Selon un article publié mercredi 26 février 2020 dans la revue Science Advances, la population de pandas roux comprend deux espèces distinctes, l’un dite de l'Himalaya (Ailurus fulgens), l’autre de Chine (A. styani).
Si deux sous-espèces étaient admises sur la base de différences morphologiques et biogéographiques – certains auteurs défendant même l’existence de deux espèces, cette classification demeurait controversée en raison d'un manque de preuves génétiques, compromettant d’après certains les efforts de sauvegarde de ce mammifère.
Pour combler cette lacune, une équipe conduite par Yibo Hu, biologiste à l’institut de zoologique de l'Académie des sciences de Pékin (Chine), a séquencé l'ensemble du génome de 65 individus, conservés dans des musées ou maintenus en captivité, en extrayant leur ADN d'échantillons de sang, de muscle ou de peau. « Les analyses de ce matériel, de 49 chromosomes Y et de 49 génomes mitochondriaux attestent génétiquement de la divergence des espèces de pandas roux », assurent les auteurs de ces travaux. Ce phénomène serait advenu voici quelque 220.000 ans, lors du premier goulot d'étranglement génétique des deux espèces provoqué par l'avant-dernière période glaciaire.
En outre, le panda de l'Himalaya aurait subi une réduction drastique de sa population à trois reprises, dont la dernière il y a 90.000 ans, avec à la clé une diversité génétique réduite ainsi qu’un déséquilibre de liaison et une charge génétique élevés.
De son côté, le petit panda « chinois » a connu deux déclins notables de ses effectifs, vraisemblablement liés à des phases de glaciation, dont il s’est rétabli à chaque fois. De taille légèrement supérieure, il possède un crâne plus large et plus long, avec une convexité frontale davantage prononcée. Sa robe présente une teinte rouge plus soutenue avec moins de blanc sur la face et une queue aux anneaux bien marqués.
Panda roux, présenté comme appartenant à la (sous-)espèce « himalayenne », en captivité au parc animalier et botanique de Branféré, dans le Morbihan (photo Ph. Aquilon).
Nouvelle frontière
Jusqu’à présent, il était établi que l’aire de répartition du panda de l’Himalaya couvrait le Népal, le Bhoutan, le nord de l’Inde et de la Birmanie, le Tibet et l’ouest de la province chinoise du Yunnan, celle de son congénère se limitant à cette dernière division administrative et à celle du Sichuan. La Salouen, deuxième plus long fleuve d’Asie prenant sa source sur le plateau tibétain pour se jeter après 2.815 km en mer d'Andaman, était considérée comme la frontière naturelle entre les deux (sous-)espèces.
Les conclusions de ces recherches remettent en cause ces distributions et leur délimitation par le cours de la Salouen. En effet, les individus vivant au sud-est du Tibet et dans la partie septentrionale du Myanmar appartiendraient à la population dite chinoise, les spécimens habitant dans le sud-est du Tibet et au nord du Myanmar faisant partie de l’himalayenne. Dès lors, le Yalu Zangbu – le cours du Brahmapoutre au Tibet de sa source principale au glacier d’Angsi à son entrée en Inde – « constitue très probablement la démarcation géographique entre les deux espèces ». Cette hypothèse demande toutefois confirmation avec l’examen de prélèvements supplémentaires en provenance du Bhoutan comme d'Inde.
« Bien qu'il existe une différenciation génétique évidente entre les populations étudiées, en l’absence d’échantillons provenant de ces deux zones, il reste difficile d’affirmer l’existence de deux espèces distinctes », estime Jon Slate, professeur en génétique évolutive à l'Université de Sheffield, au Royaume-Uni.
Vue du Yalu Zangbu depuis le monastère de Ganden, situéà près de 4.300 m d’altitude et à une quarantaine de km au nord-est de Lhassa, dans le district administratif de Dagzê (photo Antoine Taveneaux).
« Afin de préserver l'unicité génétique des deux taxons, nous devons éviter leur croisement en captivité », souligne de son côté M. Hu, prônant également la mise en place de trois unités de gestion différentes pour la protection in situ du petit panda « chinois ». En effet, les tests ont mis en évidence trois groupes génétiques au sein de cette population, dont celui de la région de Qionglai, dans le Sichuan, « àla plus faible diversité génomique. « Son potentiel d'évolution génétique requiert donc une grande vigilance. »
D’après la base de données Zootierliste, l’ensemble des petits pandas maintenus dans les parcs animaliers du Vieux Continent appartiennent à la (sous-)espèce himalayenne. Ils bénéficient d’un programme d’élevage en captivité (EEP) de l'association européenne des zoos et aquariums (EAZA), géré par le zoo de Rotterdam, aux Pays-Bas.
Principalement menacé par la perte, la fragmentation et l'anthropisation de son habitat, le changement climatique et le braconnage, le panda roux, alors jugé« vulnérable », a été reclassé en 2015 « en danger » d’extinction par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).