Quantcast
Channel: Biodiversité, faune & conservation
Viewing all 434 articles
Browse latest View live

Le dernier mâle rhinocéros de Sumatra de l'Est s’est éteint à Bornéo

$
0
0

Le dernier rhinocéros de Sumatra mâle connu appartenant à la sous-espèce orientale est mort, lundi 27 mai 2019 vers midi, dans l’enceinte du Borneo Rhinoceros Sanctuary, au sein de la réserve faunique de Tabin dans l’État de Sabah, en Malaisie.

Souffrant de problèmes hépatiques et rénaux liée à son âge, Kretam – surnommé Tam – avait environ 20 ans lors de sa capture, en août 2008, dans une plantation de palmiers à huile située au nord-est de Bornéo. Des soins intensifs lui ont été prodigués ces dernières semaines, a précisé John Payne, le directeur exécutif de l’organisation non gouvernementale Borneo Rhino Alliance (BORA). Fin avril dernier, Tam avait brutalement perdu l’appétit et son activité s’était considérablement réduite. D’après le vétérinaire Zainal Zahari Zainuddin, le rein droit de Tam présentait de nombreux abcès probablement liés à une infection des voies urinaires contenue avec des antibiotiques administrés par voie intraveineuse. En outre, cet organe renfermait de gros calculs entraînant la présence de sang dans l'urine et affectant la production sanguine. D'autres analyses ont révélé une rupture majeure de vaisseaux à l'intérieur de l'abdomen. Le traitement de Tam comprenait notamment des anti-inflammatoires, des perfusions de vitamines comme de minéraux, des médicaments contre l'acidité gastrique et des tranquillisants.

TAM

Selon ses soigneurs, Tam avait un comportement calme et posé même s’il se montrait parfois « un peu effronté » (photo Borneo Rhino Alliance).

Désormais, Iman, une femelle issue du milieu naturel et placée en captivité en 2014 dans la perspective d’un programme de reproduction, serait l’unique représentante du rhinocéros de Sumatra de l’Est, endémique de Bornéo. Sa santé s'est détériorée en décembre 2017, après l’éclatement de l’une des tumeurs présentes dans son utérus. Atteinte d’un cancer de la peau, sa congénère Puntung, capturée en 2011 et également maintenue au Borneo Rhinoceros Sanctuary, a été euthanasiée le 4 juin 2017. D’après divers experts, les affections ayant touché ces deux femelles et la mauvaise qualité du sperme de Tam reflèteraient la consanguinité ayant touché les rhinocéros de Bornéo au cours du XXème siècle.

Depuis 1996, le rhinocéros de Sumatra (Dicerorhinus sumatrensis) est classé« en danger critique » d’extinction par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Tam, Iman et Puntung sont souvent considérés comme les ultimes spécimens de leur sous-espèce (D. s. harrissoni). En avril 2015, le rhinocéros de Sumatra a été officiellement déclarééteint dans la nature à Sabah par les autorités malaisiennes. Toutefois, quelques animaux pourraient survivre à Kalimatan, la partie indonésienne de l'île de Bornéo. En 2013, l’antenne locale du Fonds mondial pour la nature (WWF-Indonesia) avait annoncé que des pièges photographiques avaient enregistré des images d’au moins un rhinocéros dans une forêt de Kalimatan où des traces avaient été repérées en avril de la même année. Si le rôle de la déforestation est aprêment débattu entre spécialistes, tous s’accordent à reconnaître que le braconnage reste la cause principale de la raréfaction du rhinocéros à Bornéo (lire http://biofaune.canalblog.com/archives/2015/08/28/32547059.html).

La sous-espèce nomimale (D. s. sumatrensis) survit aujourd’hui seulement à Sumatra (Indonésie) tandis que la troisième (D. s. lasiotis), jadis répandue en Inde, au Bangladesh et au Bhoutan, est présumée disparue, même si une population relique pourrait subsister dans le nord de la Birmanie.

Les conservationnistes se déchirent

En avril 2013, un sommet de crise sur le rhinocéros de Sumatra, organisé au zoo de Singapour sous l’égide de l’UICN et réunissant plus de 130 scientifiques, avait révélé que la population totale de l’espèce, estimée alors entre 130 et 190 individus, était en réalité inférieure à 100 spécimens.

Par ailleurs, la mort de Tam a réveillé la controverse sur les stratégies de conservation nécessaires à la sauvegarde du plus petit des rhinocérotidés actuels et plus proche parent contemporain du rhinocéros laineux ou rhinocéros à narines cloisonnées (Coelodonta antiquitatis), disparu de la surface de la Terre voici près de 10.000 ans. « Les nombreuses occasions manquées pour sauver le genre le plus menacé au monde parmi les mammifères terrestres sont tout simplement irresponsables », a déploré M. Payne. Ce dernier a dénoncé« le manque d'intérêt des acteurs ayant pourtant accepté de collaborer afin de sauver les rhinocéros en Malaisie »,évoquant en substance le document signé en mars 2012 par le gouvernement indonésien, l'International Rhino Foundation (IRF), le Fonds mondial pour la nature et l’UICN. Ce document prévoyait en particulier l’échange de matériels biologiques.

Les acteurs du sommet organisé en 2013 dans la cité-État du Sud-Est asiatique avaient décidé de considérer tous les rhinocéros de Sumatra captifs comme une seule population et de ne plus tenir compte des sous-espèces ou des propriétés nationales. Or cet engagement n’a, pour l’heure, débouché sur aucune action commune entre l’Indonésie et la Malaisie. « Malgré les inlassables efforts de la Malaisie, ces intentions n'ont pas été suivie d’effets, ni par l'Indonésie ni par ses soutiens internationaux », a estimé M. Payne dans un courriel adressé au site Mongabay.

IMAN

Même si sa condition reste préoccupante, Iman aurait montré récemment quelques signes de rétablissement (photo Borneo Rhino Alliance).

En accord avec le gouvernement malais et en collaboration avec le Leibniz Institute for Zoo and Wildlife Research (IZW) à Berlin, BORA défendait le recours à la fécondation in vitro en utilisant le sperme d’Andalas (né en 2001 au zoo états-unien de Cincinnati et transféré en 2007 vers l’Indonésie où il s’est reproduit) et les ovocytes d'Iman. L’embryon aurait ensuite été implanté sur l’une des femelles du Sumatran Rhino Sanctuary, situé au cœur du parc national de Way Kambas dans la province de Lampung, au sud de Sumatra.

Or les autorités indonésiennes et malaisiennes prônent deux approches différentes, les premières privilégiant la reproduction naturelle, les secondes, par nécessité, donnant la prioritéà la FIV. Pourtant, en avril 2018, l’Indonésie a semblé prête à s’impliquer enfin dans ce projet avant de faire volte-face six mois plus tard, arguant que les cellules ovariennes d’Iman ne seraient pas viables, ce que réfutent les partisans de la FIV. Lesquels estiment que ces atermoiements compromment les chances de succès d’une éventuelle insémination.

« Le génome de Tam a été préservé dans des cultures cellulaires », a toutefois rappelé Christina Liew, la ministre du tourisme, de la culture et de l'environnement de Sabah, dans une note d’espoir. « Grâce aux technologies émergentes, ses gènes contribueront peut-être à la survie de son espèce… »

Sources principales : Mongabay, South China Morning Post, New Straits Times, UICN.


« Zoos, un nouveau pacte avec la nature » réhabilite les parcs animaliers

$
0
0

« Trop nombreux sont ceux qui doutent encore de leur utilité. » Alors que l’existence même des parcs animaliers se retrouve aujourd’hui sur la sellette, Laurence Paoli a choisi de plaider leur cause dans un petit livre très documenté - Zoos, un nouveau pacte avec la nature - publié ce printemps aux éditions Buchet/Chastel.

