Grande-Bretagne : l’unique population d’orques résidente proche de l’extinction
Réserve de bisons d’Europe dans le canton de Vaud : une première barrière tombe !
Bonne nouvelle pour le projet d’une cellule de conservation du bison d’Europe (Bison bonasus) en Suisse romande. Les autorités du canton de Vaud viennent en effet de délivrer un préavis positif pour la création, dans la forêt de Suchy, d’un espace destinéà la sauvegarde du plus imposant mammifère terrestre du Vieux Continent (voir http://biofaune.canalblog.com/archives/2014/11/20/30993278.html).
Spécimen photographié en 2010 dans le parc allemand Wisentgehege Springe, en Basse-Saxe (photo Michael Gäbler).
Coordinateur scientifique de cette initiative soutenue par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), le biologiste Alain Maibach avoue son soulagement et souligne le travail « fouillé, sérieux et pertinent » de ses collaborateurs. La prise de position de la Direction générale de l’environnement (DGE) cantonale n’était pas acquise d’avance.
Le document tant attendu est néanmoins assorti de quelques réserves liées aux déplacements de la faune locale. Ces objections portent sur l’orientation des parcs et sur la nature des clôtures. «Nous devons aussi recalculer la charge que les bisons feront peser sur les ressources de la forêt», précise Alain Maibach.
De fait, l’objectif se limiterait à l’accueil de quatre ou cinq bisons, alors qu’il était initialement question de six à dix individus. Les ruminants devraient disposer de trois enclos, dont les deux plus vastes couvriraient respectivement 51 et 46 hectares. Le troupeau passerait alternativement de l’un à l’autre.
Les clôturent hérissent les chasseurs
Pour Jean Rosset, conservateur des forêts à la DGE, «la balle est maintenant dans le camp des porteurs du projet ». Ces derniers doivent désormais élaborer un plan sectoriel forestier. Soumis à enquête publique, celui-ci devra être validé par le Département du territoire et de l’environnement du canton.
Bison d’Europe en captivité au parc animalier de Sainte-Croix à Rhodes en Moselle, en août 2014 (photo Ph. Aquilon).
Promettant de « passer la vitesse supérieure », Alain Maibach annonce la mise en place de groupes de travail avec les divers partenaires du projet et « notamment les chasseurs ». Or certains d’entre eux refusent l’idée de clôtures dans le bois de Suchy. Au prétexte que «la loi garantit la liberté de circuler en forêt», ils s'opposent donc à la création de la cellule de conservation. Autre argument avancé par les chasseurs vaudois : le bison d'Europe ne serait pas une espèce endémique.
Un argument spécieux puisque l’aire de répartition traditionnelle du bison d’Europe couvrait bel et bien le territoire helvétique, comme en attestent notamment les découvertes archéologiques effectuées dans les cantons de Thurgovie, Berne et Zurich. Le bovidé a disparu de Suisse seulement au Moyen Âge...
Après avoir été classé par l’UICN « en danger » de 1996 à 2008, le bison d’Europe est considéré comme « vulnérable », c’est-à-dire soumis à un risque élevé d’extinction à l’état sauvage.
Sources : 24 Heures, Le Matin.
Sauvegarde de la biodiversité domestique : un enjeu àéchelle planétaire
Selon le Second rapport sur l’état des ressources zoogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture dans le monde publié mercredi 27 janvier 2016, l’érosion de la biodiversité domestique se poursuit un peu partout dans le monde. Aujourd’hui, 38 espèces et 8.774 races d’oiseaux et de mammifères sont employées dans l’agriculture et la production vivrière. Près de 16,6 %, soit précisément 1.458 races, sont menacées d’extinction ! Et pour 58 %, le risque ne peut être évalué, faute de données fiables sur la taille et la structure des populations. En outre, 96 races d’animaux de ferme ont disparu entre 2000 et 2014.
D’après cette étude réalisée sous l’égide de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la plus forte proportion de races en danger se trouve en Amérique du Nord et en Europe, Caucase inclus. Le Vieux Continent en héberge d’ailleurs le plus grand nombre. En cause, le secteur de l’élevage spécialisé valorisant un faible nombre de races, sélectionnées pour leur productivité.
Victime de la concurrence de la simmental, l’évolénarde - originaire du Valais suisse - a failli disparaître à la fin du siècle dernier. Cette vache a été immortalisée en 2008 dans le musée suisse en plein air du Ballenberg, situé dans l’Oberland bernois (photo Trigaranus).
À en croire les données recueillies dans 129 pays, la principale menace planant sur l’avenir de la biodiversité domestique tient aux « croisements intempestifs ». Néanmoins, les chercheurs mentionnent également « le recours croissant aux races non autochtones, la faiblesse des politiques et des réglementations sur l’élevage, le déclin des systèmes de production animale traditionnels et l’abandon de races jugées pas assez compétitives ».
La France n’est pas épargnée par ce phénomène. Jugées peu ou pas assez rentables, certaines races ont été sacrifiées sur l’autel du productivisme et du rendement, en particulier lors des Trente Glorieuses, de l’après-guerre aux années 1970. Dites à faibles effectifs, d’autres - à poils comme à plumes - ont dû leur salut in extremisà une poignée de passionnées.
Banques génétiques
Les experts redoutent « l’expansion rapide des systèmes de production animale à grande échelle et à fort coefficient d’intrants dans certaines parties du monde en développement ». Abritant un large éventail de ressources zoogénétiques, l’Afrique et l’Amérique du Sud devraient voir leur consommation de viande et de lait s’envoler. Une perspective inquiétante car, par le passé, des accroissements de la demande se sont traduits par l’abandon de la petite production soutenant la biodiversité génétique locale au profit d’une production massive privilégiant un nombre limité de races.
« Durant des milliers d’années, les animaux d’élevage tels que moutons, volailles et chameaux, ont contribué directement aux moyens d’existence et à la sécurité alimentaire de millions de personnes, rappelle José Graziano da Silva, directeur général de la FAO. La diversité génétique est une condition essentielle de l’adaptation face aux enjeux futurs. »
Race de mouton native de l’île de Man en mer d’Irlande, la rustique loaghtan supporte très bien le climat insulaire. Elle se caractérise aussi par la présence de deux, voire trois, paires de cornes (photo Chris Bramhall).
Pour autant, des lueurs d’espoir se dessinent à l’horizon. « Les données que nous avons recueillies suggèrent une amélioration du nombre de races à risque depuis la dernière évaluation [parue en 2007] », relève Beate Scherf, co-auteure de ce rapport. Aujourd’hui, 64 pays - contre moins d’une dizaine alors - ont créé une banque de gènes et 41 envisagent d’en lancer une.
« Au cours des dix dernières années, les pays de toute l’Europe ont considérablement investi dans les systèmes d’informations partagés et les banques de gènes en guise de mesure de sécurité », précise Mme Scherf. En 2013, un réseau européen de banques de gènes (EUGENA) a ainsi vu le jour. Toutefois, les spécialistes insistent sur la nécessité de mesures de conservation in situ, soulignant la valeur culturelle et environnementale liée au maintien de populations vivantes. À ce jour, 177 pays ont nommé des coordinateurs nationaux et 78 d’entre eux ont instauré des groupes consultatifs chargés d’aider les autorités nationales à gérer leurs ressources zoogénétiques.
Croisement dangereux
Le commerce mondial de reproducteurs et de semences est actuellement en plein essor. L’objectif recherché par ces importations de matériel génétique est d’augmenter la productivité de cheptels et/ou de permettre une croissance plus rapide et une arrivée à maturité plus précoce des animaux.
Pourtant, à ce jeu, ces derniers peuvent perdre les caractéristiques leur permettant de s’adapter aux contraintes locales : températures extrêmes, ressources en eau limitées, alimentation pauvre, terrains accidentés ou hautes altitudes.
La noire de Janzé, du nom de la commune d’Ille-et-Vilaine, figure parmi les races françaises les plus rares. Elle serait la dernière représentante de la population de gélines noires peuplant autrefois l’Armorique. Ce coq a été photographié en mai 2015 à l’écomusée du Pays de Rennes (photo Ph. Aquilon).
Introduits par les Portugais dans le biome brésilien du Pantanal voici près de 400 ans, les bovins de race pantaneiro ont par exemple développé une résistance remarquable aux maladies transmises par les vers ou les tiques. Ces vaches supportent le climat de cette région où la sécheresse succède aux inondations. De plusieurs milliers de têtes au début du XXème siècle, cette population bovine est tombée à 500 animaux de pure souche. Aujourd’hui, la survie des pantaneiros - et celle des écosystèmes locaux - pourrait être compromise par le croisement avec des races commerciales incapables de survivre dans cet environnement hostile.
Les auteurs déplorent aussi les connaissances lacunaires sur certaines races et suggèrent d’améliorer la coopération internationale, encore insuffisante malgré la mise en œuvre d’un plan mondial pour les ressources zoogénétiques. Préserver ces dernières permettra aux hommes de mieux répondre aux défis du futur, du changement climatique aux maladies émergentes.
Identifier les grands mammifères africains : un guide photo pour le terrain !
Serengeti, Niokolo-Koba, Kruger, Virunga, Côte des squelettes… Découvrir la faune d’un parc national ou d’une aire de conservation en Afrique constitue un rêve de naturaliste et se prépare longtemps à l’avance. Néanmoins, sur le terrain, l’identification des (sous-)espèces peut s’avérer délicate. S’agit-il d’un petit troupeau de gazelles de Grant ou de Soemmering ? A-t-on repéré dans l’objectif de ses jumelles un cercopithèque noir et vert ou un mone ? Et ce canidé rôdant autour de la charogne, est-ce un chacal doré ou à flancs rayés ?
Ouvrage de terrain, le Guide photo des grands mammifères d’Afrique signé Chris et Tilde Stuart et paru en janvier 2016 aux éditions Delachaux et Niestlé recense toutes les espèces de cette classe de vertébrés à l’exclusion de celles vivant à Madagascar, des chiroptères et de la quasi-totalité des rongeurs.
De la description des comportements aux habitudes alimentaires en passant par l'importance des populations, chaque fiche comprend dix entrées utiles - voire nécessaires - pour une reconnaissance exacte des animaux observés dans la nature. Par ailleurs, une carte dévoile l’aire de distribution de chaque espèce et de ses éventuelles sous-espèces - parfois appelées « races » par les auteurs - avec, le cas échéant, la ou les zones de chevauchement. Afin de limiter les risques de confusion, les espèces susceptibles d’être confondues sont également mentionnées avec leurs différences comme, par exemple, la couleur de la robe pour l’hippotrague noir et l’antilope rouanne.
En outre, divers symboles permettent d’appréhender en un clin d’œil les milieux naturels - savane, forêt clairsemée ou encore désert- habituellement fréquentés par les animaux, la taille de ces derniers par rapport à l’homme et leurs périodes d’activité privilégiées. Par ailleurs, ce livre étant destiné aux amateurs de safaris-photos, le dessin d’empreintes complète souvent les photos et les autres critères d’identification. De même, grâce aux clichés de crânes, il devient possible de mettre un nom sur des restes découverts au hasard d’une piste ou au cœur de la brousse.
Enfin, complétant les noms scientifiques par les appellations vernaculaires en français, en anglais et en allemand, l’index pourra être d’un précieux secours lorsque l’heure tant attendue du voyage en Afrique aura sonné.
STUART Chris et Tilde, Guide photo des grands mammifères d’Afrique, Delachaux et Niestlé, janvier 2016, 320 p., 32,90 €.
Sauvegarde des tigres en Thaïlande : la lutte contre le braconnage porte ses fruits
Selon une étude conduite par une équipe internationale et dont les conclusions ont été publiées début février 2016 dans la revue Conservation Biology, les mesures de protection mises en oeuvre dans le sanctuaire de faune de Thung Yai-Huai Kha Khaeng (HKK), en Thaïlande, ont permis aux tigres de prospérer. Frontalière avec la Birmanie, cette réserve de 600.000 hectares est la seule zone d’Asie du Sud-Est où une hausse de la population de ces grands félins est avérée. 57 tigres vivent aujourd’hui dans cette aire protégée, contre seulement une quarantaine en 2005.
Tigre d’Indochine capturé par un piège photographique dans le sanctuaire de faune de Thung Yai-Huai Kha Khaeng (photo gouvernement de Thaïlande/WCS Thaïlande).
En 2006, les autorités thaïlandaises et la Wildlife Conservation Society (WCS) - une organisation non gouvernementale nord-américaine dont le siège se trouve au parc zoologique du Bronx à New York (États-Unis) - ont instauré un système de patrouilles intensives dans le sanctuaire afin de juguler le braconnage des tigres et de leurs proies. Cette mesure devait faciliter la reconstitution de ce que certains spécialistes considèrent comme la plus importante population « source » de tigres sauvages dans le sud-est asiatique continental. Vraisemblablement à cause du braconnage, la densité de tigres dans la réserve thaïlandaise était alors inférieure de 82 à 90 % à celle de sites écologiquement comparables en Inde.
