mâle Killy court vers la liberté (avec l’aimable autorisation du centre caucasien de sauvegarde du léopard).

Appel aux zoos européens

Pour les experts, seul un effectif minimal d’une cinquantaine d’adultes permettra le maintien d’une population stable dans la région. « Les prochaines réintroductions sont prévues pour 2018 », a annoncé M. Semenov à BIOFAUNE. Elles concerneront cinq des six panthères nées en 2016 : les trois jeunes du couple Cheri/Alous et les deux de la paire portugaise dont un petit n’a pas survécu.

Ces relâchés auront lieu dans des zones différentes pour éviter la consanguinité. Des recherches sont actuellement menées pour trouver les sites adéquats.

AKHUN AU CENTRE CAUCASIEN DE SAUVEGARDE ET DE REINTRODUCTION DU LEOPARD DE PERSE

Le mâle Akhun en février 2016, lors de sa phase de préparation à la vie sauvage (photo-trap centre caucasien de sauvegarde du léopard).

En revanche, malgré tous les espoirs générés par son transfert en Russie, Simbad ne sera vraisemblablement pas relâché dans les forêts du Caucase. «Il n’a pas peur des hommes », a expliqué Umar Semenov à BIOFAUNE. Pour autant, le léopard né au Parc des félins reste précieux pour les responsables du centre de Sotchi, en quête d’une femelle avec laquelle l’apparier.

Umar Semenov reste convaincu que des individus nés dans des établissements zoologiques peuvent retrouver la liberté. « Deux conditions sont essentielles, précise le biologiste russe. Le protocole d’élevage et un transfert vers le centre de réhabilitation entre 14 et 16 mois. »

« J’espère que des zoos européens rejoindront notre programme et pourront transférer de jeunes léopards vers notre structure afin que nous préparions leur retour dans la nature. »

Aux parcs zoologiques du Vieux Continent de mener à bien cette mission.

 

En France, six établissements hébergent des panthères de Perse : le zoo de La Barben (13), le ZooParc de Beauval (41), le zoo de Champrepus (50), le refuge de l’Arche (53), le parc zoologique d’Amnéville (57) et le Parc des félins (77).

Cette sous-espèce est également maintenue au parc zoologique Dählhölzli (Tierpark Dählhölzli) de Berne, en Suisse.

Voici le lien vers une vidéo du relâché :

Sources : WWF Russie, The Daily Telegraph, National Geographic, UICN.


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