Fondatrice du premier service de communication spécialisé dans la sauvegarde de la biodiversité animale au sein du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), Laurence Paoli  a ensuite collaboré avec de nombreux établissements à travers le monde. Témoin privilégiée de leur fonctionnement, au fait de leurs forces comme de leurs faiblesses, elle développe son argumentaire en s’appuyant sur les trois rôles dévolus aux zoos contemporains : le maintien d’une population captive viable, la recherche et la sensibilisation du grand public à la défense de la biodiversité. Étayée de nombreux exemples, sa réflexion entend tout à la fois démontrer comment ces lieux sont devenus des acteurs importants, sinon essentiels, de la sauvegarde des espèces et souligner les progrès leur restant à accomplir, notamment pour accéder à la reconnaissance des scientifiques. L’auteure présente aussi les débats agitant la communauté des « conservationnistes », entre tenants d’une approche anthropocentrique et partisans d’une vision biocentrique, dont les zoos sont quelquefois le reflet.

ZOOS, UN NOUVEAU PACTE AVEC LA NATURE

Face aux questions légitimes soulevées par la captivité animale, elle opte pour une approche résolument constructive de la conservation ex situ et de ses enjeux. Cet ouvrage s’ouvre ainsi sur la réintroduction réussie, dans les montagnes du Caucase russe, de la panthère de Perse (Panthera pardus saxicolor) grâce au concours de l’association européenne des zoos et aquariums (EAZA).

Exigences commerciales vs reconnaissance scientifique

N’ignorant rien des critiques adressées, à juste titre ou non, aux zoos, Laurence Paoli préfère mettre en exergue leur mue au cours des dernières décennies et leurs missions à l’heure de la sixième extinction de masse des espèces. Toutefois, elle n’élude pas leurs talons d’Achille, notamment en France où les trois quarts des parcs, malgré des statuts juridiques très divers, demeurent des structures privées dont la survie reste étroitement liée à la fréquentation. Or si les zoos doivent en priorité (voire par essence) élever des taxons pour lesquels le maintien d’une population captive est crucial, il paraît impossible pour ces établissements d’échapper à la logique « commerciale »à l’heure de penser leur collection animale.

En outre, « la gestion d’institutions zoologiques sous forme de sociétés de bienveillance ou de fondations leur permet de recevoir massivement des dons », relève Laurence Paoli. Et à l’étranger, « la recherche de subsides est en général reconnue comme une activité légitime des parcs animaliers ». « D’un pays à l’autre, l’enjeu commercial est donc très différent. »

VALLEE DES RHINOCEROS DOUE

La vallée des rhinocéros du Bioparc de Doué-la-Fontaine, dans le Maine-et-Loire, en juillet 2013 (photo Ph. Aquilon).

L’image superficielle des zoos, « largement entretenue par la médiatisation à outrance d’un lien affectif avec les animaux captifs, tout en attirant les visiteurs les empêche de prendre conscience des avancées dont les parcs animaliers font bénéficier la conservation de la nature », regrette la consultante en environnement, créatrice du tout récent Institut Unlimited Nature, songeant en particulier aux progrès de la médecine vétérinaire. « De surcroît, elle offre un boulevard aux anti-zoos, complique les relations avec les politiques, les administrations et même les organismes internationaux qui rechignent à aller puiser chez eux un savoir et une expertise bien réels. » Néanmoins, environ 10 % des groupes de spécialistes de la commission de la sauvegarde des espèces (Species Survival Commission) de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) ont officiellement initié des collaborations avec des parcs animaliers.

La contribution des zoos aux programmes de recherche s’avère parfois déterminante. Présidé par le biologiste Arnaud Desbiez, coordinateur au Brésil de plusieurs programmes de conservation sur le terrain, l’Instituto de Conservação de Animais Silvestres (ICAS) fonctionne avec un budget dont 80 % est versé par une trentaine de zoos. Cette manne lui a permis de lancer une étude destinée à mieux comprendre le rôle du tatou géant (Priodontes maximus) dans son écosystème et à le protéger plus efficacement. Pourtant aucun parc, en Europe ou aux États-Unis, n’héberge ce dasypodidé…

Croyant en un « cercle vertueux de la conservation », Laurence Paoli  est convaincue du rôle majeur que les zoos ont à jouer dans la sauvegarde de la faune sauvage et se veut confiante en leur avenir. « La communauté zoologique est définitivement en train de gagner ses lettres de noblesse au sein du monde de la conservation de terrain. »

PAOLI Laurence, Zoos, un nouveau pacte avec la nature, Éditions Buchet/Chastel, mars 2019, 128 p., 12 €.

Le changement climatique contraint les koalas à boire

$
0
0

Selon un article publié mercredi 29 mai 2019 dans la revue PLOS One, la mise à disposition de points d’eau artificiels pourrait contribuer à la survie des koalas lors des périodes de sécheresse. En effet, les chercheurs ont découvert que ces marsupiaux arboricoles étaient capables de boire de l’eau stagnante. Jusqu’alors, la consommation de feuilles d’eucalyptus était considérée comme leur source quasi exclusive d’hydratation.

« Des abreuvoirs aideraient les koalas à surmonter les épisodes de sécheresse et atténueraient les effets du changement climatique sur ces animaux», estime Valentina Mella, chercheuse postdoctorale en sciences de l'environnement ayant dirigé cette étude menée par une équipe de l’université de Sydney, la plus ancienne d’Australie( lire https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0216964). De telles installations seraient aussi bénéfiques à d’autres espèces, folivores ou non, dont le phalanger volant (Petaurus breviceps), le phalanger-renard (Trichosurus vulpecula), l’acrobate pygmée (Acrobates pygmaeus), l'échidnéà nez court (Tachyglossus aculeatus) ou encore le kangourou géant (Macropus giganteus).

KOALA S'ABREUVANT DANS UNE VASQUE

Koala s'abreuvant dans une vasque (photo université de Sydney).

La population s’effondre

En 2016, la population totale de koalas, estimée à une dizaine de millions avant l’arrivée des colons européens, était évaluée à 329.000 individus (dans une fourchette comprise entre 144.000 et 605.000 spécimens) avec un déclin moyen de 24 % en quinze à vingt ans, soit trois générations. Les effectifs de phascolarctidés auraient respectivement chuté de 53 %, 2 6%, 14 % et 3 % dans les États du Queensland, de Nouvelle-Galles du Sud, de Victoria et d’Australie-Méridionale.

Publiée en mai 2017 par l’antenne australienne du Fonds mondial pour la nature (WWF), une étude réalisée par Christine Adams-Hosking, biologiste de la conservation à l’université du Queensland, mentionnait un déclin, susceptible d’entraîner l’extinction locale des emblématiques marsupiaux, de 80,25 % entre 1996 et 2014 dans la « Koala Coast », zone située à 20 km au sud-est de Brisbane.

La dégradation et la fragmentation de leur habitat, les collisions routières, la prédation par des espèces invasives (dont les renards, les chats harets ou les chiens errants) constituent quelques-unes des principales menaces pour la survie des koalas, en outre décimés par une épizootie de chlamydia. Actuellement, il  n'existe aucun traitement contre cette maladie sexuellement transmissible, susceptible d’entraîner la cécité, la stérilité puis la mort des animaux infectés.

Niche écologique

Souffrant de stress thermique et parce que les eucalyptus dont ils se nourrissent sont touchés par les modifications des températures et des régimes pluviométriques, les koalas s’avèrent également directement affectés par les conséquences du changement climatique.

Dévoilée lundi 2 juillet 2018 dans le mensuel Nature Genetics, l'analyse du génome du koala, fruit des travaux d’environ 50 chercheurs originaires de sept pays, a permis de découvrir 26.558 gènes, décryptant l'ensemble du matériel génétique du phascolarctidé« avec une précision de 95,1 %, comparable à celle du génome humain ». « Ce séquençage nous a aidés à documenter et à comprendre la diversité génétique des koalas et contribuera aux efforts de conservation », assurait alors la généticienne Rebecca Johnson, coauteure de cette publication et directrice de l’institut de recherche de l’Australian Museum de Sydney.