Prévisions optimistes
90 animaux ont été identifiés grâce aux suivis effectués entre 2005 et 2012. Ces derniers ont également mis en évidence l’amélioration du taux de survie et du nombre de juvéniles au fil du temps. Les experts se montrent aujourd’hui optimistes. «Ces efforts ont porté leurs fruits et nous espérons voir les effectifs de tigres augmenter plus rapidement encore dans les années à venir», assure Somphot Duangchantrasiri, auteur principal de cette étude et membre du Département thaïlandais des parcs nationaux et de la conservation de la faune et de la flore.
Pour Joe Walston, vice-président de la WCS pour la conservation de terrain, «ce succès remarquable a été obtenu dans une zone où la faune sauvage a longtemps souffert». «Malgré les résultats substantiels déjà enregistrés, nous pensons que l’avenir sera encore plus radieux.» Selon les spécialistes, entre dix et quinze ans seront nécessaires pour que la densité des proies atteigne un niveau optimal supportant un nombre de tigres supérieur à celui déjà relevé.
Créé le 4 septembre 1972, le sanctuaire de faune de Thung Yai-Huai Kha Khaeng figure depuis 2011 sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Biome unique en Asie du Sud-Est, il possède des éléments biogéographiques sino-himalayens, sondaïques, indo-birmans et indo-chinois et abrite une faune et une flore caractéristiques de ces quatre zones (photo Tpantisoontorn).
Pour ces travaux sur la dynamique à long terme de la population de tigres du HKK - les premiers de cette nature dans la région, les scientifiques thaïlandais et étrangers ont recouru à un protocole rigoureux. Ils ont combiné l’utilisation de 137 à 200 pièges photographiques - permettant la reconnaissance individuelle des félins grâce aux rayures de leur robe - et de modèles statistiques sophistiqués. Les chercheurs ont ainsi récolté près de 21.000 clichés.
Une méthodologie rigoureuse
«Les méthodes de dénombrement les plus en pointe ont été utilisées pour ce partenariat, estime le Dr. Ullas Karanth, responsable scientifique de la WCS ayant participéà cette étude. Recourir à des démarches rigoureuses pour prendre en connaissance de cause des décisions cruciales pour la sauvegarde des tigres constitue une réelle satisfaction.»
L’analyse des données fournies par les photos, les calculs de densité et d’abondance, les taux annuels de survie et de naissance sont autant d’éléments contribuant à une vision globale de la dynamique de la population de tigres sauvages dans le sanctuaire.
Dans un article paru en février 2015 dans le journal Methods in Ecology and Evolution, des chercheurs de l’université anglaise d’Oxford, de l'Institut indien de statistique et de la WCS avaient mis en cause la validité de la méthode employée pour le recensement des tigres en Inde lors d’une enquête dont les résultats, dévoilés en janvier 2015, indiquaient une hausse de 30 % de la population de ces prédateurs dans le sous-continent en l’espace de quatre ans.
L’aire de répartition traditionnelle du tigre d’Indochine s’étend de la Birmanie au Viêt Nam, en passant par la Thaïlande, le Laos et le Cambodge. Ce félin aurait également été présent dans le sud-ouest de la Chine. Ce spécimen photographié au jardin botanique de Saïgon - désormais Hô-Chi-Minh-Ville - appartenait vraisemblablement à cette sous-espèce (Coll. personnelle).
Les tigres vivant en Thaïlande appartiennent à la sous-espèce d’Indochine (Panthera tigris corbetti) classée en danger d’extinction par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Au début des années 2010, leur nombre à l’état sauvage était estiméà près de 350 spécimens, dont environ 200 en Thaïlande, 85 en Birmanie, une vingtaine au Viêt Nam comme au Cambodge et 17 au Laos. Actuellement, la population de tigres en Thaïlande oscillerait entre 189 et 252 individus.
Selon la revue International Zoo Yearbook, cette sous-espèce aurait été présentée en France uniquement dans les années 1970, au parc zoologique du Bois d'Attilly à Ozoir-la-Ferrière (Seine-et-Marne). À l’heure actuelle, aucune institution zoologique européenne n’héberge de tigres d’Indochine.
Sources : Phys.org, IB Times, Newsweek, Bangkok Post,UICN, zootierliste.de
Biodiversité domestique : la Fondation du patrimoine soutient trois races menacées
Un vénérable dindon, une brebis à l’avenir encore incertain et un canard normand né sur les bords de Seine ! Pour sa quatrième édition, le prix national de la Fondation du patrimoine pour l’agro-biodiversité animale - décerné mardi 1er mars 2016 au Salon international de l’agriculture de Paris - a une nouvelle fois récompensé trois projets originaux. Chacun d’eux participe à la sauvegarde d’une race domestique ayant frôlé l’extinction : la dinde rouge des Ardennes, la brebis raïole et le canard de Duclair.
Connu depuis la Renaissance
Récompensant par 10.000 € un combat mené depuis le milieu des années 1990, le premier prix a été décernéà l’association des producteurs de dinde rouge des Ardennes. Ainsi baptisé en raison de son plumage - le plus uniforme possible - à la couleur fauve rouge évoquant la rouille récente, ce dindon aurait vu le jour dans le massif ardennais au XVIème siècle. Ce gallinacé pourrait être issu du lointain croisement d’un dindon sauvage du Mexique et d’une dinde noire. Son plus célèbre représentant fut servi au mariage du roi de France Charles IX (1550-1574) avec Élisabeth d'Autriche (1554-1592), célébré le 27 novembre 1570 à Mézières.
Le dindon rouge des Ardennes atteint les dix kilos, la masse de la femelle oscillant autour de 6 à 7 kilos (photo © APDRA-FDP).
Très appréciée des amateurs pour sa chair, cette dinde revient de loin. En 1985, seuls quelques particuliers maintenaient les derniers spécimens. Parmi eux, Roland Dams (1932-2012), vétérinaire passionné par les volailles anciennes et ardent défenseur de la biodiversité domestique. Cette année-là, la race fut finalement relancée par Jean-Michel Devresse grâce un mâle et deux femelles confiés par un éleveur de Sedan. D’autres oiseaux de lignées différentes rejoindront ensuite ces trois individus.
En 1994, avec une douzaine d’éleveurs séduits par son initiative, M. Devresse crée l’association dont le dossier a convaincu le jury du prix 2016. L’objectif de ce regroupement professionnel est d’élargir sa clientèle, gage d’un futur plus serein pour une race encore fragile. Si certains éleveurs devaient cesser leur activité, le dindon rouge des Ardennes pourrait de nouveau être confronté au spectre de l’extinction. Présent dans toutes les régions françaises, cette race se rencontre davantage à l’est de l’Hexagone.
Race à croissance relativement lente durant entre sept et huit mois, la dinde des Ardennes supporte bien les climats froids et rigoureux (photo © APDRA-FDP).
Transhumance et châtaignes
Doté de 6.000 €, le 2ème prix a été attribuéà Adrian Rigal, jeune éleveur de brebis raïoles dans l’Aveyron. Souhaitant développer son projet d’agropastoralisme et augmenter son cheptel comptant actuellement 240 têtes, ce lauréat défend ainsi son attachement au terroir cévenol. Toujours très menacée avec un effectif total estiméà environ 2.000 animaux, la brebis raïole appartient au rameau des races caussenardes où figurent également la lacaune avec ses variétés laitière et bouchère, la caussenarde des garrigues, la causse du Lot et la préalpes du Sud.
Le bélier raïole tutoie le quintal, la brebis pesant aux alentours de 60 kilos. Si la majorité des animaux ont une toison blanche, certains affichent des robes plus brunes (photo © Rigal-FDP).
La première mention de la raïole remonte à 1936. Autrefois élevée au sein de petites exploitations associant diverses activités agricoles, cette brebis à la longue tête fine a failli disparaître dans les années 1960 à cause de croisements anarchiques. La raïole a dû son salut à une poignée d’éleveurs utilisant cette brebis en hiver dans les chênaies et les châtaigneraies et pratiquant aux beaux jours la transhumance vers les sommets locaux. En été, des troupeaux de raïoles occupent toujours les pentes des monts Lozère et Aigoual. Rustique, excellente marcheuse, bonne « débroussailleuse » et honorable laitière, cette brebis de taille moyenne employée pour la filière viande est parfaitement adaptée aux sols schisteux et granitiques.
Plutôt ouvertes, les cornes du bélier sont enroulées autour d’oreilles longues et légèrement pendantes. La brebis- comme ce spécimen photographié au Salon international de l’agriculture de Paris en 2013 - peut également arborer des cornes, plus fines cependant que celles des mâles (photo Eponimm).
Dans les années 1980, le parc national des Cévennes et le parc naturel régional des Grands Causses ont mis en œuvre un plan de protection de la raïole. Par ailleurs, depuis 1977, un syndicat veille au devenir de cette brebis. En 1994, une association commune a été formée avec les éleveurs des races rouge du Roussillon et caussenarde des garrigues. En 2008, celle-ci s’est rapprochée de la lacaune pour constituer un organisme de sélection commun et favoriser la diversité génétique de la raïole.
« Le barboteur de Normandie »
Enfin, le parc naturel régional (PNR) des boucles de la Seine normande a reçu le 3ème prix d’une valeur de 4.000 € pour son implication dans la sauvegarde du canard de Duclair. Après la disparition du dernier élevage professionnel, le PNR a fondé en 1994 un conservatoire pour sauver cette race dont le berceau se situe sur l’actuel territoire du parc. Créé le 17 mai 1974, ce dernier souhaite lancer une filière locale et mettre en avant ce canard à la chair réputée excellente et moins grasse que celle de son congénère de Rouen.
Le canard de Duclair pèse environ 3 kg, la cane affichant près de 2,5 kg sur la balance (photo© PNR boucles de la Seine normande-FDP).
Le standard du canard de Duclair, mentionné dans la littérature avicole dès la fin du XIXème siècle, a étéétabli le 11 novembre 1923. Surnommé « l’avocat » en raison de son plumage noir - ou quelquefois gris-bleu, uniforme, orné d’une bavette blanche s’étendant de la gorge à la poitrine, cet anatidé possède la silhouette d’un gros canard fermier. Précoce et rustique, le canard de Duclair est parfois désigné sous le sobriquet de « barboteur de Normandie ».
Selon la légende, cette race serait le fruit d’accouplements entre des canes domestiques et des canards sauvages attirés par la douceur du climat régnant dans cette boucle de la Seine protégée des vents du nord par de hautes falaises de craie blanche.
Chez la variété noire, le bac des mâles est vert foncé, celui des canes variant de l’ardoise au noir (photo© PNR boucles de la Seine normande-FDP).
D’après un rapport établi en novembre 2014 par l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), 80 % des 179 races locales recensées en France (*) sont considérées comme menacées d’abandon par l’agriculture. Pour les équidés, les porcs et les volailles à l’exception de la poule, ce constat s’applique même à toutes les races !
(*) Ce recensement comprend dix espèces : les ânes, les vaches, les canards, les chevaux, les chèvres, les dindons, les moutons, les oies, les porcs et les poules. Il exclut les lapins.
Sources : Fondation du Patrimoine, DUBOIS Philippe J., PÉRIQUET Jean-Claude, ROUSSEAU Élisa, Nos animaux domestiques, Le tour de France d’un patrimoine menacé, Delachaux et Niestlé, 2013, 305 p., Collectif des races des massifs, Club pour la sauvegarde des races avicoles normandes.
Parc des félins : « La réintroduction ? Nous sommes au début de l’aventure ! » (1)
Fin octobre 2015, BIOFAUNE s’est rendu au Parc des Félins à Lumigny-Nesles-Ormeaux (Seine-et-Marne) pour évoquer le relâché dans la nature, en Russie, d’une panthère de Perse née en captivité dans l’établissement.
Voici la première partie de l’interview réalisée à cette occasion.
Grégory Breton, tu es le directeur zoologique du Parc des félins. En juillet dernier, tu as coordonné le transfert d’une panthère née en Seine-et-Marne vers la Russie, afin qu’elle soit relâchée dans le Caucase russe.
Effectivement ! Simbad, un mâle né en 2013 dans notre établissement, a été sélectionné par le Programme d’élevage européen (EEP) pour être envoyé au centre de réhabilitation de Sotchi puis réintroduit dans la nature.
Le parc national de Sotchi est le deuxième parc national le plus vieux de Russie mais son centre d’élevage, créé en 2009, est assez récent. Situé en montagne dans un endroit isolé et très bien gardé, il dispose de grands enclos et d’autres plus petits. Une équipe surveille ses installations par caméra. Les animaux sont nourris par des systèmes automatiques, pour éviter tout contact avec l’homme.
La chaîne montagneuse du Caucase, dans le parc national russe de Sotchi. Créé le 5 mai 1983, ce dernier s’étend sur 1.937 km2 (photo © Grégory Breton).
Quelles étaient les nouvelles à l’approche de l’hiver russe ?
Trois mois plus tard, les nouvelles étaient très encourageantes puisque Simbad avait déjà chassé plusieurs proies sauvages. Il a tué des sangliers et il s’attaque maintenant à des cerfs. Il est actuellement maintenu dans un enclos d’un hectare divisé en différentes zones s’ouvrant et se fermant à distance. Tout se passe donc très bien.
Simbad a un excellent comportement. Il chasse à l’affût et possède l’instinct de saisie à la gorge ou au cou lui permettant de mettre à mort ses proies.
