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Russie : le léopard de l’Amour s’éloigne du gouffre de l’extinction

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Avec 48 à 50 individus recensés, les résultats dépassent toutes les espérances ! En Russie, la population sauvage du léopard de l’Amour (Panthera pardus orientalus ou P. p. amurensis), considéré comme l’un des félins les plus menacés au monde, a augmenté de 50% en 5 ans.

Cette bonne nouvelle a été annoncée vendredi 15 mars 2013 à Vladivostok par le WWF (Fonds mondial pour la nature), le Ministère de la Faune du kraï du Primorié, le Parc national « Terre du léopard » et l'Académie des Sciences de Russie.

PANTHERE DE L'AMOUR 07Plus petite que la panthère africaine, la panthère de l’Amour, parfois appelée panthère de Chine, est la sous-espèce la plus septentrionale de la planète. Son pelage assez clair présente de larges rosettes très espacées. Ici une femelle au zoo de Tallinn, en Estonie (Photo Mona-Mia).

Si ce recensement apporte quatre raisons de se montrer – raisonnablement - optimiste pour la survie de cette sous-espèce dans son milieu naturel, il relève aussi une situation plus inquiétante.

Un avenir toujours incertain

La première raison d’espérer tient donc au nombre de spécimens identifiés, entre 43 et 45 adultes avec 4 ou 5 jeunes. En 2007, les spécialistes estimaient que seulement 27 à 34 léopards de l’Amour subsistaient à l’état sauvage en Russie. La sous-espèce est classée en danger critique d’extinction, c'est-à-dire confrontée à un risque extrêmement élevé d’extinction à l’état sauvage par l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature).

Si le slogan «Seulement 30 à l'état sauvage !» n’est plus d’actualité et si la présence désormais avérée d’une cinquantaine de panthères sur le territoire de l'Extrême-Orient russe a de quoi réjouir les défenseurs de la nature, cette population demeure encore trop restreinte pour assurer la pérennité de la sous-espèce à long terme.

PANTHERE DE L'AMOUR 02La carte du recensement effectué durant l’automne et l’hiver 2012-2013 (Document WWF Russie).

Deuxième révélation, la panthère de l’Amour s'est déplacée vers le nord. Durant de nombreuses années, la rivière Krounovka constituait la frontière septentrionale de l'aire de répartition du léopard. Or voici 3 ans, un mâle solitaire a laissé des traces de son passage dans la réserve de faune Poltavsky, au nord de la rivière. Et cet hiver, une femelle et son petit y ont aussi été repérés. Un gage de réussite pour le réseau d’aires protégées « Terre du léopard » auquel appartient cette réserve.

Les panthères rejoignent la côte

Autre surprise, le léopard a rejoint la côte de la mer du Japon. Une portée a été repérée parmi les roseaux et les buissons d’un delta, dans un secteur que le félin n’avait pas l’habitude de fréquenter. Cet hiver, une concentration élevée de lièvres a été signalée dans cette zone où, à cause de la neige, de nombreux chevreuils ont également trouvé refuge. Les braconniers n’ayant pas suivi ces déplacements de la faune sauvage, la mère et son petit ont passé un hiver tranquille, disposant d’une importante source de nourriture.

PANTHERE DE L'AMOUR 04Aire de distribution du léopard de l’Amour (Document WCS).

Enfin, au sud,  un léopard a été observéà la frontière de la Corée du Nord. Une première depuis le siècle dernier. Il est fort possible que cet animal traverse la frontière et habite temporairement les forêts chinoises et nord-coréennes. Cette découverte atteste de l'importance de la sauvegarde de l'habitat du léopard en Corée du Nord.

La menace des tigres

En revanche, 23 tigres de Sibérie partagent le territoire des panthères de l’Amour en Russie. Ils sont presque deux fois plus nombreux qu’en 2009, date du précédent recensement. Essentiels pour la sauvegarde de l’espèce dans « l’empire du Milieu », ces tigres sont issus de la population chinoise du Changbaishan, elle-même distincte de la principale population russe de la cordillère du Sikhote-Alin.

TIGRE DE SIBERIE MULHOUSETigre de Sibérie en captivité au zoo de Mulhouse (68) en 1999 (Photo Ph. Aquilon).

Tigres et léopards coexistaient jusqu’alors en fréquentant des écosystèmes différents. Or, au sud-ouest du Primorié, les deux grands prédateurs entrent dorénavant en concurrence à cause de la disparition du cerf élaphe au profit du cerf sika et de la baisse du nombre de sangliers. Au cours des dernières années, au moins trois léopards ont été tués par des tigres. Les relevés de cet hiver confirment ce phénomène avec deux signalements de léopards poursuivis par des tigres. Les panthères n’ont dû leur salut qu’à leurs talents de grimpeuses, en se réfugiant dans des arbres.

Des études sur l’influence du tigre de Sibérie sur la population des panthères de l’Amour s’avèrent aujourd’hui nécessaires.

Des doutes sur le nombre de portées
Le recensement des panthères a été réalisé selon une méthode traditionnelle fondée sur l’analyse de la taille des empreintes. Toutefois, les scientifiques ont également eu recours aux navigateurs GPS et aux photos, limitant ainsi les risques d’interprétations erronées.