Le patrimoine génétique des « paresseux australiens » leur permet notamment de digérer les feuilles, toxiques pour l’immense majorité des animaux, de certaines (entre 30 et une centaine selons les sources) des quelque 600 essences d’eucalyptus connues. « Cette adaptation évolutive leur a probablement permis de trouver une niche pour survivre », précisait Mme Johnson. «Ils pouvaient compter sur une source de nourriture avec peu de concurrence, les autres espèces n'étant pas capables de se désintoxiquer aussi efficacement.»

VALENTINA MELLA

Valentina Mella, chercheuse postdoctorale en sciences de l'environnement (photo université de Sydney).

Excès de toxines

Pour autant, limités par la quantité de toxines que leur organisme peut supporter, les koalas ne peuvent pas consommer davantage de feuilles pour compenser la réduction de la teneur en eau de leur aliment préféré. «La hausse des émissions de CO2 devrait accrroître le taux des composés phénoliques et des tanins dans les feuilles d'eucalyptus », souligne Valentina Mella. « Les koalas auront besoin de nouvelles stratégies pour se désaltérer et nous sommes à même de les aider en leur fournissant de l'eau potable. »

La jeune scientifique a effectué ses recherches à  Gunnedah dans la région des North West Slopes en Nouvelle-Galles du Sud où, en 2009, une vague de chaleur a provoqué la disparition de 25 %  des effectifs de koalas. «Nous n'étions pas sûrs que des abreuvoirs puissent atténuer l'impact des phénomènes météorologiques extrêmes sur les koalas», admet Valentina Mella.

Les observations ont démontré que les marsupiaux utilisaient régulièrement ces équipements pour satisfaire leurs besoins hydriques. Au cours des 12 premiers mois de l'étude, le Dr Mella et son équipe ont ainsi enregistré 605 déplacements vers dix points d’eau dont 401 avec consommation. Le nombre de visites et la durée totale d’hydratation ont doublé durant l'été par rapport aux autres saisons. «Un accès fréquent à l’eau peut s’avérer vital pour les koalas en facilitant leur thermorégulation lors de très fortes chaleurs », souligne la biologiste.

Suivant les recommandations de ces travaux, plusieurs localités australiennes ont déjà installé des points d’eau afin de sauver les fragiles diprotodontes.

Auparavant considéré comme une préoccupation mineure, le koala (Phascolarctos cinereus) a été reclassé en 2014  « vulnérable », c’est-à-dire confrontéà un risque élevé d’extinction à l’état sauvage, par l'Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN).

Sources principales : université de Sydney, Daily Mail, Australian Koala Foundation,UICN.

La population de saïgas a augmenté de moitié en un an !

$
0
0

En l’espace d’un an, la population totale de saïgas au Kazakhstan a augmenté de 119.300 individus. Elle s’élève aujourd’hui à 334.400 spécimens contre 215.100 en 2018, soit une hausse de 55,4%, a annoncé fin juin Saken Dildahmet, le porte-parole du comité de la faune et de la flore du ministère de l'agriculture de cet État situéà la jonction de l’Europe de l’Est et de l’Asie centrale. « À l’issue de enquête aérienne menée en 2019, 111.500 antilopes ont été recensées dans la steppe du Betpak-Dala, 217.000 dans la région de l’Oural et 5.900 sur le plateau d'Oust-Ourt. »

Après les naissances de ce printemps, des terres agricoles se trouvant à l’ouest du pays ont été envahies par les ongulés, suscitant la colère des paysans. La chasse au saïga est cependant interdite au Kazakhstan, avec un moratoire en vigueur jusqu'au 31 décembre 2020.

TROUPEAU DE SAIGAS AU KAZAKHSTAN

Troupeau de saïgas au Kazakhstan occidental en 2017 (photo Yakov Fedorov).

En 2004, à peine 48.300 de ces bovidés survivaient à l’état sauvage en Russie et au Kazakhstan. Grâce aux mesures de protection adoptées par les autorités locales, les effectifs sont repartis à la hausse pour atteindre 295.000 têtes en 2015 dans l’ex-république soviétique. Cette année là, au cours des seuls mois de mai et juin, près de 200.000 antilopes kazakhes ont succombéà une maladie infectieuse, la pasteurellose.

D’après une étude publiée mercredi 17 janvier 2018 dans la revue Science Advances, cette épizootie a été provoquée par une bactérie, habituellement inoffensive et naturellement présente dans les voies respiratoires des saïgas mais devenue mortelle à cause de phénomènes climatiques exceptionnels. « Nos recherches confirment les enquêtes conduites en 2015 et aboutissent à la même conclusion, celle d’une infection par le bacille Pasteurella multocida sérotype B », avait alors précisé Richard Kock, coauteur de l’article et professeur au Royal Veterinary College, la plus ancienne des sept écoles vétérinaires du Royaume-Uni.

L’humidité et la température anormalement élevées auraient constitué des « déclencheurs » de la septicémie. Des circonstances météorologiques identiques avaient d’ailleurs été observées lors de précédents épisodes de mortalité de masse, moins prononcés, survenus en 1981 puis en 1988. Jusqu’alors les experts expliquaient cette hécatombe d’une ampleur inédite par une « combinaison de facteurs biologiques et écologiques ». « Notre étude ne met pas en cause le réchauffement climatique, puisque nous n’avons pas une vision assez fine de ses impacts dans la région », avait souligné M. Kock. « Mais force est de constater que la tendance est à des conditions plus chaudes et plus humides… »

 Cornes prétendument aphrodisiaques

Selon la Saiga Conservation Alliance interrogée par Biofaune, le Kazakhstan abrite actuellement 97 % de la population totale de saïgas, la Russie 2 % et la Mongolie 1%. Officiellement créé en 2006, ce réseau regroupe des scientifiques et des défenseurs de l’environnement souhaitant mieux connaître et protéger l’unique antilope eurasiatique et son habitat.

Jadis, la distribution du saïga s’étendait des steppes et des zones semi-désertiques du sud-est de l'Europe et de l'Asie centrale jusqu'en Mongolie et au nord-ouest de la Chine.L’espèce s’est éteinte dès le XVIIIème siècle en Ukraine et a disparu de l’« empire du Milieu » dans les années 1960. En 1958, son aire de répartition couvrait quelque 2,5 millions de km2. Deux-sous espèces sont admises : la nominale (Saiga tatarica tatarica) en Russie comme au Kazakhstan et la mongole (S. t. mongolica), endémique de l’ouest du « pays du Ciel bleu ».

SAIGA MALE

Annelées, les cornes des saïgas peuvent dépasser 30 cm chez les mâles russes et kazakhs. En revanche, celles de leurs congénères de Mongolie mesurent une vingtaine de cm (photo Navinder Singh).

En 1993,1.124.000 saïgas évoluaient sur le territoire de l’ancienne URSS dont la chute entraîna le délabrement des économies rurales avec, à la clef, la recrudescence du braconnage des antilopes pour la consommation de viande et le trafic de cornes. Arborés uniquement par les mâles, ces attributs s’avèrent en effet très prisés de la médecine traditionnelle chinoise, laquelle leur confère des vertus identiques à celles des protubérances en kératine des rhinocéros. En outre, la réouverture progressive de la frontière avec la Chine favorisa la contrebande. En 2014, le prix d’une corne était évaluéà environ 4.600 dollars (4.100 euros). Les chasseurs abattant essentiellement des mâles adultes, le nombre de ces derniers s’effondra de façon spectaculaire limitant de ce fait les accouplements durant le rut et donc la reproduction.