Entrée du centre de reproduction de Sotchi (photo © Grégory Breton).
En quoi ce transfert a-t-il été une première mondiale, comme le Parc l’a annoncé ?
C’est tout simplement la première fois qu’un léopard né en captivité dans un parc zoologique européen est renvoyé dans le pays d’origine de ses aïeux pour être réintroduit dans le milieu naturel !
Présents en Afrique et en Asie, les léopards ne sont pas globalement menacés à l’état sauvage. En revanche, toutes les sous-espèces asiatiques, notamment la panthère de Perse, sont en danger.
La panthère ou léopard de Perse vit en Russie mais aussi en Iran, au Turkménistan, en Turquie et dans le Caucase, en Arménie et en Azerbaïdjan. Aujourd’hui, le seul endroit où cette sous-espèce n’est pas réellement menacée est l’Iran, qui abrite une population estimée entre 800 et 900 spécimens. En revanche, il ne subsiste pas plus d’une centaine de léopards dans l’ensemble des autres pays avec, par exemple, une dizaine voire une quinzaine de panthères en Turquie. Les dernières estimations mentionnaient la présence de moins de cinq animaux sauvages en Russie.
Pourquoi choisir des individus nés dans des zoos européens ?
Lorsque les Russes ont voulu réintroduire la panthère de Perse dans le Caucase, ils se sont initialement tournés vers l’Iran et les pays limitrophes. Ils ont alors découvert l’absence de suivi et de gestion des populations concernées. Or il est important de connaître l’origine des animaux et d’être sûr que ceux qui seront relâchés ne sont pas consanguins.
Au départ, le président Poutine avait obtenu par voie diplomatique un animal en Iran et un autre au Turkménistan. Ces léopards se sont reproduits mais les biologistes russes se sont rendu compte que le projet exigeait davantage d’individus fondateurs.
Ils se sont donc tournés vers l’Association européenne des zoos et aquariums (EAZA) dont dépend l’EEP du léopard de Perse. Celui-ci est géré par José Dias Ferreira, du zoo de Lisbonne, et bénéficie d’un suivi sérieux des pedigrees. Forte d’une centaine d’individus, la population captive européenne dispose d’une bonne diversité génétique.
Des négociations ont donc débuté entre le ministère russe des ressources naturelles et de la protection de l'environnement, l’EAZA et l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), et plus spécialement son groupe des spécialistes des félins. De nombreuses sommités ont travaillé en amont à ce transfert.
Simbad, subadulte, dans son enclos de Seine-et-Marne. Ses parents - Fatma et Édouard - sont nés respectivement le 17 juillet 2006 au zoo de Berlin et le 11 mars 2007 au ZooParc de Beauval (photo © Daniel Manganelli).
En octobre 2012, des panthères nées dans des zoos d’Europe de l’Ouest avaient déjà rejoint le Caucase.
Oui, le zoo de Lisbonne avait envoyé un premier couple mais, à la différence de Simbad, ces animaux venus du Portugal resteront dans la partie captive. Ils ne seront jamais relâchés.
Comment expliques-tu que le Parc des félins soit le premier établissement à se lancer dans un tel projet ?
Selon moi, le choix d’un animal né au Parc des félins tient à plusieurs facteurs.
Le premier est la taille de notre enclos. Avec ses 1.300 m2, c’est le plus grand d’Europe pour des léopards de Perse. Créateurs du Cerza et du Parc des félins, Patrick Jardin et son frère Thierry sont des directeurs ayant toujours voulu offrir de l’espace à leurs animaux. Derrière ce grillage, c’est la nature. Ici, les léopards se promènent, peuvent se camoufler, grimper à 20 ou 30 mètres de haut dans les arbres et y dormir.
Le deuxième élément concerne l’expérience du Parc des félins. L’établissement existe depuis maintenant 16 ans. Par notre travail, nous avons démontré qu’il était possible d’élever des animaux sereins au point d’avoir, dans un même enclos, la mère avec ses petits et leur père. Cela n’est pas toujours possible en captivitéà cause des lieux, de l’espace ou du tempérament des animaux. Nous y parvenons pour presque toutes les portées !
Simbad est un animal psychologiquement normal, sachant se comporter avec ses congénères. Il connaît les odeurs d’un mâle adulte dominant. Nous avons d’ailleurs retenu l’animal le plus craintif de la portée, le plus méfiant vis-à-vis de l’homme, celui qui se montrait le moins facilement aux visiteurs.
Autre élément important, des proies pénètrent naturellement nos enclos. Des pigeons, des canards s’y posent, quelques lapins et des petits rongeurs peuvent y entrer. Nos félins chassent. L’animal que nous avons confié aux Russes n’était pas complètement inexpérimenté dans ce domaine.
À l’aéroport de Sotchi, lors du transfert de Simbad en juillet 2015 (photo © Grégory Breton).
Les félins du Parc ont donc déjà l’expérience de la prédation ?
L’instinct est bien présent, il ne disparaît pas. Nos félins ont donc une certaine technique et cela joue en leur faveur.
Enfin, un dernier facteur est la renommée du Parc, fruit du travail mené depuis son ouverture. Depuis très longtemps, j’ai des contacts au niveau mondial. J’ai supervisé plus de 400 transferts de félins, je siège dans différents comités et je gère le programme d’élevage des chats des sables.
Tout ce contexte favorable explique pourquoi nous avons été approchés pour cette première.
Normalement, à l’âge adulte, Simbad aurait du être transféré dans un autre établissement dans le cadre du programme d’élevage. Le fait que vous ayez reçu en retour un mâle ayant vu le jour en Russie de parents nés à l’état sauvage a-t-il pesé dans la décision du transfert ? C’est un individu très précieux génétiquement qui vous est arrivé ?
Tout à fait. Les décisions de transferts d’individus appartenant à des espèces menacées ne dépendent pas des parcs zoologiques mais se prennent à des échelons plus élevés.
Nous aurions très bien pu envoyer simplement « notre » léopard en Russie. Pourtant, à un moment donné de la discussion, il s’est avéré que le centre de réhabilitation - qui fait un peu de reproduction avec quelques animaux - hébergeait un jeune mâle, Grom. Concrètement, celui-ci prenait de la place et il fallait lui trouver une nouvelle destination. Les Russes ne pouvaient pas le relâcher dans la nature car il est trop imprégné.
Nous avons donc procédéà un échange. Maintenant, nous avons la responsabilité de mettre Grom en contact avec notre femelle pour reproduire cet animal génétiquement très important pour la population européenne. C’est vraiment super pour nous !
Arrivée de Simbad au centre de Sotchi (photo © Grégory Breton).
Je suppose que toutes ces autorités dont l’aval était nécessaire au transfert ont exigé des garanties concernant la réintroduction de Simbad ?
Oui, tout à fait. Le projet ne concerne pas simplement Simbad ! Il s’agit d’un programme à plus grande échelle. Les échanges seront constants et les pourparlers se poursuivent. À la fin du mois de novembre 2015, tous les experts ayant pris part au transfert de Simbad se sont réunis pour débattre de la réintroduction des grands carnivores en Russie.
Un premier animal a quitté un parc zoologique européen pour son milieu d’origine et d’autres suivront le même chemin.
Des léopards de Perse ont-ils déjà recouvré la liberté ?
Pas encore mais c’est imminent. Les premiers relâchés sont prévus cette année et en 2017.
Les petits du couple venu de Lisbonne seront ainsi réintroduits dès 2016. Si tout se passe bien, et cela semble être le cas puisqu’il est déjà apte à chasser de grosses proies, Simbad sera relâché en 2017.
Salle de contrôle du centre de Sotchi (photo © Grégory Breton).
D’autres parcs envisagent-ils de suivre votre exemple pour cette sous-espèce ?
Prochainement, non. Cela n’a pas été le cas l’an dernier et cela n’est pas envisagé pour 2016.
Un animal sera peut-être envoyé en Russie pour l’élevage mais pas pour un relâché. Le centre de Sotchi a des capacités d’accueil limitées et se concentre sur la réintroduction de Simbad et des animaux nés sur place.
Le pré-enclos de Simbad lors de son arrivée au centre de Sotchi (photo © Grégory Breton).
Pourquoi avoir choisi une panthère pour cette première ?
La décision vient des autorités russes ayant décidé de réintroduire cette sous-espèce et des gestionnaires du programme d’élevage européen. Si on nous contacte demain pour participer à des relâchés de jaguars, de chats pêcheurs, de margays ou de chats du désert nés ici, nous jouerons le jeu de la même façon.
Maintenant, le caractère assez opportuniste du léopard et son comportement solitaire, craintif et très méfiant constituent autant d’atouts pour le succès du programme.
Enfin, tout simplement, la panthère de Perse est vraiment menacée à l’état sauvage.
Il faut féliciter le gouvernement russe qui a souhaité cette réintroduction. En France, le loup est revenu à l’état sauvage de façon naturelle et sa présence reste problématique. Une poignée d’ours survivent dans les Pyrénées. Les scientifiques souhaitent en réintroduire mais cela s’avère politiquement très compliqué. Quant au lynx, si sa situation est satisfaisante dans le Jura, il a de nouveau disparu des Vosges…
La réintroduction, ce n’est pas facile. Aux aspects zoologique et biologique s’ajoute une dimension géopolitique.
Le léopard de Perse est menacé mais la panthère de l’Amour (*) l’est encore davantage. Comment expliques-tu que cette première concerne cette sous-espèce et non celle de l’Amour vivant également en Russie ?
Il existe aussi un programme pour la panthère de l’Amour présente dans l’Extrême-Orient russe.
Simbad et sa mère Fatma (photo © Mylène Pillière).
Ces programmes sont menés en parallèle ?
Exactement ! Le développement du projet pour la panthère de Perse à Sotchi ne signifie pas que rien n’est entrepris ailleurs pour la panthère de l’Amour.
Pour l’anecdote, le gouvernement russe, la société zoologique de Londres et d’autres organisations travaillent ensemble à la sauvegarde de la panthère de l’Amour. Ils suivent la cinquantaine d’animaux vivant encore à l’état sauvage et envisagent des relâchés depuis très longtemps.
La situation de la panthère de Perse a été abordée plus tard mais son programme a dépassé celui de sa congénère ! Une histoire de coïncidences où de multiples éléments entrent en ligne de compte.
Quoi qu’il en soit, ces deux programmes ne sont pas exclusifs l’un de l’autre.
À suivre…
(Propos recueillis par Philippe Aquilon)
(*) La panthère de Perse (Panthera pardus saxicolor) est classée « en danger d’extinction » par l’UICN. Celle de l’Amour (P. p. orientalis) est considérée comme « en danger critique d’extinction ».
Pour découvrir la première partie du résumé vidéo de cette interview :
États-Unis : brutal déclin de la population de loups du Mexique !
Selon l’estimation annuelle établie par le Bureau américain de la pêche et de la vie sauvage (US Fish and Wildlife Service), la population de loups gris du Mexique aux États-Unis a connu un déclin de 12 % en 2015. Cette baisse de la population intervient après cinq années de hausse consécutive.
L’étude a été menée sur le terrain durant les deux derniers mois de 2015 puis grâce à des observations aériennes début 2016. 97 canidés ont été recensés dans la nature. Ils étaient 110 un an plus tôt. Ces données constituent l’évaluation minimum du nombre d’individus vivant à l’état sauvage.
13 cadavres d’adultes ont été retrouvés en 2015 contre 11 en 2014. En outre, les chercheurs ont perdu la trace de 11 loups équipés de colliers émetteurs. Enfin, la mortalité des chiots a été beaucoup plus élevée puisque seulement 55 % des jeunes nés en 2015 avaient survécu en décembre dernier. L’année précédente, le taux de survie avait atteint 86 %, soit 23 individus.
Depuis le 28 avril 1976, le loup mexicain est classé« en danger » sur l'Endangered Species Act (ESA), loi fédérale adoptée en 1973 afin de protéger la faune et la flore menacées de disparition et leurs écosystèmes (photo Clark Jim, U.S. Fish and Wildlife Service).
Suspicion d’abattages illégaux
« Il est difficile de déterminer si ce brusque renversement de tendance est anormal, alors que la tendance était jusqu’alors encourageante, avec notamment une augmentation de 30 % en 2014 », relève Sherry Barret, coordinatrice de l’agence de sauvegarde du loup gris du Mexique. Plusieurs facteurs pouvant expliquer une telle chute, le Bureau américain de la pêche et de la vie sauvage veut désormais établir avec précision les causes du phénomène afin de rétablir la croissance de la population lupine. Des nécropsies seront ainsi pratiquées sur les cadavres retrouvés.
