Victime de la déforestation, de la dégradation de son habitat, de la chasse ou encore des captures illicites alimentant le trafic d’oiseaux exotiques, l’ara macao (Ara macao), également appelé ara rouge ou ara écarlate, s’est raréfié dans de nombreuses zones de son aire de répartition originelle, de l'est du Mexique à l'Amazonie péruvienne et brésilienne. Et si l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) classe l'espèce dans son ensemble en préoccupation mineure, les spécialistes estiment que l’une des deux sous-espèces (A. macao cyanoptera) est menacée d’extinction. Comprenant les plus grands spécimens et présente du Mexique jusqu’au centre du Nicaragua, A. m. cyanoptera est d’ailleurs considérée comme étant « en danger » par le gouvernement mexicain.
Aras rouges appartenant à la sous-espèce A.m. cyanoptera au zoo du Xcaret Eco Park situé au sud de Cancún, au Mexique (photo Noyolcont).
Sous-espèce en voie d’extinction
Rare dans la plupart des pays d’Amérique Centrale et éteinte au Salvador, la sous-espèce septentrionale a presque disparu du Mexique où sa distribution a régressé de 98 % ! Certes, une décennie d’efforts déployés par les communautés locales, les organisations de conservation et même l’armée mexicaine a permis de réduire le rythme de la déforestation. Néanmoins, d’après le site Global Forest Watch permettant de suivre la déforestation en temps réel, l’habitat du ara rouge s’est encore rétréci entre 2001 et 2013 avec la disparition de 1,7 million d'hectares de couvert forestier, soit près de 5% des forêts où survivent les derniers spécimens mexicains. En 2013, à peine 450 aras rouges sauvages survivaient au sein de petites groupes isolés dans les États du Chiapas et d'Oaxaca et le long des frontières avec le Guatemala et le Belize.
Afin d’enrayer le déclin du ara macao du Nord, l'UICN a préconisé le rétablissement de la population mexicaine par le biais de réintroductions dans des territoires d’où la sous-espèce avait complètement disparu mais aussi de renforcements dans des zones abritant encore quelques petites populations de perroquets.
Publié fin septembre 2014 dans la revue Tropical Conservation Science, un article dresse un bilan très positif de ce programme lancé l’année dernière au Mexique puisque le taux de survie des oiseaux relâchés avoisine 92 % !
Deux sous-espèces d’aras rouges sont reconnues : celle du Nord (A. m. cyanoptera) et la sous-espèce nominale (A. m. macao) présente du sud du Nicaragua jusqu’en Amérique du Sud. Ici un spécimen photographié dans la province de Puntarenas, au Costa Rica en train de consommer les fruits d’un palmier du genre Attalea (photo Oldcrookedjaw).
Patrimoine naturel et vestiges mayas
Les premiers aras écarlates ont été libérés en avril 2013 au Chiapas, près du parc national de Palenque où aucun ara sauvage n’avait plus volé depuis 70 ans. Haut lieu écologique et archéologique, «le parc national de Palenque abrite l'un des plus importants sites de la civilisation maya », précise Alejandro Estrada, chercheur à l'Université nationale autonome du Mexique et auteur de l’article paru le mois dernier.
La majorité des aras réintroduits étaient de jeunes individus élevés en captivité dont la diversité génétique doit éviter une dépression endogamique - ou de consanguinité - et assurer la survie de la population à long terme. Les perroquets n'ont pas été relâchés directement dans la nature. Ils ont été progressivement acclimatés à leur nouvel environnement. Ils ont ainsi été entrainés à reconnaître les aliments sauvages, àéviter d’éventuels prédateurs et à fuir le contact avec les humains.
Le site de Palenque a été classé parc national en 1981. Depuis 1987, il figure sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO (photo Alejandro Linares Garcia).
Après une période d’acclimatation, 92 aras ont recouvré la liberté entre le 21 avril 2013 et le 22 juin 2014 dans les forêts du parc national de Palenque. Et 85 ont survécu, soit une hausse de 34 % de la population d’aras rouges sauvages du Mexique. «Un premier cas de nidification réussie au sein de la population réintroduite a été enregistré le 24 août 2014. Une femelle a pondu deux œufs dans un nid artificiel, précise Alejandro Estrada. Le processus d'adaptation à l'état sauvage des aras réintroduits se passe bien. »
Première étape d’une longue aventure
La réintroduction des grands perroquets frugivores favorise également la dissémination des graines, une aubaine pour l’écosystème du parc. La présence des aras macao permet en outre d’attirer l’attention des communautés locales sur leur patrimoine naturel. Le choix symbolique du site de Palenque a ainsi permis de sensibiliser l’opinion publique à la nécessité de préserver les ultimes fragments de forêt tropicale comme les ruines mayas de la région. Afin de renforcer cette prise de conscience, des programmes d’éducation environnementale ont d’ailleurs été initiés par la Commission nationale des aires naturelles protégées.
Vue d’une partie des ruines de la cité maya de Palenque (photo Peter Andersen).
Malgré ce bilan encourageant, l’avenir des populations d’aras rouges réintroduits est loin d’être assuré. «La participation des habitants des zones urbaines et rurales de la municipalité de Palenque, ainsi que le soutien des élus locaux, de l'Etat et du gouvernement fédéral, seront cruciaux pour l’avenir du projet, au-delà de cette première année», prévient Alejandro Estrada.
Sources : Tropical Conservation Science, mongabay.com
Pour consulter l’intégralité de l’article en anglais : http://tropicalconservationscience.mongabay.com/content/v7/TCS-2014-Vol7%283%29_342-364_AEstrada.pdf