Depuis 2002, le saïga est classé en « danger critique » d’extinction par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Parc animalier d’Auvergne : « J’ai soudain pris conscience du rôle des zoos pour la conservation ! » (1/3)

$
0
0

À la tête du parc animalier d’Auvergne, situéà Ardes-sur-Couze (Puy-de-Dôme), Pascal Damois a accordé un long entretien àBiofaune dans lequel ce dirigeant atypique dévoile sa vision du zoo contemporain. Entre soutien à la conservation in situ, bien-être animal, pédagogie et contraintes économiques…

Comment devient-on, en 2012, directeur et copropriétaire du parc animalier et de loisirs du Cézallier sans avoir jamais rêvé de posséder son propre zoo ?

Je suis arrivé dans ce métier un peu par hasard en découvrant, grâce à mes enfants, l’univers des parcs zoologiques du XXIème siècle. Jusqu’alors, j’avais du mal à admettre le bien-fondé de la captivité des animaux sauvages. Soudain, j’ai pris conscience du rôle des programmes d’élevage, du soutien à la conservation in situ, de toutes ces choses qui n’existaient pas lorsque j’allais au zoo dans mes jeunes années. Etfinalement, je suis revenu à mes premières amours. J’ai longtemps voulu être vétérinaire…

À cette époque, je possédais une société d’objets publicitaires et cherchais une nouvelle aventure dans un secteur qui fasse sens à mes yeux, au-delà des challenges quotidiens de l’entrepreneuriat. J’ai déclaré un jour avoir été« anti-zoo » avant de visiter le Bioparc de Doué-la-Fontaine et la Vallée des singes, à Romagne. Avec mon associé, Rémy Gaillot, nous avons eu la chance de rencontrer très tôt leurs dirigeants, Pierre Gay et Emmanuel Le Grelle. Nous nous sommes très bien entendus et ils nous ont dévoilé leur vision de ce métier.

PASCAL DAMOIS 01 (PHOTO MARIE DEMOULIN - PARC ANIMALIER D'AUVERGNE)

(Photo Marie Demoulin / Parc animalier d'Auvergne).

° Quelle est votre position face aux campagnes en faveur du bien-être animal dont beaucoup remettent en cause l’existence même des zoos ?

À mon sens, c’est méconnaître leur univers actuel. Pour certaines espèces, comme les grands singes et les éléphants, la question est complexe et n’appelle pas de réponse tranchée. Rien n’est tout blanc ou tout noir. Au regard des pressions pesant sur la faune dans la nature, avoir une vision manichéenne ne résout rien.

Si ceux qui critiquent les zoos au nom du bien-être animal venaient observer comme cela se passe dans notre parc, peut-être ouvriraient-ils les yeux. Je n’ai rien à cacher. Chez nous, c’est toujours « open door ». Nous limitons sciemment notre activité« soigneur d’un jour »à deux personnes afin qu’elles puissent poser toutes les questions voulues, accéder à l’intégralité des coulisses et voir à quoi un soigneur occupe ses journées. Nos détracteurs se rendraient compte du temps que nous consacrons aux enrichissements, lequel ne cesse d’ailleurs d’augmenter. Il y a 20 ans, le travail d’un soigneur consistait presque exclusivement à nettoyer les enclos et les bâtiments, le reste étant consacré au nourrissage. Depuis, les choses ont beaucoup changé.

° Très vite, votre établissement a été admis au sein de l’EAZA (association européenne des zoos et aquariums). Selon vous, le rôle de cette instance doit-il être renforcé ?

Complètement. Nous nous inscrivons à 200 % dans l’action de l’EAZA, essentielle pour accroître le niveau de compétence et l’efficacité des parcs zoologiques. Très exigeantes, les évaluations pratiquées par cette association sont aussi extrêmement formatrices. Les remarques et les conseils des professionnels lors des deux inspections que nous avons déjà subies nous ont fait gagner des années de travail. Évidemment, il faut être capable d’accepter les critiques et avoir une vision lucide de son établissement.

Je conçois l’EAZA comme une communauté partageant ses connaissances à travers, par exemple, les guidelines présentant les bonnes pratiques à suivre pour assurer et accroître le bien-être de nos pensionnaires. Les animaux ne sont pas des machines et ce qui fonctionne avec un individu ne marchera pas avec un autre. Vous pouvez pratiquer le medical-training avec certains mais pas avec leurs congénères. Grâce à l’EAZA, nous sommes informés de tous les cas auxquels nos confrères ont dû faire face.

Voici un peu plus d’un an, nous avons enregistré la naissance d’un bébé siamang. Il y a quelques mois, le père a enlevé le petit à la mère et l’élève depuis. Nous avons échangé avec le coordinateur de cette espèce puis avec ceux des autres gibbons. C’était la première fois qu’ils entendaient parler d’un tel comportement. Si demain celui-ci se reproduit ailleurs, nous pourrons expliquer comment nous avons géré les conflits, la mère ayant mal réagi au début.

Ce partage de connaissances offert par l’EAZA s’avère d’une telle richesse qu’en raisonnant de façon puriste, je dirais que tous les zoos devraient appartenir à cette association. L’EAZA montre la voie, à nous de la suivre.

GORAL AU PARC ANIMALIER D'AUVERGNE

Caprin originaire des montagnes du nord-est de l'Inde, de Chine et d'Indochine septentrionale (Birmanie, Thaïlande et Viêt Nam), le goral gris (Naemorhedus griseus) est classé depuis 1996 « vulnérable », c’est-à-dire confrontéà un risque élevé d’extinction à l’état sauvage, par l’Union internationale pour la conservation de la nature (photo Ph. Aquilon).

° Vous présidez le comité des spécialistes des caprins (Caprinae Taxon Advisory Group) de l’EAZA. Quelle est la mission de cette instance ?

Les TAG regroupent les programmes d’élevage d’un groupe ou d’une (sous-)famille d’animaux. J’ai en charge les chèvres et les moutons sauvages pour celui des caprinés. Certes, ces espèces ne sont pas les plus emblématiques mais peuvent être vraiment menacées. Nous coordonnons notamment les programmes des takins, des markhors, des turs du Caucase, des tahrs de l'Himalaya et des bœufs musqués. Nous menons des projets de fond. En 2020, nous allons revoir le plan de collection (Collection Regional Planning) européen des caprins, l’EAZA ayant récemment redéfini ses programmes d’élevage. Durant les huit ou neuf prochains mois, nous passerons toutes les espèces au tamis pour retenir les caprins sur lesquels concentrer nos efforts lors des cinq années à venir.

° Certains se sont étonnés de votre choix d’accueillir des girafes dans un parc dédié aux animaux des sommets du monde. Que leur répondez-vous ?

Je gère un parc privé et me dois d’être pragmatique. L’arrivée des girafes a eu un impact évident sur la fréquentation. La même année qu’elles, nous avons reçu plusieurs espèces menacées dont les takins et les markhors. Grâce aux girafes, nous pouvons parler à davantage de visiteurs des dangers pesant sur des animaux moins charismatiques, comme le glouton, le goral ou le binturong.

Nos girafes disposent d’un bâtiment de 500 m2 leur offrant un espace digne de ce nom pour l’hiver. Elles restent à l’intérieur uniquement lorsque les températures deviennent très basses. En Auvergne, les périodes de grand froid s'avèrent de plus en plus courtes. Par 7 degrés et un temps ensoleillé, nos girafes sortent en libre accès et ont le choix entre regagner leur bâtiment ou rejoindre l’enclos extérieur couvrant plus de deux hectares.