« Si l’on se fie au passé, il pourrait s’avérer que nombre de loups morts ont été abattus illégalement et qu’une grande partie de ceux non repérés ont également été braconnés », estime Michael Robinson, défenseur du loup et membre du Centre pour la diversité biologique (Center for Biological Diversity), organisation non gouvernementale dont le siège se trouve à Tucson, en Arizona. « Mais j’espère me tromper… »
Apparentés aux loups européens
En effet, le retour du loup gris du Mexique (Canis lupus baileyi) dans son habitat naturel grâce à des relâchers initiés en mars 1998 (http://biofaune.canalblog.com/archives/2014/07/25/30306179.html) a suscité l’opposition de certains éleveurs redoutant des attaques sur leur bétail. « La réintroduction du loup est une question délicate», estime de son côté Garrett VeneKlasen, directeur exécutif de la Fédération de la faune sauvage (Wildlife Federation) du Nouveau-Mexique, regroupant plus de 16.500 chasseurs et pêcheurs de cet État frontalier. «Nous ne voulons pas que le retour du loup ait des conséquences délétères sur d’autres espèces indigènes, précise M. VeneKlasen. Mais il est aussi important de rétablir la population de ce prédateur essentiel à la santé de l’écosystème local. »
Le loup gris du Mexique est la plus petite sous-espèce nord-américaine. Sa hauteur au garrot oscille entre 70 et 80 cm pour une masse allant d’une vingtaine de kilos à près de 40 kg. Ici, un individu captif au zoo de Cincinnati, dans l’Ohio (photo Ltshears).
Dès 1929, le loup du Mexique a été décrit comme une sous-espèce du loup gris sur des critères morphologiques - une petite taille, un crâne étroit et un pelage sombre. Cette taxonomie a été récemment validée par des recherches génétiques - publiées notamment en 1999, 2003, 2005 et 2011 - révélant une proximité plus étroite du loup gris du Mexique avec ses congénères européens qu’avec les autres sous-espèces d’Amérique du Nord. Les lointains aïeux du loup mexicain seraient arrivés sur le continent américain par la Béringie au Pléistocène. Ils auraient ensuite été repoussés vers le sud par les ancêtres de l’actuel loup des plaines (Canis lupus nubilus).
Sources : Albuquerque Journal, US Fish and Wildlife Service, Wikipédia.
Norin Chai ou le « Jungle Doctor » : guérir les animaux pour soigner le monde
Vétérinaire très médiatique, le Dr. Norin Chai doit sa notoriété auprès du grand public à la série documentaire « L’arche de Norin ». Loin de se cantonner aux allées du vénérable établissement zoologique délimité par la rue Cuvier et le quai Saint-Bernard à Paris, l’actuel directeur-adjoint de la Ménagerie du jardin des plantes parcourt le monde pour soigner la faune sauvage, apporter son expertise dans la gestion de parcs et des réserves, partager son savoir avec ses confrères, mener des recherches sur le terrain ou encore initier des projets socio-économiques permettant la sauvegarde d’espèces menacées in situ grâce à la prise en compte des besoins et des intérêts des populations locales.
Pour son premier poste, le docteur Chai, fraîchement émoulu de l’école nationale vétérinaire d'Alfort à Maisons-Alfort (94) et dont la thèse publiée en 1996 est consacrée à l’écologie et à l’éthologie du léopard, dirigea durant deux ans le parc national de Manda au sud-est du Tchad… L’intérêt et les compétences du Jungle Doctor ne sauraient se limiter aux seuls spécimens captifs.
Mythe et légende
Dans cet ouvrage publié en février 2016 chez Larousse, Norin Chai a choisi d’évoquer les différentes facettes de son métier à travers quelques aventures vécues, entre table d’opération, expéditions dans la jungle ou conférences épiques…
L’un des chapitres du livre relate notamment la quête du mythique kouprey aux confins du Laos, dans une forêt infestée de sangsues. Si Norin Chai ne redécouvrit pas le légendaire bovidé présumé disparu, il se consola avec la rencontre d’un troupeau de gaurs. Natif de Phnom Penh, le vétérinaire français contribua d’ailleurs à la conservation de cet animal intimement liéà la culture cambodgienne en transférant, en mars 2009, un gaur venu au monde dans l’Hexagone au Phnom Tamao Wildlife Rescue Center. Le long-courrier ayant dû atterrir à Bangkok, l’arrivée de l’animal épousa une légende khmère prédisant le retour de la paix avec celui d’un gaur jadis dérobé par un roi thaïlandais ! Malgré la pudeur de Norin Chai sur le sujet, quelle émotion dut alors éteindre l’intéressé, contraint de quitter sa terre natale à l’âge de quatre avec ses parents pour fuir le régime de Pol Pot…
Apprendre, encore et toujours
Évidemment, le vétérinaire retrace aussi, avec une précision toute chirurgicale, diverses opérations mémorables comme celle d’une sténose pulmonaire valvulaire chez une panthère des neiges, une « première » mondiale. Les lecteurs partageront l’inquiétude provoquée par l’abcès abdominal diagnostiqué chez Nénette - la femelle orang-outan « star » de la Ménagerie, découvriront comment guérir un jaguar mâle ayant avalé un tuyau de pompier ou remédier à une luxation antérieure du cristallin chez une rainette tropicale. Complexe, la médecine des amphibiens passionne Norin Chai dont la seconde thèse - universitaire cette fois - porte sur une mycobactérie atypique au sein de cette classe de vertébrés tétrapodes. Le passage sur les expériences de l’auteur avec les crocodiles permet à l’homme de sciences une mise au point taxonomique sur les « reptiles », classe désormais considérée comme caduque.
Convaincu qu’être vétérinaire est un art et une autre façon de soigner le monde, Norin Chai dévoile au fil des pages sa soif d’apprendre, sa conviction, sa détermination et sa profonde humilité« face à cette magie qui nous entoure ». « Finalement, on ne devient pas un vétérinaire, on cherche constamment à s’en approcher. » Au-delà des souvenirs et des histoires qui finissent bien, Norin Chai sème ainsi des graines d’espoir et suscitera sans nul doute de belles vocations.
CHAI Norin, Jungle Doctor, Éditions Larousse, février 2016, 192 p., 15,95 €.
Parc des félins : « La réintroduction ? Nous sommes au début de l’aventure ! » (2)
Fin octobre 2015, BIOFAUNE s’est rendu au Parc des félins à Lumigny-Nesles-Ormeaux (Seine-et-Marne) pour évoquer le relâché dans la nature, en Russie, d’une panthère de Perse (Panthera pardus saxicolor) née en captivité dans l’établissement (voir http://biofaune.canalblog.com/archives/2016/03/01/33446403.html).
Voici la seconde partie de l’interview réalisée avec Grégory Breton, directeur zoologique de l’établissement, à cette occasion.
Mère de Simbad, Fatma partage désormais son enclos avec Grom. Leur union doit contribuer à la diversité génétique du programme d’élevage européen (photo © Ph. Aquilon).
Beaucoup de spécialistes estiment que la réintroduction d’un grand félin est très difficile, voire impossible. Alors pourquoi l’équipe du Parc des félins - et toi le premier, y croit-elle ?
On peut estimer la réintroduction infaisable mais la réalité est beaucoup plus complexe.
Lorsqu’on évoquait la réintroduction dans les années 1960 ou 1970, personne n’avait conscience de l’ampleur des dégâts causés par l’homme dans la nature. La déforestation n’était pas aussi massive qu’aujourd’hui et certaines espèces se portaient encore très bien.
Cette idée de l’infaisabilité vient peut-être des effets d’annonce de parcs zoologiques ayant affirméà l’époque : « Nous avons des animaux nés en captivité depuis quelques générations, maintenant on peut en relâcher ». Or ces programmes étaient plus ou moins suivis, présentaient un taux d’échec élevé et n’étaient pas toujours crédibles scientifiquement. Nous en étions aux balbutiements d’une nouvelle science.
Les parcs zoologiques ne disposaient pas de conditions d’hébergement comparables à celles d’aujourd’hui. Il est compliqué de prétendre réintroduire un animal ayant grandi dans un espace plutôt confiné. Remettre un individu dans son milieu naturel consistait simplement à ouvrir les portes de sa caisse comme cela se pratique en France pour les relâchés de faisans ou de certains grands ongulés dans des zones où ces derniers ont disparu. La trappe s’ouvre et les animaux se débrouillent. Avec des spécimens exotiques nés en captivité, le « hard release » est inenvisageable. Il faut pratiquer ce que les Anglo-Saxons nomment le « soft release », c’est-à-dire un relâché progressif.
Structure d’entraînement dans l’enclos d’un hectare allouéà Simbad au centre de Sotchi (photo © Grégory Breton).
En parallèle, les anti-zoos ont clamé que le discours sur la réintroduction était mensonger. Cette idée s’est ancrée dans l’opinion publique. Or, depuis 20 à 30 ans, le monumental travail mené avec les programmes d’élevage en Europe et les suivis de populations ont prouvé le contraire.
Aujourd’hui, les médias doivent prendre conscience que la réintroduction est possible et le faire savoir. Les parcs zoologiques élèvent de nombreuses espèces longtemps mal en point et désormais réintroduites dans la nature.
Alors qu’il avait presque totalement disparu, le bison d’Europe en a bénéficié, grâce à d’importants relâchés en Pologne à partir d’animaux nés en captivité. Le cheval de Przewalski a été renvoyé en Mongolie. De petits primates sont retournés en Amérique du Sud.
En Amérique du Nord, le loup roux - une espèce différente du loup commun - et le furet à pattes noires étaient éteints à l’état sauvage aux États-Unis. Les Américains ont élevé en captivité ce canidé et ce mustélidé, et les deux carnivores ont été réintroduits. Des programmes ont été lancés pour le vison européen et nombre d’amphibiens, puisque ces derniers sont extrêmement menacés. Chez les oiseaux, on peut aussi évoquer les vautours, les condors ou les outardes. De nombreux élevages sont ainsi conduits en captivité dans l’optique de relâchés. Au final, énormément d’espèces bénéficient de réintroductions.
La science de la conservation et la réintroduction, cela fonctionne. Les méthodes ne sont plus celles des années 1960-1970. Il faut que les gens en prennent conscience, même si la réintroduction reste limitée par le milieu et l’espace.
Actuellement, quelque 200 tigres sont recensés sur l’île de Sumatra. Celle-ci est victime d’un déboisement effréné pour l’exploitation du bois précieux puis la culture des palmiers à huile. Réintroduire cette sous-espèce n’est pas envisageable. Ramener des tigres nés en captivité reviendrait à dépenser énormément d’argent pour concurrencer les animaux luttant déjà sur place pour leur survie.
La situation est différente pour les panthères de Perse et de l’Amour. Les programmes, eux, sont valables.
Famille de léopards de Perse en captivité au Parc des félins (photo © Daniel Manganelli).
Tu évoques les conditions et les protocoles des relâchés. La plupart des projets de réintroduction de grands félins prévoient un retour dans le milieu naturel après une ou plusieurs générations maintenues en semi-captivité, comme pour les spécimens descendant des individus de Lisbonne. Pourquoi réussiriez-vous ce que d’autres n’osent même pas tenter ?
Si nous pensions que tout est joué, que l’humain a tout rasé, il faudrait fermer l’établissement. Nous travaillons pour essayer de sauver les félins, pour faire prendre conscience au public des dangers pesant sur ces espèces et des moyens de les protéger.
Nous sommes optimistes parce que d’autres expériences ont été couronnées de succès. En Espagne, le lynx pardelle avait quasiment disparu. Dans les années 2000, sa population était estimée entre 100 et 150 individus. Elle était circonscrite à deux zones, la Doñana et la Sierra Morena. Avec des fonds de l’Union européenne, des autoroutes ont été construites en Andalousie où fleurissent les serres pour la production de fraises et de tomates. Faute d’habitat, le lynx a décliné. En parallèle, les lièvres et les lapins dont il se nourrit presque exclusivement ont été victimes de diverses épidémies, dont la myxomatose et la fièvre hémorragique. L’espèce allait donc s’éteindre.
L’Andalousie et le gouvernement central ont créé un centre d’élevage. Avec l’Union internationale pour la conservation de la nature et son groupe de spécialistes des félins, ils ont établi un planning décennal consistant à prélever des animaux dans la nature, à les faire reproduire puis à les relâcher.
Dix ans plus tard, les objectifs initiaux ont été dépassés. Certaines années, plus de 40 naissances ont été enregistrées. Aujourd’hui, un certain nombre de lynx ont été réintroduits et un second centre a été construit au Portugal, où des réintroductions sont prévues. Le programme fonctionne et des animaux nés en captivité ont pu être relâchés directement. Mais pour réussir, il faut s’en donner les moyens !
Première rencontre entre Grégory Breton et Grom (photo © Parc des félins).
Concernant les panthères de Perse, le principe qui prévalait jusqu’ici consistait à former un couple en captivité, à obtenir des naissances puis à relâcher les jeunes. Avec Simbad, nous sautons une génération. On y va directement !
Après son relâché, Simbad sera suivi grâce à un collier émetteur. Les Russes découvriront comment il chasse et s’il s’accouple. Dans ce cas, la mission sera accomplie.
La plus grosse part du travail revient désormais au centre de réhabilitation de Sotchi. Ici, nous avons juste reproduit…
Un protocole particulier a-t-il été mis en place dès la naissance de Simbad ?
En fait, nous avons été sollicités pour envoyer un animal à Sotchi après la naissance de Simbad. Lorsque le projet s’est concrétisé, nous n’avons pas changé ses habitudes mais nous lui avons fourni quelques proies vivantes supplémentaires. Nous l’avons nourri avec des volailles pour qu’il développe son expérience de chasseur.