Sur le terrain, le travail des chercheurs a été rendu difficile par les conditions climatiques très rigoureuses. En revanche, ces dernières ont aidé les scientifiques dans leur tâche puisque la neige profonde et la croûte de neige gelée ont limité les déplacements des animaux tout en réduisant la probabilité de compter un seul et même animal sur différents itinéraires. En outre, la présence de neige fraîche sur la croûte glacée a permis des mesures assez précises de toutes les empreintes relevées.

PANTHERE DE L'AMOUR 05Première image d’un léopard de l’Amour prise en avril 2012 en Chine grâce à un piège photographique (Photo Hunchun Amur Tiger National Nature Reserve).

Les  chercheurs ont noté la présence certaine de 4 femelles avec un petit chacune et d’une portée déjà séparée de la mère. Des données logiques au regard du nombre total de panthères, même si, en 2011, pas moins de 6 portées avaient été recensées. Au regard d’informations recueillies avant l’étude menée l’automne et l’hiver derniers, il est vraisemblable que le nombre de portées en 2013 soit plus élevé que celui formellement établi.

Par ailleurs, une quantité relativement importante d’empreintes a été trouvée le long de la frontière chinoise. Malheureusement, il n'a pas été possible de procéder à un recensement parallèle en Chine où, l'année dernière, au moins 5 léopards différents ont été identifiés grâce à des pièges photographiques. Les spécialistes chinois estiment que 8 à 11 panthères vivent dans trois réserves naturelles au voisinage de leurs congénères évoluant dans la zone russe.

Créer une vaste réserve sino-russe
«Le léopard de l’Amour, le félin le plus rare sur la Terre, quitte le bord du gouffre» a estimé le Dr Yury Darman, directeur de la branche Amour-Russie du WWF. «Nous avons initié ce programme de sauvegarde en 2001 et, aujourd’hui, nous pouvons être fiers de ces quelque 50 léopards vivant dans la nature. La création de grandes aires protégées et unifiées a été cruciale. Celles-ci couvrent désormais 360.000 hectares de l’habitat du léopard en Russie. Il est maintenant nécessaire d'accélérer la création d'une réserve transfrontalière sino-russe qui permettrait d'unifier six aires protégées adjacentes couvrant 6.000 km2. Le maintien d'une population future de 70 à 100 léopards de l’Amour et de 25 à 30 tigres de Sibérie deviendrait alors envisageable.»

PANTHERE DE L'AMOUR 06La création d’une réserve transfrontalière, dont le principe avait été adopté en juin 2009, constitue aujourd’hui une urgence pour protéger panthères de l’Amour et tigres de Sibérie, dont voici un spécimen capturé par un piège photo en avril 2012 en Chine (Photo Hunchun Amur Tiger National Nature Reserve).

Trois fois et demi plus nombreux en captivité

La population captive de léopards de l'Amour a été créée en 1961 à partie de neuf spécimens capturés à l’état sauvage. Par la suite, des analyses génétiques moléculaires ont révélé qu'au moins deux individus présentaient un patrimoine génétique plus proche de la sous-espèce dite de « Chine du Nord » (Panthera pardus japonensis) que tous les spécimens sauvages de panthères de l’Amour. Cette découverte a accrédité l’hypothèse d’une hybridation en captivité entre certains léopards de l'Amour et des individus de la sous-espèce de Chine du Nord. Or les gènes de l’un de ces deux fondateurs (le numéro 2) étaient alors très présents au sein de la  population hébergée dans les institutions zoologiques nord-américaines et européennes.

PANTHERE DE L'AMOUR 08Toisant entre 65 et 80 cm au garrot, la panthère de l’Amour peut atteindre 1,90 m de long et peser jusqu'à 48 kg pour les mâles. Mesurant entre 2 et 2,5 cm en été, les poils de sa fourrure s’allongent jusqu’à 5 cm en hiver. Ici un spécimen en captivité au zoo de Korkeasaari en Finlande (PhotoAnneli Salo).

Les responsables de l’EEP (Programme européen pour les espèces en danger) de la panthère de l’Amour ont donc cherchéà minimiser l’influence de ce fondateur tout en maintenant un taux de diversité génétique acceptable parmi les spécimens inscrits dans l’EEP. En 1999, tous les individus avec plus de 41% des gènes du fondateur 2 ont été exclus de l'élevage. Cette politique s'est traduite par une diminution globale de la prévalence de ces gènes et une augmentation du nombre de léopards présentant un faible pourcentage d'entre eux.
En décembre 2011, 176 léopards de l'Amour étaient officiellement élevés en captivitéà travers le monde. En Europe, l’EEP gérait une population de 54 mâles, 40 femelles et 7 individus de sexe indéterminé. Les zoos américains et canadiens hébergeaient 31 mâles et 41 femelles.
En Chine, les individus à l’origine de la population captive du zoo de Pékin sont originaires de Corée du Nord.


Sources : WWF, WCS, Les félins (Éditions Delachaux et Niestlé), Zootierliste, International Leopard Studbook, Wikipédia.

Actuellement, le Parc des félins à Nesles (77) et les zoos de Lyon (69), Mulhouse (68) et Pont-Scorff (56) élèvent des panthères de l’Amour.


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