Par ailleurs, les groupes reproducteurs étant généralement composés d’un mâle au côté de deux ou trois femelles, la population captive connaît un surplus de mâles. Cette conjoncture a entraîné des cas comme celui de Marius [euthanasié en 2014 au zoo de Copenhague, NDLR]. Actuellement, près de la moitié des parcs européens hébergent des groupes de mâles. Nous étions volontaires pour en recevoir un avec un projet pédagogique parallèle. Maintenir uniquement des mâles permet de présenter, dans un même espace, des spécimens de plusieurs (sous-)espèces alors que, pour l’immense majorité des gens, une girafe est une girafe. Nos visiteurs peuvent constater à l’œil nu les différences entre girafes réticulées, de Rothschild et du Kordofan.

ENTREEE DU PARC ANIMALIER D'AUVERGNE

Avant même d’entrer dans l’enceinte du parc, les visiteurs sont sensibilisés aux programmes de conservation soutenus par l’établissement (photo Ph. Aquilon).

° Et le cas de votre hippopotame Jules ?

Depuis presque quatre ans, nous cherchons à le placer avec l’aide du coordinateur. Une nouvelle piste se dessine et nous espérons une solution d’ici quelques mois. Confier un mâle de 28 ans s’avère d’une complexité sans nom. Et pourtant, au début, nous étions optimistes ! Nous avions eu plusieurs contacts dont le plus très sérieux remonte à l’automne dernier. Mais trois jours avant le transfert pour l’Algérie, le zoo intéressé nous a fait faux bond. Un an de travail pour l’obtention des documents administratifs est brusquement tombéà l’eau ! Ensuite un parc italien a tergiversé avant que nous ne décidions de clore les discussions car les informations que nous avions reçues entre-temps sur cet établissement n’étaient pas fameuses.

La situation est désormais claire. Soit Jules nous quitte pour le parc avec lequel nous négocions et que notre vétérinaire a récemment visité, soit il demeure chez nous jusqu’à la fin de ses jours. Dans ce cas, cet hiver ou plus sûrement le suivant, nous referons complètement son bâtiment, lequel sera conçu en fonction des espèces destinées à occuper ultérieurement l’enclos.

Nous n’avons pas vocation à maintenir des hippopotames amphibies. Outre la construction de bassins intérieurs, il est désormais recommandé de maintenir ces animaux grégaires en famille de trois, quatre ou cinq individus au minimum. Il nous est apparu que, jamais, nous ne pourrions garder dans de bonnes conditions un tel groupe d’hippopotames.

À suivre...

(Propos recueillis par Philippe Aquilon)

Parc animalier d’Auvergne : « Nous voulons aménager un centre d’élevage dédiéà la réintroduction » (2/3)

$
0
0

À la tête du parc animalier d’Auvergne, situéà Ardes-sur-Couze (Puy-de-Dôme), Pascal Damois a accordé un long entretien àBiofaune dans lequel ce dirigeant atypique dévoile sa vision du zoo contemporain. Entre soutien à la conservation in situ, bien-être animal, pédagogie et contraintes économiques…

° Quelles espèces rêvez-vous d’accueillir dans votre parc ? Le cas échéant pourquoi ?

Si j’étais seul décisionnaire, le rhinocéros indien est sûrement la grosse espèce que je privilégierais. Après, nous n’avons aucun reptile mais j’ai en tête des présentations mixtes assez spectaculaires… Honnêtement, je suis obligé de tourner autour du pot. En janvier dernier, l’équipe de direction a lancé une réflexion stratégique pour la période 2020-2025. Pour l’heure, nous sommes en plein milieu du processus avec les chefs d’équipe du parc. Nous espérons arriver au terme de cette démarche en septembre.

PASCAL DAMOIS 02 (PHOTO MARIE DEMOULIN - PARC ANIMALIER D'AUVERGNE)

(Photo  Marie Demoulin / Parc animalier d'Auvergne).

° Certains établissements ont construit des installations non accessibles au public dans l’optique de faciliter la réintroduction d’animaux nés en captivité. Pourriez-vous l’envisagez à votre tour ?

Tout à fait ! Nous y songeons. Les plans de réintroduction intéressants sont de plus en plus nombreux. C’est le cas de celui du bison d’Europe, très en vue cette année. Nous n’élevons pas ce grand ruminant qui doit idéalement disposer de plusieurs hectares mais d’autres programmes sur de plus petits mammifères et impliquant des individus nés en captivité sont en passe d’être finalisés. À ce stade, je ne peux pas vous dévoiler l’espèce concernée mais nous sommes prêts à financer l’un d’eux et à aménager un petit centre d’élevage non visible du public ainsi qu’un enclos de présentation pour sensibiliser nos visiteurs.

Nous sommes parmi les parcs contribuant le plus à la conservation in situ proportionnellement à leur chiffre d’affaires. Grâce à l’initiative « euro nature » [sur chaque ticket d’entrée, un euro est directement reversé aux associations soutenues par le parc animalier d’Auvergne et le fond de dotation Passerelle Conservation] et aux différents événements organisés cette année comme le trail du 12 octobre, nous espérons récolter plus de 100.000 euros en 2019. À cette somme, il faut rajouter les 80.000 euros du projet « Biodiv’Educ » pour les scolaires. Soit un total de 180.000 euros versés à la conservation ce qui représente un peu moins de 10 % de notre chiffre d’affaires s’élevant à 1,9 million d’euros.

° Beaucoup de vos nouvelles installations (gloutons, ours noirs du Tibet, tigres) bénéficient de doubles enclos ou d’enclos de séparation. Ce choix est-il inscrit dans le cahier des charges « éthique » du parc animalier d’Auvergne ?

Cela devient presque obligatoire. Les zoos sont victimes de leur succès avec des naissances toujours plus nombreuses. Pour certains programmes d’élevage, placer les jeunes devient un vrai casse-tête. Disposer de pré-parcs procure des avantages substantiels. Ils permettent de séparer si nécessaire mâle et femelle en période de reproduction, d’isoler une mère avant la mise-bas afin de réduire son stress ou de garder dans de bonnes conditions des individus ne pouvant partir. Nous en prévoyons quasi systématiquement dans tous nos nouveaux enclos.

Tenez, un cas concret. Après la disparition de nos actuels pensionnaires d’origine inconnue, nous accueillerons une pure sous-espèce de tigres. Toutefois, pour le programme d’élevage des tigres de l’Amour et dans une moindre mesure pour celui des tigres de Sumatra, la coordinatrice peine à confier certains animaux faute de structures disponibles à cause du nombre élevé d’hybrides en captivité.

Nous avons donc proposé de recevoir un individu, une femelle « pure » par exemple. Soit nous parvenons à la faire cohabiter avec nos tigres, soit nous les laissons séparés pendant quelque temps, notre couple étant vraiment très âgé. Notre installation le permet. Nous pouvons ainsi aider l’EEP (*) tout en respectant les animaux auxquels nous avons offert un sanctuaire.

Ceci dit, s’il y avait moins de tigres blancs, on verrait davantage de tigres de Sibérie…

INSTALLATION DES TIGRES AU PARC ANIMALIER D'AUVERGNE

Inaugurée en juin dernier, l’installation des tigres accueillera, à terme, des individus appartenant à une « pure » sous-espèce (photo Ph. Aquilon).

° La collection du parc animalier d’Auvergne compte peu d’oiseaux. Prévoyez-vous d’en élever davantage ? Si oui, quels critères seront privilégiés pour le choix des futurs taxons ?

Au départ, cela s’explique administrativement, le certificat de notre capacitaire étant valable seulement pour les mammifères et les ratites. Par conséquent, nous n’avions pas d’autres oiseaux. À cela s’est greffée une réflexion d’ordre philosophique. Ou nous construisions d’immenses volières comme celles de Doué-la-Fontaire au sein desquelles les animaux peuvent voler ou nous n’accueillions pas d’oiseaux.