Femelle panthère de Perse à Lumigny-Nesles-Ormeaux (photo © Joëlle Camus).
La société zoologique d’Écosse envisage d’élever des panthères de l’Amour dans des enclos invisibles du public pour limiter les contacts avec les humains puis, dans un second temps, de transférer les petits vers un centre de réintroduction in situ. Cela n’a pas été votre option, pourquoi ?
Je vais évoquer des considérations bassement matérielles. Si le Parc des félins possède une bonne renommée au niveau international, nous sommes une petite équipe et un jeune parc privé. Nous ne disposons pas de moyens importants. Nous voulons aussi que nos visiteurs voient nos pensionnaires. À l’opposé, les sociétés zoologiques de Londres ou d’Écosse sont des institutions largement centenaires aux budgets incomparables aux nôtres et bénéficiant de fonds publics.
Leur approche est certainement la meilleure mais, aujourd’hui, nous ne pouvons l’imiter.
Maintenant, si dans la décennie à venir nous sommes sollicités chaque année pour confier des animaux destinés àêtre relâchés, Patrick Jardin et l’équipe du parc réfléchiront sans doute à l’aménagement d’un enclos cachéà la vue du public, voire des soigneurs, et équipé de caméras. Cela se fera peut-être…
Grom s’apprête à quitter sa terre natale. Derniers instants avec Umar Semenov - directeur adjoint du parc national de Sotchi en charge du centre de réhabilitation et de réintroduction des panthères - et un garde-forestier (photo © Parc des félins).
Lorsque Simbad sera relâché en 2017, à quels risques majeurs va-t-il être confronté ?
D’abord, il devra établir un territoire. Remis en liberté dans une zone qu’il ne connaît pas, il va rayonner autour du site du relâché puis, petit à petit, marquer les lieux. S’il identifie des odeurs de congénères et notamment celles d’autres mâles, il s’éloignera. Il ne subsiste quasiment aucun spécimen dans la région et cela jouera en sa faveur. Les Russes mentionnent la présence de cinq individus mais certains spécialistes estiment que la panthère de Perse a localement disparu. Et même si cinq animaux survivent dans ces vastes étendues, Simbad pourra facilement trouver un territoire.
Le deuxième point critique concerne l’alimentation. Un léopard peut jeûner pendant près de dix jours mais pas davantage. La faim poussera Simbad à prospecter. Il essayera d’attraper ses premières proies. Au début, peut-être se contentera-t-il de petits animaux avant d’en chasser de plus grands. Il lui faudra franchir ce deuxième obstacle.
Enfin, le troisième risque concernera la relation avec l’homme. Si Sotchi est une ville très développée, en particulier depuis les Jeux olympiques d’hiver de 2014, la région possède d’immenses zones préservées. Néanmoins, Simbad ne sera pas à l’abri d’éventuels braconniers. Il devra se fondre dans la nature et se faire oublier.
Patrick Jardin, fondateur et directeur du Parc des Félins, et Aurélie Roudel, animatrice pédagogique, accueillent Grom - « Tonnerre » en russe - devant son futur enclos (photo © Parc des félins).
Pour l’équipe du Parc, l’enjeu de la réintroduction vaut-il le risque de perdre un ou plusieurs individus d’une sous-espèce classée en danger d’extinction ?
Bien sûr, pourquoi ? Il faut se replacer dans le contexte. Si on relâche cent amphibiens dans une mare et que cinquante survivent, s’agit-il d’un succès ou d’un échec ? Si on envoie dix léopards dans la nature, que quatre survivent et que six meurent, est-ce un succès ou un échec ?
Les anti-zoos verront le côté négatif et affirmeront que ces six individus morts sont une honte et un constat d’échec. Pourtant, dans la nature, sur une portée de trois ou quatre léopards, un ou deux seulement parviennent à l’âge adulte. La mortalité chez les félins se situe autour de 30% durant la première année. Donc si quatre animaux survivent, se reproduisent et permettent à l’espèce de se réimplanter, l’objectif est atteint.
S’il arrive malheureusement quelque chose à Simbad, il faudra déjàétablir les raisons de sa mort, déterminer s’il a été tué par des braconniers ou si sa disparition est liée à un facteur biologique. Chassait-il bien, par exemple ?
Il faudra aussi savoir s’il est parvenu à s’accoupler. Si les Russes parviennent à faire de Simbad un chasseur aguerri, s’il survit pendant un certain nombre d’années et parvient à se reproduire, ce sera un succès total.
Simbad, à l’âge adulte, dans l’enclos où il a vu le jour, le 19 juillet 2013 (photo © Daniel Manganelli).
Dans tous les cas, nous retenterons l’aventure. Aujourd’hui, on reproduit tellement bien dans les parcs zoologiques européens que nous devons faire de la contraception. Nous avons trop de petits ! Si des programmes de réintroduction se mettent en place, nous ne placerons plus nos félins sous contraceptif et le « surplus » permettra le relâché d’animaux.
Pour toutes ces bonnes raisons, le jeu en vaut clairement la chandelle. Il faut continuer. Nous sommes au début de l’aventure !
Propos recueillis par Philippe Aquilon.
Pour découvrir les deux dernières parties du résumé vidéo de cette interview :www.dailymotion.com/video/x3ve2wd_interview-2eme-partie_animals etwww.dailymotion.com/video/x3wr3yt_suite-et-fin-de-l-interview-biofaune_animals
Réintroduction et hybridation : cas d’espèce(s) chez les orangs-outans de Bornéo
Le bien-fondé et le succès d’un programme de réintroduction se jugent parfois a posteriori grâce aux progrès de la science et de la génétique en particulier. Les études sur ces expériences passées permettent aussi de ne pas renouveler certaines erreurs, par exemple la « pollution génétique » des populations sauvages par les spécimens relâchés.
Publiés jeudi 25 février 2016 dans la revue Scientific Reports, des travaux menés par le Dr Graham L. Banes et le Dr Linda Vigilant de l'Institut Max-Planck d'anthropologie évolutionniste de Leipzig (Allemagne) avec le concours de la primatologue Birutė Galdikas, ont ainsi voulu évaluer les conséquences du retour dans la nature entre 1971 et 1985 de plus de 90 orangs-outans sur l’île de Bornéo. Pour la plupart confisqués à des trafiquants, ces anthropoïdes ont tous transités par Camp Leakey. Fondé en 1971 par la célèbre éthologue canadienne, ce centre de recherche et de réhabilitation se situe dans le parc national de Tanjung Puting, couvrant 355.000 hectares dans la province indonésienne de Kalimantan du Sud.
Win, l’un des orangs-outans mâles de Camp Leakey, photographié ici en 2005 (photo Bjornman).
La question des origines
Longtemps, les orangs-outans ont été considérés comme appartenant à une seule et même espèce, divisée en deux sous-espèces. Or, depuis 1996 et sur la foi d’analyses génétiques, la population de ces grands singes originaires d’Asie du Sud-Est insulaire est scindée en deux espèces distinctes, l’une native de Bornéo (Pongo pygmaeus) et l’autre de Sumatra (Pongo abelii). Elles sont respectivement classées « en danger » et « en danger critique » d’extinction par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
En outre, trois sous-espèces sont désormais admises pour l’orang-outan de Bornéo. Elles auraient divergé d’un ancêtre commun voici 176.000 ans avec une différenciation marquée au cours des 80.000 dernières années.
Vivant dans le nord du Kalimantan occidental et au Sarawak, P.p.pygmaeus est isolé de P.p.wurmbii - présent dans le Kalimantan central et au sud du Kalimantan occidental - essentiellement par le fleuve Kapuas. Originaire de Sabah et du Kalimantan oriental et septentrional, P.p morio est séparé des deux autres sous-espèces par des cours d’eau, des montagnes et l’éloignement géographique.
Vue du parc national de Tanjung Puting depuis le cours de la rivière Sekonyer (photo Nanosanchez).
Selon les registres tenus par Birutė Galdikas dans les années 1970 et 1980, la majorité des orangs-outans réintroduits par ses soins étaient originaires du parc national ou de zones voisines. Néanmoins, certains provenaient aussi de régions plus éloignées. Plusieurs animaux avaient ainsi été transférés depuis Palangka Raya, la capitale de la province de Kalimantan central située à environ 470 kilomètres de la réserve de Tanjung Puting. D’autres individus avaient été saisis sur l’île indonésienne de Java.
D’après le biologiste Carey Yeager, des singes originaires de l’est comme de l’ouest de Bornéo ont probablement été réintroduits à Camp Leakey où ils se sont hybridés avec des spécimens sauvages. Pour lui, au moins une femelle de Sumatra juvénile aurait même été relâchée à Camp Leakey avant 1981. Biruté Galdikas assure que cet individu présentait la morphologie typique des individus de Bornéo. En outre, cette femelle ne se serait jamais reproduite et serait morte avant 1994. Tout en admettant l’insuffisance du seul critère physique, la primatologue affirme d’ailleurs avoir refusé les orangs-outans dont l’apparence pouvait suggérer l’appartenance à la population de Sumatra.
Menaces sur les populations sauvages
« L’hybridation et l’introgression de spécimens de lignées génétiquement différentes peuvent avoir des effets négatifs sur la santé globale d’une population », relèvent les chercheurs, mentionnant l’infertilité courante chez les hybrides nés d’individus d’espèces différentes.
Ce phénomène de dépression exogamique s’observe aussi lors de croisements entre spécimens de diverses sous-espèces voire de populations ayant évolué indépendamment, en particulier si ces dernières occupent des habitats différents ou n’ont eu aucun contact génétiques lors des 500 dernières années.
Évoquant l’introduction au sein de la population de pumas de Floride (Puma concolor coryi) de huit femelles originaires du Texas et appartenant à une sous-espèce différente (P. c. stanleyana)*, les auteurs de cette étude soulignent néanmoins que l’hybridation peut, dans certaines circonstances, améliorer la santé des populations concernées.
La dépression exogamique peut donc perturber des ensembles de gènes adaptés aux conditions locales et engendrer des combinaisons génétiques et/ou des mutations nuisibles. Bien que les preuves empiriques soient moindres pour la dépression hydrique que pour celle liée à la consanguinité, leurs conséquences respectives sont considérées d’ampleur égale à partir de la deuxième génération.
Parfois, notamment pour de petites populations, l’hybridation et l’introgression peuvent aussi déboucher sur des « colonies d’hybrides » submergeant la population originelle et la conduisant à l’extinction ! À ces risques pour la biodiversité se greffent enfin des arguments moraux et éthiques.
L’hybridation provoquée par l’homme doit ici être distinguée de celle survenant naturellement dans les zones de contacts entre (sous-)espèces, par exemple entre les chimpanzés du golfe de Guinée (Pan troglodytes ellioti) et ceux du Cameroun méridional (P. t. verus). En 2012, une étude a été publiée sur l’hybridation, dans le bassin d’Amboseli au sud du Kenya, entre le babouin olive (Papio anubis) et le babouin jaune (P. cynocephalus).
Les connaissances relatives à la dépression hybride ayant considérablement progressé au cours des dernières décennies, il est légitime de s’inquiéter des conséquences de réintroductions passées sur la santé des populations sauvages.
Mâle adulte vivant dans le parc national de Tanjung Puting (photo Nanosanchez).
Confisquées sur l’île de Java
Les chercheurs ont étudié la composition taxonomique des orangs-outans de Camp Leakey d’après leur ADN mitochondrial obtenu grâce à des échantillons de matières fécales collectés dans ou aux alentours du centre de recherche. À l’heure actuelle, la population de Camp Leakey compte une soixantaine d’individus dont huit femelles réintroduites. Deux autres sont mortes récemment. Ces dix femelles se sont toutes reproduites.
Les analyses ont révélé que deux femelles réintroduites appartenaient à la sous-espèce P.p.pygmaeus et non àP.p.wurmbii comme les individus présents au sud de Bornéo ! Leur descendance compterait au minimum 22 hybrides dont au moins 15 toujours vivants.
Née vers 1969 et confisquée à Java, Rani avait été relâchée avant sa maturité sexuelle. Elle a donné le jour à sept petits. Six ont atteint l’âge adulte. Elle est aussi la grand-mère de cinq individus et l’arrière-grand-mère de deux autres, dont un n’a pas survécu. À l’exception des deux spécimens morts en bas âge, tous les descendants de Rani sont en vie et aucun n’a exigé de soins vétérinaires.
Adolescente lors de son relâché, Siswoyo - sans doute venue au monde en 1962 - avait étéégalement recueillie à Java. En revanche, sa parenté est beaucoup moins nombreuse et d’une santé bien plus fragile. Deux des cinq petits de cette femelle sont morts très jeunes et Siswoyo a succombéà une infection dix jours après sa dernière mise bas.
Baptisée Siswi, son unique fille a donné naissance à trois reprises : un petit mort-né, une femelle disparue très tôt et un mâle ayant nécessité de fréquentes interventions médicales. Après avoir perdu l’usage de son œil droit lors d’un accident provoqué par des hommes en 1993, ce mâle dépourvu de disque facial a été aperçu une dernière fois à l’âge de 16 ans. Il s’est ensuite évanoui en forêt et est aujourd’hui présumé mort. Néanmoins, il aurait pu se reproduire au moins une fois avant son départ de la zone d’étude. Quant à Siswi, opérée en 1997 d’une perforation intestinale, elle n’est plus désormais en mesure de procréer.
