Les plages de la côte est du Nicaragua semblent redevenir un sanctuaire pour la très menacée tortue imbriquée (Eretmochelys imbricata), une espèce classée en danger critique d’extinction par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). La population locale de tortues imbriquées – parfois appelées tortues àécailles – a perdu pourtant 85 % de son effectif originel. Néanmoins, au cours des 14 dernières années, le nombre de nids sur l’archipel des Pearl Cays, dans les Caraïbes, est passé de 154 à 468. En 2014, 75 % des nidifications ont abouti et près de 35.000 nouveau-nés ont rejoint la mer à la fin du mois de novembre. La Wildlife Conservation Society (WCS), une ONG nord-américaine dont le siège se trouve au parc zoologique du Bronx à New York (États-Unis), est à l’origine de ce grand retour de la tortue imbriquée au Nicaragua grâce au Hawksbill Conservation Project lancé en 2000.
Tortue imbriquée dans les eaux antillaises (photo Clark Anderson/Aquaimages).
Sensibiliser les pêcheurs
Les recherches menées par la WCS avant cette date dans les Pearl Cays ont révélé que la quasi-totalité des nids étaient braconnés pour la consommation des œufs ! Près d’une décennie plus tard, le taux de braconnage a diminué de plus de 80 %. L’année écoulée a d’ailleurs enregistré les meilleurs résultats dans ce domaine. Pour les spécialistes, cette réussite est le fruit de la collaboration engagée avec les communautés locales, des programmes de sensibilisation et d’éducation, mais aussi de la création en 2010 d’un refuge pour la faune sauvage dans les Pearl Cays (Wildlife Refuge Perle Cays). Ces diverses initiatives ont contribuéà la sauvegarde des sites de nidification, d’alimentation, d’élevage, et des zones de migration des tortues marines, tout en protégeant les autres espèces et leurs habitats.
Mesurant 4 centimètres pour une masse de 15 grammes, le nouveau-né atteindra en moyenne la taille d’un mètre - avec une carapace de 80 centimètres - et pèsera environ 70 kilos. Certains individus peuvent toutefois présenter une carapace de 100 centimètres et avoisiner les 125 kilos (photo Fins).
« La WSC a également participéà des ateliers et à des commissions gouvernementales à différents échelons afin de nouer un lien avec les organismes gouvernementaux », soulignent Laura Irvine et Pamela Fletcher, membres de l’ONG impliquées dans le projet nicaraguayen. L’organisation de protection de la nature a aussi collaboré avec la police pour la surveillance des nids, tout en encourageant les pêcheurs à remettre à l’eau les tortues, en échange notamment de gilets de sauvetage. Selon les représentantes de la WSC, le regard des habitants sur les tortues a aujourd’hui changé.
Aire de répartition des tortues imbriquées. Actuellement, aucune sous-espèce n’est officiellement reconnue, même si plusieurs auteurs admettent l’existence de deux d’entre elles, Eretmochelys imbricata bissa dans le Pacifique et Eretmochelys imbricata imbricata dans l’Atlantique. Pour d’autres, il s’agirait de deux écotypes. Sur la base d’analyses génétiques, certains chercheurs recommandent néanmoins de gérer de façon distincte les populations nicheuses de l'Atlantique et de l'Indo-Pacifique (document Raul654).
Grandes mangeuses d’éponges
Par ailleurs, les scientifiques ont mis en place un suivi des chéloniens pour mieux connaître leur rôle écologique. Les tortues imbriquées contribuent notamment à la préservation des récifs du Nicaragua, cruciaux pour de nombreuses espèces marines auxquelles elles fournissent un abri, des sites de reproduction et d’élevage et des ressources alimentaires. «Les tortues imbriquées consomment des éponges dont elles régulent la population dans les écosystèmes de récifs coralliens. Elles participent ainsi à l’équilibre de ces derniers et à la croissance des coraux, des algues et des autres espèces constituant les récifs. » Afin d’affiner leurs études, les chercheurs envisagent désormais d’équiper les tortues du Nicaragua d’émetteurs par satellite.
Tortue imbriquée nageant dans un récif corallien de la mer des Caraïbes (photo Pedrosanch).
L’avenir des tortues imbriquées des Pearl Cays demeure incertain, en dépit de l’embellie confirmée en 2014. La bataille pour recouvrer une population stable est loin d’être gagnée. « Le braconnage, le ramassage légal des tortues et les différentes activités humaines dans les zones fréquentées par les animaux tout au long de leur cycle de vie restent des menaces constantes pour les tortues, assurent les représentantes de la WCS. Il reste beaucoup à faire pour que les gens aient pleinement conscience de l’importance de cette espèce, pour réduire le braconnage et les captures accidentelles par les pêcheurs locaux. Il est aussi indispensable d’améliorer la gestion et la mise en œuvre des mesures de conservation et de protection juridique des aires marines de la région. »
Sources : mongabay.com, UICN.