Par ailleurs, à notre demande, la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) Auvergne a recensé plus de cinquante espèces dans le ciel du parc, en particulier des milans noirs et royaux pour lesquels La Passerelle Conservation, notre fondation, a construit une plateforme de nourrissage. Afin de valoriser ce patrimoine vivant, elle a également installé des nichoirs, des mangeoires et des petits panneaux d’information sur la faune aviaire locale en différents endroits du parc.

Un jour peut-être, nous présenterons d’autres oiseaux  à la condition expresse qu’ils puissent exprimer leur comportement naturel. Nous avons déjà listé quelques phasianidés menacés présents dans les milieux montagneux.

KULANS AU PARC ANIMALIER D'AUVERGNE

Parmi les taxons menacés et méconnus élevés par le parc animalier d’Auvergne figure le kulan (Equus hemionus kulan), l’une des cinq sous-espèces généralement reconnues de l’hémione. L’EEP de cet âne sauvage d’Asie centrale, considéré depuis 2015 comme « en danger » d’extinction par l’Union internationale pour la conservation de la nature, est géré par le zoo polonais de Wrocław (photo Ph. Aquilon).

° Plusieurs espèces sont présentées en cohabitation, par exemple les cerfs de Thorold avec les urials, les bouquetins des Alpes avec les chamois ou encore les takins au côté des markhors. Vous souhaitez privilégier ce mode de présentation ?

Il a toujours été important pour nous, même si cela ne fonctionne pas à chaque fois. Sur le modèle du zoo de Goldau en Suisse, nous avons tenté de réunir ours noirs d’Amérique et loups du Canada. Après plus d’un an, nous avons dû renoncer.

La cohabitation est positive pour l’animal obligé, comme à l’état sauvage, de faire attention à son environnement. Difficile de trouver mieux comme enrichissement naturel. Et c’est aussi bénéfique pour les visiteurs dans un parc comme le nôtre dont 90 % des animaux figurant au plan de collection sont inconnus ou méconnus du grand public.

Notre enclos sud-américain regroupe six espèces, saïmiri de Bolivie, capybara, tapir terrestre, pudu, coendou et nandou de Darwin. S’il était occupé uniquement par des pudus, les visiteurs passeraient, repasseraient puis s’éloigneraient rapidement sans distinguer les plus petits cervidés du monde, cachés dans un coin. Là, ils vont forcément s’arrêter en voyant les tapirs et les nandous. Avec de la chance, ils découvriront un pudu ou notre coendu qui sort de temps en temps. L’arrivée de ce dernier a occupé les saïmiris pendant des jours ! Les bienfaits de ce type de présentation sont notables, tant sur les animaux que pour les visiteurs ayant tendance àêtre en mode « j’arrive, je ne vois pas tout de suite d’animal, hop je m’en vais »…

Nous préparons de nouveaux panneaux précisant, avec la date du jour, le nombre d’individus maintenus dans chaque enclos. En incitant les gens à ouvrir les yeux et à chercher, nous espérons les retenir plus longtemps et leur faire adopter une autre attitude. L’un des reproches récurrents sur les réseaux sociaux concerne la soi-disant absence d’animaux dans le parc ! C’est très frustrant puisque, justement, nous avons aménagé de grands espaces pour que les animaux puissent se soustraire aux regards.

° Une troisième espèce était d’ailleurs annoncée avec takins et markhors. Peut-on la connaître ?

Il s’agissait de primates. Recueillant des animaux saisis, le centre AAP aux Pays-Bas abritait à ce moment-là plusieurs macaques rhésus et nous avons envisagé de les introduire dans cet enclos, sa surface s’y prêtant. Mais le couvert forestier et l’emplacement des bâtiments offraient trop de points de sortie aux singes. Cela exigeait d’importants aménagements. Nous avons préféré ne courir aucun risque. L’idée n’est cependant pas complètement abandonnée.

(*) programme d'élevage européen en captivité.

À suivre...

(Propos recueillis par Philippe Aquilon)

Parc animalier d’Auvergne : « Le public réalise que nous participons à la sauvegarde des espèces menacées » (3/3)

$
0
0

À la tête du parc animalier d’Auvergne, situéà Ardes-sur-Couze (Puy-de-Dôme), Pascal Damois a accordé un long entretien àBiofaune dans lequel ce dirigeant atypique dévoile sa vision du zoo contemporain. Entre soutien à la conservation in situ, bien-être animal, pédagogie et contraintes économiques…

° Votre zoo se trouve dans une zone relativement isolée du Parc naturel régional des volcans d'Auvergne, sans important bassin de population à proximité. Quel objectif de fréquentation espérez-vous atteindre à terme alors que votre établissement a franchi l’an dernier le seuil des 100.000 visiteurs ?

Le bassin de population n’est pas si désespérant ! Dans un rayon de deux heures de route, le nombre d’habitants est comparable à la zone de chalandise de la Vallée des singes, un établissement attirant près de 170.000 personnes par saison. Sincèrement, ce n’est pas notre objectif, les primates ayant un pouvoir d’attraction unique.

Nous allons terminer cet hiver la rénovation du parc avant d’attaquer une seconde vague d’investissements pour les cinq prochaines années avec l’espoir raisonnable d’atteindre 130.000 entrées en 2025. Si nous sommes inspirés, peut-être parviendrons-nous au cap des 150.000 visiteurs…

PASCAL DAMOIS 03 (PHOTO MARIE DEMOULIN - PARC ANIMALIER D'AUVERGNE)

(Photo  Marie Demoulin / Parc animalier d'Auvergne).

° Le parc animalier d’Auvergne a-t-il vocation à s’étendre ou sa superficie vous semble-t-elle raisonnable ?

Nous disposons d’une petite réserve foncière, ayant récemment acquis 5 hectares sur le haut du parc. Une zone très pentue mais avec de belles perspectives scéniques. Nous respecterons l’aspect du site comme nous l’avons fait ailleurs. Je trouve l’enclos des chamois et des bouquetins magique bien que ces deux espèces ne soient ni rares ni menacées. Mais les remplacer par d’autres permettant une même immersion en toute sécurité, ce n’est pas gagné !

Nous avons la possibilité de nous étendre un peu. Après, même si nous sommes assez isolés, acheter des terrains n’est pas toujours simple et, surtout, cela doit se justifier. Nous hébergeons environ 65 espèces et nous ne passerons pas à 300 dans six ans. Nous voulons conserver notre identité avec une majorité d’animaux rares, menacés et adaptés à notre climat. Comme nous n’avons pas d’oiseaux et de reptiles, le choix devient forcément limité. Nous n’avons pas vocation à nous agrandir sur 80 hectares.

° Comment est née l’idée de l’« euro nature » destinéàla Passerelle Conservation, votre fonds de dotation soutenant une quinzaine de programmes à travers le monde (*) ?

La Passerelle Conservation a été créée en 2013 sous forme d’association puis transformée en fonds de dotation en 2015. Jusqu’à l’hiver dernier, elle versait entre 20.000 et 30.000 euros de dons par an. Ce n’était pas suffisant, il fallait faire plus. Séduits par le principe du franc volontaire instauré par le zoo de Bâle en 2016, mais également le concept du « Quarter for Conservation » lancé par certains zoos américains, nous avons rencontré les responsables de l’institution suisse et osé le même pari. Le prix d’entrée dépassant maintenant la barrière symbolique des 20 euros en haute saison, nous craignions la réaction de certains visiteurs. La Passerelle Conservation a donc engagé des étudiants chargés d’expliquer, dans la file d’attente, à quoi est destiné cet euro, la nature des programmes soutenus et leurs actions sur le terrain. Le retour des gens est extraordinaire. Beaucoup veulent nous soutenir davantage. Nous sommes très en avance sur nos prévisions de parrainages alors que nous redoutions le contraire. Cette action a des effets ultra-positifs sur l’image des parcs zoologiques. Le public réalise soudain que nous participons concrètement à la sauvegarde des animaux dans la nature.