Birutė Galdikas en mars 2011 (photo Simon Fraser University - University Communications).
La preuve par le gène
La descendance directe de Rani compte donc 14 hybrides « simples » et/ou individus « introgressés » sur trois générations contre huit sur deux générations pour celle de Siswoyo. Au minimum…
Cette découverte fournit la preuve génétique que des orangs-outans d’une sous-espèce différente de P. p. wurmbii ont bien été relâchés à Camp Leakey avec, à la clef, une hybridation et une introgression sur plusieurs générations. Au moins 22 animaux - dont 15 encore vivants à l’état sauvage - sont ainsi porteurs d’un « cocktail » génétique inconnu dans la nature.
En outre, ce phénomène dépasse certainement le périmètre de Camp Leakey et affecte des secteurs du parc national de Tanjung Puting très éloignés du centre de recherche. En effet, si les femelles adoptent généralement un comportement philopatrique, les mâles se dispersent sur des territoires couvrant parfois plus de 2.500 hectares. Or la descendance de Rani compte six mâles - si ce n’est davantage - vraisemblablement parvenus à maturité sexuelle. Et parmi celle de Siswoyo, trois mâles sont aussi susceptibles de s’être reproduits.
Orang-outan au Centre de réhabilitation de Sepilok à Sabah. Cet État de Malaisie orientale, situé au nord de Bornéo, abrite la sous-espèce P. p.morio (photo Bernard Dupont).
Au regard de la durée et de l’ampleur du projet de réintroduction initié par Birutė Galdikas, les lignées de Rani et Siswoyo constituent sans doute la partie immergée de l’iceberg de l’hybridation. Selon les données de la primatologue, sur les quelque 90 orangs-outans relâchés à Camp Leakey, près de 80 étaient encore en vie lorsque le programme a pris fin, même si nombre de primates avaient alors disparu dans la jungle. Parmi les singes relâchés figuraient notamment deux mâles et une femelle confisqués à l’ancien propriétaire de Siswoyo. Ce dernier avait acheté les animaux à différentes époques et par différentes filières. Ces orangs-outans pourraient donc, eux aussi, appartenir à une autre sous-espèce que P.p.wurmbii…
Par ailleurs, le gouvernement indonésien a procédéà des relâchés sur deux autres sites du parc national au cours des années 1980 et 1990. Et si Birutė Galdikas a cessé les réintroductions à Camp Leakey dès 1985, elle a remis en liberté plus de 200 orangs-outans dans le parc national jusqu’en 1995, date à laquelle elle a officiellement cessé tout relâché afin de se conformer à la nouvelle législation indonésienne.
Pourtant, d’après Carey Yeager, plus de 180 anthropoïdes ont été réintroduits dans le parc national entre 1977 et 1997. Un constat partagé par l’auteure canadienne Linda Spalding assurant que de nombreux relâchés ont eu lieu après 1995 dans le parc national mais aussi à Camp Leakey. Quoi qu’il en soit, les données précises sur les dates, les lieux et le nombre exact d’individus concernés par ces réintroductions font défaut.
Couple d’orangs-outans hybrides en octobre 2010 au zoo d’Honolulu, la capitale de l'État d'Hawaï, aux États-Unis. Hybride de première génération, la femelle Violet a vu le jour le 19 novembre 1977 à San Francisco. Rusti, le mâle, est né le 25 janvier 1980 au zoo de Seattle. Ses deux parents étaient eux-mêmes des hybrides Sumatra x Bornéo (photo Daniel Ramirez).
Directives et plans d’élevage
Curieusement, si la descendance de Siswoyo présente des caractéristiques évoquant la dépression exogamique, la lignée de Rani est l’une des plus vigoureuses de la zone avec un taux de reproduction parmi les plus élevés. Impossible cependant de déterminer le rôle éventuel de l’introgression dans ces deux cas. Les effets du croisement entre (sous-)espèces chez l’orang-outan - notamment sur la santé et les capacités de reproductions des animaux - restent mal connus.
Dès la fin des années 1980, la communauté des zoos avait opté pour une gestion distincte des orangs-outans de Sumatra et de Bornéo. Deux programmes d'élevage européen en captivité (EEP) ont ainsi été initiés en 1990 sous l’égide de l’Association européenne des zoos et des aquariums (EAZA). Ils sont gérés par le zoo allemand de Karlsruhe. La dépression hybride chez les orangs-outans de Bornéo maintenus en captivité mériterait d’ailleurs d’être sérieusement étudiée.
Selon l’International Studbook of the Orangutan, la population captive mondiale s’élevait en 2011 à 987 individus dont 456 orangs-outans de Bornéo, 309 de Sumatra, 154 hybrides et 68 spécimens au taxon inconnu.
Depuis l’époque des relâchés de Camp Leakey, plusieurs directives de réintroduction de la faune sauvage ont étéétablies et soulignent l’importance de la question génétique. Edité par l’association nord-américaine des zoos et des aquariums (AZA) en 1992, un document intituléGuidelines for the Reintroduction of Animals Born or Held in Captivity soulignait déjà que le génotype des individus destinés à retrouver la vie sauvage doit être le plus proche possible de celui des populations locales afin de préserver les sous-espèces. Plus récemment, l’UICN a imposé de nouvelles exigences avec notamment des analyses génétiques en amont des réintroductions et une surveillance génétique en aval.
Mâles hybrides au zoo de Pessac, en juillet 1999. Le parc girondin hébergeait alors Borg, un hybride né le 2 juillet 1976 à Twycross (Royaume-Uni) d’un père Bornéo et d’une mère Sumatra. En avril 1998, il avait rejoint à Pessac son fils Yotto, venu au monde le 3 mai 1987 à La Palmyre (16) et dont la mère appartenait à l’espèce de Bornéo. Yotto vivait dans le parc de l’agglomération bordelaise depuis le 4 avril 1996.Enfin, le troisième individu, baptisé Lync et arrivéà Pessac le 2 novembre 1998, avait vu le jour le 18 février 1986 au Gladys Porter Zoo au Texas (États-Unis) de l’union d’un mâle Sumatra et d’une femelle Bornéo.
Ces trois mâles ont été transférés le 30 mars 2000 au Las Águilas Jungle Park sur l’île de Tenerife aux Canaries (Espagne) où Borg est mort le 18 mai 2008 (photo Ph. Aquilon).
Laboratoires, analyses et gros sous
Malheureusement, dans les faits, ces recommandations s’avèrent difficiles à suivre et à respecter. Bien souvent, les analyses génétiques se révèlent trop onéreuses et les fonds limités des organisations impliquées sont prioritairement alloués au sauvetage et à l’hébergement des animaux. Le manque de laboratoires spécialisés dans certains pays constitue un autre frein aux examens préconisés. Une solution serait la mise au point de méthodes moléculaires moins chères et facilement utilisables par de modestes laboratoires.
Par ailleurs, les efforts entrepris pour analyser les populations d’orangs-outans sur le terrain sont en partie entravés par les législations indonésienne et malaise sur la simple collecte d’échantillons biologiques appartenant à des espèces menacées. L’exportation de fèces vers des laboratoires de pointe à l’étranger exige ainsi beaucoup de temps et des démarches très compliquées.
Femelle et son petit dans le parc national de Tanjung Puting (photo Nanosanchez).
Secourant des spécimens d’origines diverses et parfois mal connues, les centres de sauvegarde risquent donc de mélanger des individus appartenant à des populations n’ayant eu aucun contact génétiques durant des durées significatives. Ces sanctuaires hébergent aujourd’hui un nombre croissant d’animaux en danger. À l’exclusion notable des gibbons, plus de 2.650 grands singes - 963 chimpanzés (Pan troglodytes), 72 bonobos (Pan paniscus), 106 gorilles (Gorilla gorilla) et 1516 orangs-outans (Pongo ssp.) - seraient actuellement hébergés dans ces centres dont l’objectif premier est en général de réintroduire leurs protégés dans leur milieu d’origine.
Le gouvernement indonésien avait fixéà fin 2015 la date limite pour relâcher dans la nature tous les orangs-outans détenus dans les sanctuaires. Cet objectif n’a pas été tenu. Le souhait d’accéder aux vœux des dirigeants pourrait inciter certains à agir dans l’urgence, voire la précipitation.
Craignant que les erreurs passées ne se renouvellent avec la menace de l’introgression et des risques associés sur la santé et à la viabilité des populations sauvages, les auteurs rappellent avec force la nécessité de se conformer aux directives internationales. Un constat valable non seulement pour les orangs-outans mais aussi pour de très nombreuses (sous-)espèces en danger partout sur la planète.
(*) La taxonomie du puma fait encore l’objet de controverses.
Sources : Scientific Reports, Science.
La sauvegarde des ânes passe aussi par les éprouvettes !
Grâce aux recherches conduites par l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), des avancées majeures viennent d’être obtenues pour la conservation du patrimoine génétique des ânes, domestiques comme sauvages.
Sur les sept races françaises reconnues par les Haras nationaux, cinq sont aujourd’hui considérées comme en cours d’extinction avec moins de 100 femelles à la reproduction en 2015 : l’âne du Cotentin (88 ânesses), l’âne de Provence (43 ânesses), l’âne normand (40 ânesses), le grand noir du Berry (34 ânesses) et le très menacéâne du Bourbonnais (23 ânesses). Avec moins de 300 femelles reproductives l’année dernière, l’âne des Pyrénées (136 ânesses) et le baudet du Poitou (296 femelles) sont classés en danger d’extinction. Quant à l’âne de Corse, non officiellement reconnu, ses effectifs avoisinent seulement 300 individus de pure souche.
Ailleurs en Europe, l’avenir d’autres races asines est également fragile, par exemple en Autriche-Hongrie pour l’âne baroque aux yeux bleus, en Espagne pour les ânes catalan et des Baléares, au Portugal pour celui de Graciosa ou encore en Italie pour l’âne sarde et son congénère d'Asinara à la robe blanche.
Âne du Cotentin, en mai 2015, à l’écomusée du Pays de Rennes (photo Ph. Aquilon).
Ânes sauvage et liste rouge
En outre, la situation des ânes sauvages s’avère aussi très préoccupante. Celui d’Afrique - dont deux sous-espèces sont généralement admises (Equus africanusafricanus et E. a. somaliensis) - est classé« en danger critique d’extinction » par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) (*).
De son côté, l’hémione ou âne sauvage d’Asie (Equus hemionus) figure parmi les espèces « en danger » sur la liste rouge créée en 1964. Cinq sous-espèces sont habituellement reconnues, en l’occurrence le kulan (E. h. kulan) au Turkménistan, au Kazakhstan, en Ouzbékistan et en Ukraine, l’onagre de l'Inde (E. h. khur) au nord-ouest du sous-continent, l’onagre de Perse (E. h. onager) en Iran et le khulan ou hémione de Mongolie (E. h. hemionus) dont l’aire de répartition s’étend aussi au nord de la Chine. L’âne sauvage de Syrie (E. h. hemippus), lui, est éteint depuis 1927 à l’état sauvage comme en captivité.
Enfin, le kiang ou âne du Tibet (Equus kiang) reste une préoccupation mineure pour l’IUCN.
La taxonomie de ces équidés asiatiques est sujette à controverses. Selon les conclusions d’analyses génétiques d’échantillons archéologiques, historiques et modernes publiées en 2012, une seule espèce d’âne sauvage aurait peuplé le continent asiatique. L’âne européen ou hydrotin (Equus hydruntinus) aujourd’hui disparu, l’hémione et le kiang appartiendraient donc à une même espèce divisée en populations régionales plutôt qu’en sous-espèces.
Âne sauvage de Somalie au zoo suisse de Bâle, en août 2015 (photo Ph. Aquilon).
Cryoconservation et culture in vitro
Au-delà de ces débats, la sauvegarde du patrimoine génétique des ânes sauvages et domestiques en danger relève de l’urgence. Techniquement, elle passe notamment par la cryoconservation du sperme, des ovocytes et des embryons. Celle des ovocytes implique leur collecte sur des femelles vivantes tandis que le maintien des embryons à très basse température nécessite leur production en grand nombre à partir de quelques femelles. Cela n’est pas envisageable in vivo puisque les ânesses produisent un embryon par cycle de 26 jours. En revanche, un tel projet est réalisable in vitro mais exige la collecte d’ovocytes sur des femelles vivantes. Celle-ci apparaît donc comme une étape obligée de la conservation du patrimoine femelle.
Or, pour la première fois et en accord avec le comité d’éthique en expérimentation animale Val de Loire, les chercheurs de la plateforme équine de l’Unité expérimentale en physiologie animale de l'Orfrasière (UE PAO) de l’INRA ont mis au point une technique de collecte d’ovocytes sur ânesses vivantes par ponction folliculaire transvaginale sous échographie.
Ânes blancs albinos sur l’île d’Asinara, au large de la pointe nord-ouest de la Sardaigne (photo Dirk Hartung).
Nouvelle technique de collecte
Sur le site de Nouzilly (Indre-et-Loire), 92 ovocytes ont été collectés au cours de 22 ponctions, soit en moyenne 4,2 ovocytes par ânesse. Les scientifiques de l'Unité de physiologie de la reproduction et des comportements ont ensuite adapté une technique de maturation in vitro d’ovocytes de jument aux ovocytes d’ânesses, permettant l’étude inédite de la chronologie de la maturation de leurs ovocytes. 44% d’ovocytes d’ânesses matures ont été obtenus après 34 heures de culture in vitro.
Ces travaux ont ainsi permis de développer la collecte in vivo d’ovocytes d’ânesses par ponction folliculaire sous échographie et d’assurer leur maturation in vitro. La maîtrise de ces deux procédés pourrait constituer une étape importante dans la préservation du patrimoine génétique des espèces et races d'ânes menacées d’extinction.
En parallèle aux plans de conservation in et ex situ traditionnels, de telles avancées scientifiques - à l’instar des programmes menés par le Frozen Zoo à l''institut de recherche pour la conservation du zoo américain de San Diego (San Diego Zoo Conservation Research) - ouvrent de nouvelles perspectives pour la sauvegarde de la faune.
(*) La taxonomie reste encore débattue et cette espèce est parfois mentionnée comme Equus asinus africanus.
Sources : CNRS, UICN.
500ème anniversaire de la naissance de Conrad Gessner, premier zoologiste des temps modernes
Il y a 500 ans jour pour jour, le naturaliste suisse Conrad Gessner (26 mars 1516 - 13 décembre 1565) voyait le jour à Zurich. Fondateur de la recherche bibliographique en Europe et auteur d’une œuvre majeure dans l’histoire de la science, ce savant dont l’érudition stupéfia ses contemporains fait figure de premier zoologiste des temps modernes.
Portrait de Conrad Gessner réalisé en 1564 par le peintre suisse Tobias Stimmer (1539-1584).
Publiée dès 1551, son Historia animalium - dont le cinquième et dernier volume parut 22 ans après sa mort - est considéré comme l’un des plus importants ouvrages de zoologie jamais publiés. Suivant un ordre alphabétique, cette somme propose une taxonomie élémentaire de toutes les espèces connues avec une appellation de deux mots latins, le premier désignant le genre et le suivant un qualificatif. Ce système sera notamment repris par le Suédois Carl von Linné (1707-1778).
La richesse et l’originalité de cette livre tiennent également aux gravures sur bois de grande qualité illustrant les descriptions zoologiques et botaniques. Beaucoup ont été dessinées par les artistes zurichois Jean Asper et Jean Thomas et gravées par Lukas Schan et Léonhard Fuchs.
Dans son De rerum fossiliumédité l’année de son décès - le médecin suisse mourut sans doute de la peste après avoir soigné des victimes de l’épidémie ayant frappé Zurich en 1564, Conrad Gessner est le premier à présenter de nombreuses images de corps fossiles. À ce titre, certains historiens le désignent comme le précurseur de la paléontologie.
Illustration d’un morse de l'Atlantique par Conrad Gesner en 1558. Historia animalium vol. 4 (De Piscium & Aquatilium Animantum Natura).
Exposition « grandeur nature » au zoo de Zürich
Jusqu’au dimanche 23 octobre 2016, le zoo de Zürich rend hommage à Conrad Gessner, dont les travaux contribuèrent beaucoup à la renommée scientifique de la cité alémanique dès la Renaissance. Le parcours de cette exposition originale, disséminée dans treize lieux du parc animalier situé sur les pentes du Zürichberg, permet aux visiteurs de comparer les descriptions de Conrad Gessner avec des spécimens vivants, des chameaux de Bactriane aux tortues des Galápagos en passant par les lions d’Asie, les loups de Mongolie, les oryx d’Arabie peut-être à l’origine du mythe de la licorne, les lapins nains ou les éléphants, sans oublier les ibis chauves que Gessner fut le premier à décrire avec précision !
L’exposition du zoo de Zurich se dévoile au fil de la visite et de divers enclos (photo Zoo Zurich).
Par ailleurs, jusqu’au lundi 19 septembre 2016, des planches botaniques et zoologiques sont exposées pour la première fois depuis plus de 400 ans au Musée national suisse en collaboration avec la bibliothèque centrale de Zurich. Sur place, le public découvrira également des documents et des objets ayant appartenu au grand savant suisse.
Voici le lien vers le site (en allemand) consacré au 500ème anniversaire de la naissance de Conrad Gessner : www.gessner500.ch
Et celui vers une courte vidéo (en allemand) évoquant l'œuvre de Conrad Gessner : www.youtube.com/watch?v=4YsKNoYPLGA&feature=youtu.be
Arrêt sur images au ZooParc de Beauval : l’installation des hippopotames
Principale nouveauté de la saison 2016 de l’établissement ouvert en 1980 à Saint-Aignan-sur-Cher (Loir-et-Cher), l'espace des hippopotames amphibies (Hippopotamus amphibius) du ZooParc de Beauval a été inauguré samedi 26 mars 2016.
(Photo Ph. Aquilon)
Baptisée la « Réserve des hippopotames », cette installation propose notamment une vision sous-marine des animaux grâce à une façade vitrée longue de 44 mètres, dont 22 mètres d’un unique tenant. Pour l’heure, elle abrite un jeune couple composé d’un mâle de quatre ans - baptisé Kvido et natif du zoo d'Ostrava en République tchèque - et d’une femelle de cinq ans. Prénommée Kiwi, celle-ci est originaire du Parco Natura Viva de Bussolengo, en Italie.
L’hippopotame amphibie est actuellement classé« vulnérable » par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Il bénéficie d’un studbook européen (ESB) - le second niveau de programme d'élevage pour les espèces en danger mis en place sous l'égide de l'Association européenne des zoos et des aquariums (EAZA) - géré par le zoo d’Ostrava.
La façade de la vision sous-marine (photo Ph. Aquilon).
Plusieurs points de vue permettent au public de découvrir cet espace depuis le niveau du sol jusqu'à une terrasse embrassant l’ensemble de l’enclos dont la partie terrestre abrite également un groupe de potamochères roux (Potamochoerusporcus) et un troupeau de nyalas (Tragelaphus angasii). Ces derniers n’étaient toutefois pas visibles lors de l’inauguration.
Recouverte d’un filet métallique similaire à ceux couvrant les volières du Bioparc de Doué-la-Fontaine (Maine-et-Loire), cette installation abrite officiellement quelque 150 oiseaux d’origine africaine appartenant aux onze espèces suivantes : vautour néophron moine ou vautour à capuchon (Necrosyrtes monachus), vautour palmiste (Gypohierax angolensis), spatule blanche (Platalea leucorodia), ibis du Cap (Geronticus calvus), ibis tantale (Mycteria ibis), ibis hagedash (Bostrychia hagedash), ombrette africaine ou ombrette du Sénégal (Scopus umbretta), bec-ouvert africain (Anastomus lamelligerus), cigogne d'Abdim ou cigogne à ventre blanc (Ciconia abdimii), canard ou sarcidiorne à bosse (Sarkidiornis melanotos) et dendrocygne veuf (Dendrocygna viduata).
Le jour même de l’ouverture, BIOFAUNE a fait le voyage vers le ZooParc pour vous faire découvrir, en images et dans un nouvel album dédié, cette installation.
Vue de la « Réserve des hippopotames » depuis la terrasse du bâtiment des visiteurs (photo Ph. Aquilon).
Grand Rocher du zoo de Paris : hébergements avec vue sur savane !
En 2014, le parc zoologique de Paris - rouvert le 12 avril de la même année - avait attiré près d’un 1,5 million de visiteurs en huit mois et demi. La direction de l’établissement misait alors sur un nombre d’entrées équivalent pour les années suivantes. Or la saison 2015 n’a pas étéà la hauteur des espérances avec seulement 915.000 visiteurs officiellement enregistrés. Diverses rumeurs ont circulé ces derniers temps sur les remèdes envisagés par le Muséum national d'histoire naturelle (MNHN) - dont dépend le « zoo de Vincennes » - pour relancer la fréquentation du parc, de l’ouverture anticipée de la zone consacrée à l’Afrique équatoriale à l’accueil d’une espèce emblématique non prévue dans le projet initial, en l’occurrence les éléphants.
Pourtant, selon des sources non officielles, une autre option aurait la préférence des responsables de l’établissement de la Porte Dorée. Sacrifiant à la mode des « hébergements insolites », les décisionnaires envisageraient non seulement de rouvrir l’accès au sommet du Grand Rocher au public mais aussi de s'inspirer du zoo de Londres (Royaume-Uni) en aménageant plusieurs gîtes au sein de l’emblématique ouvrage. Début décembre dernier, le zoo de Regent's Park avait annoncé l’inauguration pour ce printemps 2016 d’un « hôtel-lodge » de neuf cabanes en bois à proximité du nouvel espace des lions d’Asie, inauguré jeudi 17 mars dernier.
Érigé entre 1932 et 1934, le Grand Rocher mesure 65 mètres de haut. Cet édifice en béton armé a été restauré de 1994 à 1997. Deux escaliers hélicoïdaux parallèles permettent d'accéder à sa plate-forme sommitale (photo Ph. Aquilon).
Ces hébergements pour deux à huit personnes offriraient une vue imprenable sur la plaine de la biozone Sahel-Soudan abritant notamment les grands koudous (Tragelaphus strepsiceros) et les girafes de Kordofan (Giraffa camelopardalis antiquorum).
En outre, l’enclos des babouins de Guinée (Papio papio) pourrait être réaménagé afin de permettre aux primates de grimper jusqu’aux baies vitrées des « appartements ». En alternance, les singes partageraient cette face du Grand Rocher avec des bouquetins de Nubie (Capra nubiana), plus particulièrement des individus appartenant à la sous-espèce - admise par certains spécialistes - présente à l’est du Soudan (C.n. nubiana). Le studbook européen (ESB) de ce caprin est d’ailleurs géré par la réserve de la Haute-Touche dans l’Indre, parc animalier également propriété du MNHN.
Pour l’heure, aucune information sur le coût du projet ou le tarif des nuitées n’a filtré…
L’Écosse va créer une zone de protection pour le marsouin
Mercredi 23 mars 2016, le gouvernement écossais a annoncé la création prochaine, à l’issue d’une période de huit semaines de consultation publique, d’une zone spéciale de conservation (ZSC) de 13.540 km2 pour le marsouin commun (Phocoena phocoena) à l’ouest des côtes nationales.
Selon le droit de l'Union européenne, la ZSC est «un site d'importance communautaire désigné par les États membres par un acte réglementaire, administratif et/ou contractuel où sont appliquées les mesures de conservation nécessaires au maintien ou au rétablissement, dans un état de conservation favorable, des habitats naturels et/ou des populations des espèces pour lesquels le site est désigné ».
Honorant la promesse des autorités locales de protéger l’habitat du plus petit cétacéévoluant dans les eaux écossaises, cette déclaration a été accueillie avec enthousiasme par l’Hebridean Whale and Dolphin Trust (HWDT).
Depuis plusieurs années, cette organisation s’est engagée en faveur du projet, fournissant notamment des données scientifiques pour le choix du site. Les recherches menées depuis une décennie ont révélé l’importance exceptionnelle pour cette espèce de l’archipel des Hébrides au plan régional comme européen. Le HWDT a préciséêtre favorable à l’étendue et à l’emplacement proposés pour la nouvelle zone spéciale de conservation.
Carte de la future ZSC (document Scottish Natural Heritage avec l’aimable autorisation de cet organisme).
Réduire les nuisances sonores
« Une ZSC bien gérée à l’ouest de l’Écosse aura un rôle cléà jouer dans la sauvegarde du marsouin commun », assure le HWDT, rappelant cependant la nécessité de compléter cette protection locale par des mesures nationales afin de réduire les nuisances sonores et les captures accidentelles.
Le marsouin commun est actuellement considéré comme « une préoccupation mineure » par l’Union internationale de conservation de la nature (UICN).
Quatre sous-espèces sont admises : le marsouin de l’Atlantique (Phocoena phocoena phocoena), celui du Pacifique du nord-est (P. p. vomerina), son congénère du nord-ouest du Pacifique non nommé scientifiquement et le marsouin de la mer Noire (P. p. relicta). Ce dernier est classé« en danger d’extinction » par l’UICN, la sous-population de la mer Baltique étant considérée « en danger critique d’extinction ».
Marsouin commun au Centre d'étude de la mer Baltique (Fjord og Bælt Centeret) de Kerteminde, au Danemark (photo Erik Christensen).
Grégaire, le marsouin commun fréquente les eaux tempérées, froides ou subarctiques avec une prédilection pour les franges côtières. Mesurant en moyenne entre 1,50 et 1,60 mètre pour une masse oscillant entre 60 et 75 kilos, ce cétacé est très rarement observé dans des eaux dont la profondeur dépasse 200 mètres.
Le principal prédateur du marsouin commun est l’orque (Orcinus orca), dont l’unique population résidente britannique vit sur la côte occidentale de la Grande-Bretagne. Des attaques mortelles de grands dauphins (Tursiops truncatus) sur des marsouins ont également été observées dans les eaux écossaises.