BOUQUETIN ET CHAMOIS AU PARC ANIMALIER D'AUVERGNE

Situé au sommet du parc, l’enclos d’immersion accueillant chamois et bouquetins a été créé dès 2012, l’année de la reprise du parc (photo Ph. Aquilon).

° La Passerelle Conservation épaule également des associations naturalistes auvergnates. Quelles actions son aide financière a-t-elle permises ?

Nous avons notamment financé le rachat puis la réhabilitation d’une ancienne gare dans le Cantal devenue un refuge pour les chauves-souris. À Ardes-sur-Couze, où le clocher avait été fermé par des grillages, nous avons installé une chiroptière autorisant l’accès aux chauves-souris mais pas aux pigeons. Une réussite, des traces de guano ayant été depuis observées.

Nous avons également cocréé la maison de la nature auvergnate à Orbeil, près d’Issoire. Elle abrite non seulement les locaux de La Passerelle Conservation mais aussi ceux du groupe mammalogique d’Auvergne, de Chauve-Souris Auvergne et l’observatoire des reptiles d’Auvergne. Le conservatoire d’espaces naturels d’Auvergne (CEN Auvergne) l’utilise également lors de ses réunions pour le sud du Puy-de-Dôme et les départements du Cantal ou de la Haute-Loire.

° Pouvez-vous nous dire quelques mots sur « Biodiv’Educ », le nouveau projet pédagogique de La Passerelle Conservation ?

Nous avons constaté que la traditionnelle sortie scolaire en forêt revêt un aspect plutôt rébarbatif pour les enfants d’aujourd’hui. Nous espérons réveiller leur curiosité en recourant à leurs outils de prédilection, c’est-à-dire les écrans, et à des activités ludiques comme la chasse aux trésors. Nous ne prétendons pas transformer les écoliers en petits naturalistes mais simplement les sensibiliser à la biodiversité environnante. Cette initiative a suscité l’intérêt de la Région et, fin juin, le Fonds européen de développement régional (FEDER) nous a confirmé son concours. C’est tout chaud ! Cela nous permettra de créer deux postes pour les trois prochaines années.

Dans un premier temps, « Biodiv’Educ » s’adressera aux élèves du primaire de lAgglo Pays d'Issoire puis élargira son action jusqu’à Clermont-Ferrand avec l’espoir de couvrir, par cercles concentriques, toute l’Auvergne. Dans l’avenir, nous espérons également agir auprès des collégiens.

Si tout se passe comme prévu, nous monterons nos premiers ateliers pédagogiques au mois d’octobre pour les vacances de la Toussaint.

ANCIEN SANATORIUM AU PARC ANIMALIER D'AUVERGNE

Construit à la fin du XIXème siècle mais n’ayant jamais accueilli de malades, l’ancien sanatorium abrite la deuxième plus grande colonie auvergnate de grands murins (Myotis myotis). Un millier de femelles mettent bas chaque année dans la même salle. Des petits rhinolophes (Rhinolophus hipposideros) et des murins de Daubenton (Myotis daubentonii) occupent également cette ruine ayant servi de carrière de pierre durant la Première guerre mondiale. Les visiteurs peuvent entendre les chiroptères mais l’accès à la bâtisse est interdit pour ne pas déranger ces mammifères étudiés par l’association Chauve-Souris Auvergne (photo Ph. Aquilon).

° Un parc et/ou un homme inspire(nt)-ils particulièrement votre vision du zoo de demain ?

Mon regard sur lesparcs zoologiques a changé après ma rencontre avec Pierre Gay, le directeur général du Bioparc de Doué-la-Fontaine. Ensuite, j’admire Emmanuel Mouton, le fondateur de la Réserve zoologique de Calviac. J’ai rarement vu un parc aussi imprégné des convictions philosophiques de son créateur.
À l’étranger, certains établissements m’impressionnent par leur inventivité, comme le zoo de Chester en Angleterre. Depuis des années, nous nous arrachons les cheveux pour innover dans notre approche pédagogique. Tout le monde sait que rares sont les visiteurs lisant les panneaux installés devant les enclos. Pour y remédier, le zoo anglais les a éclatés avec une simple fiche d’identité et plein de petites pancartes fourmillant d’anecdotes et posées tout autour de l’installation. Une façon intelligente et efficace de revisiter l’affichage.

Cette année, les responsables de ce parc ont réussi à convaincre la ville de Chester de s’approvisionner uniquement avec de l’huile de palme durable. Comment ne pas se sentir inspiré !

(*) Antongil Conservation, Arctictis Binturong Conservation (ABC), Barbary Macaque Conservation Awareness (BMAC), Big Life Foundation, Free The Bears, Giraffe Conservation Foundation (GCF), Initiative Corozal pour un Avenir Durable (CSFI), Kulanstep, Lowland Tapir Conservation Initiative (LTCI), Project Anoulak, Proyecto Caparo, Red Panda Network, Snow Leopard Trust et Wildcats Conservation Alliance.

(Propos recueillis par Philippe Aquilon)

Une nouvelle souche du morbillivirus des dauphins s’est propagée en Méditerranée

$
0
0

Une nouvelle souche du redoutable morbillivirus du dauphin (DMV) circule en Méditerranée, ont annoncé les chercheurs de la Fondation Oceanogràfic (Fundación Oceanogràfic) de Valence en Espagne et de l’Institut de zooprophylaxie expérimentale de Sicile (Istituto Zooprofilattico Sperimentale della Sicilia) en Italie dans un communiqué publié mercredi 2 octobre 2019.

Les scientifiques ont en effet identifié chez cinq cétacés échoués sur les côtes de la Communauté valencienne le même agent pathogène que celui ayant entraîné la mort de sept dauphins bleu et blanc (Stenella coeruleoalba) retrouvés entre août et octobre 2016 sur le rivage sicilien.

« Au cours du dernier quart de siècle, différentes variantes de ce morbillivirus ont provoqué des épidémies massives avec une mortalitéélevée dans le monde entier », précisent les scientifiques. »«Les plus graves, en 1988, ont tué environ la moitié des grands dauphins (Tursiops truncatus) de l'Atlantique états-unien. À tort, cet épisode avait été initialement attribuéà un toxique. Les victimes présentaient des symptômes associant pneumonie, encéphalite et lésions du système immunitaire. »

« Le DMV est aujourd’hui l'agent pathogène le plus mortel chez les cétacés », souligne Consuelo Rubio-Guerri, coordinatrice des recherches à la Fondation Oceanogràfic. « En milieu naturel, il est très difficile de contrôler l'action d'un tel organisme. Pour l’instant, nous n'envisageons pas de développer un vaccin ou un traitement spécifique, mais il est important d'en savoir autant que possible sur cette maladie et son évolution. »

DAUPHINS BLEUS ET BLANCS EN MER TYRRHENIENNE

Dauphins bleu et blanc évoluant entre les îles Éoliennes de Stromboli et de Panarea, en mer Tyrrhénienne (photo Ghost-in-the-Shell).

Échouages massifs

Le DMV a été décrit pour la première fois en 1990 après l’échouage de quelque 1.000 dauphins bleu et blanc infectés. Deux autres cas ont été recensés en 2007 et 2011 dans les eaux méditerranéennes, touchant de nouveau plusieurs centaines de spécimens appartenant à cette espèce cosmopolite et principalement pélagique.Toutefois, ces phénomènes de grande ampleur ne se sont plus répétés après 2011, seuls des cas isolés ayant été identifiés depuis.

Selon un article paru vendredi 5 juillet 2019 dans la revue Scientific Reports, la souche du morbillivirus ayant provoqué la mort des dauphins découverts en Sicile présente des «différences substantielles » avec celle à l’origine des épizooties survenues en Méditerranée en 1990, 2007 puis 2011.