Virtuellement éteint, le tigre pourrait être réintroduit au Cambodge
Le tigre serait potentiellement éteint au Cambodge, ont annoncé mercredi 6 avril 2016 plusieurs organismes de protection de l’environnement, dévoilant par ailleurs un plan de réintroduction de l’espèce dans le pays.
Selon le Fonds mondial pour la nature (WWF), si les forêts sèches du royaume ont longtemps abrité de nombreux tigres d’Indochine, le braconnage de ces derniers et de leurs proies a presque réduit à néant le nombre de grands félins au Cambodge. La dernière observation remonte à 2007 avec le cliché d’un animal surpris par un piège photographique dans la province de Mondulkiri, frontalière du Vietnam.
« Désormais, le Cambodge n’abrite plus une population capable de se reproduire et les tigres doivent y être considérés comme fonctionnellement éteints », estime le WWF.
Au début des années 2010, les experts évoquaient la présence à l’état sauvage de quelque 350 tigres d’Indochine (Panthera tigris corbetti), dont une vingtaine au Cambodge. Cette sous-espèce est classée « en danger d’extinction » par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Spécimens présentés comme des tigres d’Indochine en captivité au jardin zoologique et botanique de Cincinnati, dans l’Ohio, aux États-Unis (photo Kabir Bakie).
Recherche tigres à relâcher
En mars 2016, les autorités cambodgiennes ont approuvé un programme de réintroduction dans la forêt protégée de Mondulkiri, à l’extrémité orientale du royaume. Celle-ci appartient à l’une des plus vastes zones de conservation d’Asie du Sud-Est englobant les sanctuaires de faune de Lumphat, de Phnom Prich et de Phnom Nam Lyr ainsi que le parc national vietnamien de Yok Don.
D’un montant estimé entre 20 et 50 millions de dollars - soit entre 17,5 et 44 millions d’euros, le projet prévoit de placer une partie de la forêt sous une surveillance renforcée contre les braconniers et de mettre en œuvre les mesures nécessaires à la sauvegarde des proies du félin.
« Une application insuffisante de la législation a conduit les tigres à l’extinction mais le gouvernement cambodgien a décidé de réagir », assure Suwanna Gauntlett au nom de l’organisation non gouvernementale Wildlife Alliance impliquée dans la protection de la faune et de la flore cambodgiennes.
« Nous envisageons de relâcher au départ deux mâles et cinq ou six femelles », précise Keo Omaliss, directeur du département de la faune et de la biodiversitéà l’Administration forestière du Cambodge.
Ancien piège à tigre au Cambodge (coll. personnelle).
Des pourparlers auraient déjàété engagés avec l’Inde, la Thaïlande et la Malaisie pour réintroduire quelques individus originaires du milieu naturel. Toutefois, selon le groupe des spécialistes des félins de l’UICN (IUCN/SSC Cat SpecialistGroup), le tigre d’Indochine serait aujourd’hui présent uniquement en Birmanie, en Thaïlande, au Laos, au Vietnam et peut-être au sud-ouest de la Chine, mais ni en Inde ni en Malaisie…
Actuellement, de 3.200 à 3.600 tigres survivraient dans la nature sur notre planète. En 2010, leur nombre était estimé entre 2.154 et 3.150 individus. En novembre de cette année-là, lors du forum international pour la conservation du tigre organiséà Saint-Pétersbourg (Russie), les États hébergeant encore ces fascinants félins – l’Inde, le Bangladesh, le Népal, le Bhoutan, la Birmanie, la Thaïlande, le Laos, le Cambodge, le Vietnam, la Malaise, l’Indonésie, la Chine et la Russie - avaient lancé un plan pour doubler la population mondiale de tigres à l’horizon 2022.
À mi-chemin de cette échéance, les représentants de ces treize pays se réuniront du mardi 12 au jeudi 14 avril 2016 à New Delhi (Inde) pour débattre de cet objectif.
Sources : The Guardian, AFP, UICN.
Panthères de l’Amour : bétail assuré et population en hausse !
Selon une récente déclaration de Sergueï Ivanov - le chef de l'Administration présidentielle de la Fédération de Russie, le nombre de panthères de l’Amour aurait doublé dans l’Extrême-Orient russe et atteindrait aujourd’hui près de 80 individus, contre une trentaine voici quelques années. Cette embellie serait notamment facilitée par un nouveau dispositif permettant aux prédateurs tachetés de se nourrir de bétail.
« L’une des plus importantes compagnies d’assurance nationales s’est portée volontaire pour couvrir les dégâts causés par les léopards et les tigres », a expliqué M. Ivanov. Soutenue par l’État, la compagnie d’assurance Sogaz promet en effet de rembourser les éleveurs dont les bêtes auraient été dévorées par des léopards - ou des tigres - à condition que les fermiers ne tirent pas sur les félins. Le montant maximum de l’assurance s’élève à deux millions de roubles, soit environ 26.000 euros.
Panthère de l’Amour au cœur du parc national « Terre du léopard » (photo National Park « Land of the Leopard » avec l’aimable autorisation de cet organisme).
La genèse du projet remonte à juin 2015 et à l’attaque d’un léopard sur un veau paissant dans une ferme privée du Primorié. Or le félin impliqué, baptisé Simba, est parrainé par Yuri Trutnev, vice-premier ministre de la Russie et envoyé présidentiel dans le district fédéral extrême-oriental. En compensation de la perte du jeune bovin, le dirigeant russe avait remis à l’éleveur 70 sacs d’avoine.
De ce dédommagement en nature a germé l’idée d’indemnités d'assurance pour les fermiers protégeant les léopards et les tigres.
Un tunnel sous l’autoroute
Pour Sergueï Ivanov, le dispositif désormais en vigueur est « convenable » et apparaît comme « une solution civilisée » même si les félins semblent attaquer plus souvent le cheptel local. « Les animaux sont moins exposés à la menace humaine et se reproduisent désormais très bien », relève le dirigeant russe. « La situation est plus que satisfaisante », conclut M. Ivanov, voyant dans le déclin du braconnage un facteur clé du rétablissement de la population de léopards. L’an dernier, neuf jeunes léopards de l’Amour ont été observés par les agents officiels de la faune.
En 2007, entre 27 à 34 léopards de l’Amour subsistaient vraisemblablement à l’état sauvage en Russie. En mars 2013, une hausse inespérée de la population avait été enregistrée, avec 48 à 50 individus recensés (lire http://biofaune.canalblog.com/archives/2013/03/24/26720901.html). Et en février 2015, le Fonds mondial pour la nature (WWF) estimait que 70 adultes vivaient en milieu naturel, dont une cinquantaine en Russie et quelques spécimens au nord-est de la Chine.
Le chef de l'Administration présidentielle a également annoncé l’ouverture en ce début de printemps 2016 du premier tunnel écologique de Russie, creusé sous l’autoroute traversant le parc national « Terre du léopard ». Celui-ci s’étend de la baie de l’Amour, en mer du Japon, à la frontière russo-chinoise.
Tigre de Sibérie surpris par un piège photographique (photo National Park « Land of the Leopard » avec l’aimable autorisation de cet organisme).
Les tigres également plus nombreux
Selon le dernier recensement publié en décembre 2015, le nombre de tigres de Sibérie a également augmenté et s’élèverait à 562 sur le territoire russe, dont une grande majorité - entre 417 et 425 spécimens - dans le kraï du Primorié. La population du plus grand félin affiche un important déséquilibre du sexe-ratio, avec davantage de femelles que de mâles.
En 2010, le nombre de tigres de Sibérie survivant à l’état sauvage était estiméà 360 individus. Plus récemment, les spécialistes s’accordaient sur un total d’environ 500 spécimens. La présence de 562 tigres sur le seul territoire russe - l’étude ne prenant pas en compte les animaux vivant en Chine et en Corée de Nord - constitue donc une bonne nouvelle pour cette sous-espèce ayant frôlé l’extinction à cause du braconnage. Diverses sources font état d’à peine quarante tigres survivant sur le territoire russe dans les années 1940.
Le léopard de l’Amour (Pantheras pardus orientalis) est classé« en danger critique d’extinction » par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). De son côté, le tigre de Sibérie (Panthera tigris altaica) figure dans la catégorie « en danger » sur la Liste rouge mondiale des espèces menacées.
Sources : Siberian Times, Daily Mail, UICN.
Ornithologie : un « petit guide » pour prendre son envol !
Comme toute science, l’ornithologie requiert un long apprentissage où l’humilité le dispute à la persévérance. À vouloir sauter les étapes, le novice plein d’ardeur risque de se brûler les ailes et de rapidement se décourager. Se lancer avec un ouvrage trop pointu, destiné aux observateurs aguerris, est souvent l’assurance d’un échec programmé.
Signé Marc Duquet - rédacteur en chef de la revue Ornithos et spécialiste des passereaux et des rapaces de l’hémisphère Nord - et publié chez Delachaux et Niestlé, Le petit guide ornitho permettra aux débutants de tous âges d’éviter les écueils.
Cet ouvrage se veut une version simplifiée du célèbre Guide ornitho de la maison d’édition fondée en 1885 à Neuchâtel (Suisse). Son petit format (14x19 cm) le destine idéalement aux sorties de terrain.
Consacrée à l’observation des oiseaux, la première partie présente de façon synthétique leurs caractéristiques anatomiques et physiologiques - avec la terminologie adéquate - et leurs mœurs. Découvrir les rythmes quotidien et saisonnier de la gent ailée, les principales étapes de la nidification ou les temps forts de la migration est un préambule aussi obligé que passionnant. Quant au choix et à l’utilisation des jumelles, là encore, quelques précieux conseils éviteront déboires et maux de tête. L’occasion aussi de rappeler une règle d’or : le respect de la tranquillité des sujets observés…
La deuxième partie du guide aborde la problématique de l’identification à travers une approche originale et pertinente. Choisies à dessein parmi les plus communes de l’Hexagone, les 142 espèces retenues ont été classées en fonction de six lieux où les chances de les apercevoir sont les plus élevées. Près des maisons pour le verdier d’Europe, à la campagne pour la linotte mélodieuse, dans les arbres pour le bouvreuil pivoine, au bord de l’eau pour la bien nommée bergeronnette des ruisseaux ou en vacances à la mer ou à la montagne pour le fulmar boréal ou le pipit spioncelle. La dernière catégorie est dévolue aux chanteurs cachés comme le rossignol philomène ou le coucou gris.
Chaque fiche - illustrée par des dessins de Jean Chevallier et le plus souvent par une photo - dresse le portrait de l’oiseau, dévoile son comportement et décrit l’animal tel qu’il apparaît à travers le prisme des jumelles.
Enfin, la dernière partie donne quelques pistes pour approfondir ses connaissances et rejoindre l’étonnante famille des ornithologues avertis. Le « petit guide » aura alors rempli sa mission !
DUQUET Marc, CHEVALLIER Jean, Le petit guide ornitho – observer et identifier les oiseaux, Delachaux et Niestlé, mars 2016, 224 p., 19 €.
Le Parlement européen s’inquiète de l’avenir des races domestiques menacées
Dans un règlement relatif à l'élevage d'animaux adopté mardi 12 avril 2016, le Parlement européen a reconnu l'importance des races locales dans le développement durable. «La recherche de compétitivité dans le secteur de l'élevage d'animaux ne devrait pas aboutir à la disparition de races dont les caractères sont adaptés à des contextes biophysiques particuliers», indique notamment ce texte.
« Les ressources génétiques animales, qui forment une composante importante de la biodiversité agricole, sont essentielles au développement durable du secteur de l'élevage et permettent d'adapter les animaux aux changements de l'environnement… », précise la résolution législative. « Si leurs effectifs sont trop faibles, les races locales pourraient être menacées d'une perte de diversité génétique. » Malheureusement, c’est déjà le cas pour nombre d’entre elles, notamment sacrifiées lors des Trente Glorieuses sur l’autel de l’industrialisation agricole et de la recherche de rendements toujours plus élevés.
Vache nantaise à l’écomusée du Pays de Rennes, en mai 2015 (photo Ph. Aquilon).
Selon un rapport publié par l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) en novembre 2014, 80% des 179 races locales françaises appartenant à dix espèces - vache, mouton, chèvre, porc, cheval, âne, poule, dinde, oie et canard - sont aujourd’hui considérées comme menacées d’abandon par l’agriculture. Une (trop) longue liste où figurent par exemple les races bovines villard-de-lans et froment du Léon, le mouton cotentin, la chèvre du Massif central, le porc blanc de l'Ouest, le trait mulassier poitevin, l'âne du Bourbonnais, la poule d'Hergnies, le dindon noir de Sologne, l'oie de Touraine ou le canard de Bourbourg.
«Les actes juridiques de l'Union en matière de sélection animale devraient contribuer à la préservation des ressources génétiques animales, à la préservation de la biodiversité et à la production de spécialités régionales de qualité, tributaires des qualités héréditaires propres aux races locales d'animaux domestiques», souligne le nouveau règlement européen. Puissent ces louables intentions se traduire dans les faits et favoriser la sauvegarde des races domestiques dites à faibles effectifs. Avant qu’il ne soit trop tard…
Pour consulter l’intégralité de ce nouveau règlement européen : www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//NONSGML+TA+P8-TA-2016-0101+0+DOC+PDF+V0//FR