En revanche, elle prossède de nombreuses similitudes avec des variantes caractérisées en 2007, 2011 et 2013 dans l’Atlantique et avec la souche détectée dans les tissus des dauphins échoués sur les plages du sud-est de l'Espagne.

Les souches atlantiques et méditerranéennes circuleraient à travers le détroit de Gibraltar et par le biais des interactions sociales entre mammifères marins. Les scientifiques ignorent toujours pourquoi la nouvelle souche, bien que particulièrement agressive chez les individus touchés, ne provoque pas d'épizooties. Pour les experts, une grande partie des dauphins pourrait être immunisée.

De nouvelles études vont désormais être menées afin de mieux cerner la  façon dont se répand le virus à ARN (acide ribonucléique) et son impact potentiel sur les populations présentes en Méditerranée.

Sources : Fundación Oceanogràfic, Scientific Reports.


La liste 2018-2020 des 25 primates les plus menacés au monde dévoilée

$
0
0

Mise à jour tous les deux ans et établie par le groupe des spécialistes des primates (PSG) de la commission de sauvegarde des espèces de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), la société zoologique de Bristol (BZS), la société internationale de primatologie (IPS) et l’organisation non gouvernementale Conservation International (CI), la liste 2018-2020 des 25 primates les plus menacés au monde a été dévoilée lundi 7 octobre 2019.

PRIMATES EN PERIL

Huit nouvelles (sous)-espèces apparaissent dans cette dixième édition réalisée durant le XXVIIème congrès de l’IPS organisé du 19 au 25 août 2018 à Nairobi, au Kenya. Parmi celles-ci figure notamment l'orang-outan de Tapanuli (Pongo tapanuliensis) dont l’aire de répartition est restreinte à la région de Batang Toru, au nord de l’île de Sumatra, en Indonésie. Rapportée dès 1939, l’existence de cet anthropoïde avait été confirmée par une expédition menée en 1997 mais sa reconnaissance comme espèce à part entière remonte à seulement deux ans avec la publication, le 2 novembre 2017 dans la revue Current Biology, des conclusions de recherches phylogénétiques effectuées par une équipe conduite par l’anthropologue Michael Krützen de l’université suisse de Zurich.

Estimée au total à quelque 800 individus, la population de cet hominidé, le premier identifié depuis la découverte du bonobo en 1929 en République démocratique du Congo, se trouve scindée en trois groupes répartis sur environ 1.000 km² et dont un seul, comptant environ 500 spécimens, est jugé suffisamment important pour être viable.

ORANG-OUTAN DE TAPANULI (PHOTO MAXIME ALIAGA)

Orang-outan de Tapanuli (photo Maxime Aliaga).

Déjà compromise par la déforestation et le braconnage, la survie de l'orang-outan de Tapanuli est désormais menacée par la construction d’un barrage hydroélectrique au cœur de son habitat le plus sensible. Validé débat mars 2019 par la justice indonésienne, ce projet entraînerait l’inondation de 8 % de la distribution actuelle de ce primate avec, à la clef, la disparition de 10 à 20 % des derniers orangs-outans de la forêt de Batang Toru. Par conséquent, la section hominidés du PSG a demandé aux autorités locales de suspendre ce programme dont les conséquences seraient désastreuses pour la survie de cette espèce encore largement méconnue. « La présence de l'orang-outan de Tapanuli sur la liste officielle des primates les plus menacés au monde n'est pas surprenante au regard des dangers pesant sur cette petite population, mais cela  s’avère aussi une formidable opportunité », estime Dirck Byler, directeur de la conservation des grands singes au sein de l’ONG Global Wildlife Conservation (GWC) et vice-président de la section hominidés du PSG.

Décrit lui aussi en 2017 dans un article paru le 10 janvier dans l’American Journal of Primatology, le gibbon hoolock de Skywalker (Hoolock tianxing) a également intégré la liste 2018-2020. Selon le biologiste de la conservation Fan Peng-Fei, chercheur et enseignant à l’université chinoise Sun Yat-sen de Canton, à peine 200 de ces hylobatidés évolueraient à l’état sauvage dans l’empire du Milieu. Le nombre de ces gibbons vivant dans l’est du Myanmar voisin n’a pas étéévalué.

La fragmentation de leur habitat à cause de l'empiètement agricole et de l'exploitation forestière, ainsi que le braconnage pour le commerce de viande de brousse et le trafic d’animaux de compagnie, constituent les principaux périls pour le futur de ces gibbons.

GIBBON HOOLOCK DE SKYWALKER (PHOTO FAN PENGFEI)

Gibbon hoolock de Skywalker (photo Fan Penfei).

Nouveaux arrivants et  revenants

Six autres taxons ont également rejoint pour la première fois le cercle des primates retenus pour le haut degré de menace planant sur leur avenir :

° le microcèbe de Nosy Be (Microcebus manitatra) / Madagascar,

° le chimpanzé d’Afrique de l’Ouest (Pan troglodytes verus) / Côte d’Ivoire, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Mali, Sénégal et Sierra Leone,

° le capucin à front blanc équatorien (Cebus aequatorialis) / Équateur et Pérou,

° le marmouset ou ouistiti à oreilles blanches (Callithrix aurita) / Brésil,

° le tamarin bicolore (Saguinus bicolor) / Brésil,

° et le titi d'Olalla (Plecturocebus olallae) / Bolivie.

TAMARIN BICOLORE EN CAPTIVITE

Mâle tamarin bicolore et ses petits au parc zoologique et botanique de Mulhouse en 2015 (photo Ph. Aquilon).

Par ailleurs, quatre espèces, ayant figuré dans de précédentes éditions de la liste avant d’en être sorties, ont été réintégrées :

° l’indri (Indri indri) / Madagascar.

° le colobe bai à tête rousse ou colobe roux de la Tana (Piliocolobus rufomitratus) / Kenya,

° le galago nain de Rondo (Galago rondoensis) / Tanzanie,

° et le kipunji (Rungwecebus kipunji) / Tanzanie.

Toujours au bord du gouffre

La situation de nombreux primates sur le point de disparaître nécessite des aides urgentes. 69 % des 704 espèces et sous-espèces recensées sont aujourd’hui menacées. Et 43 % figurent comme « en danger » ou « en danger critique » d’extinction sur la liste rouge de l’UICN, certaines comptant à peine quelques dizaines ou centaines d'individus.

Les experts ont ainsi décidé que les taxons suivants devaient être maintenus au sein des 25 primates les plus exposés de la planète :

° l’aye-aye (Daubentonia madagascariensis) / Madagascar,

° l'hapalémur du lac Alaotra (Hapalemur alaotrensis) / Madagascar,

° le lépilémur de Manombo ou lépilémur de James (Lepilemur jamesorum) / Madagascar,

° le cercopithèque de Roloway (Cercopithecus roloway) / Côte d’Ivoire et Ghana,

° le colobe bai nigérien ou colobe bai du delta du Niger (Piliocolobus epieni) / Nigeria,

° le colobe de Geoffroy ou colobe magistrat (Colobus vellerosus) / Bénin, Côte d’Ivoire, Ghana, Togo et possiblement Nigeria,

°l’atèle de Geoffroy (Ateles geoffroyi) / Costa Rica, Guatemala, Honduras, Mexique, Nicaragua et Panama,

° le hurleur brun (Alouatta guariba) / Argentine et Brésil,

° le langur ou semnopithèque de Cat Ba (Trachypithecus poliocephalus) / Vietnam,

° le langur ou entelle doré (Trachypithecus geei) / Bhoutan et Inde,

° le loris lent de Java (Nycticebus javanicus) / Indonésie,

° le nasique des îles Pagai ou langur à queue de cochon (Simias concolor) / Indonésie,

° et le semnopithèque blanchâtre (Semnopithecus ou Trachypithecusvetulus) / Sri Lanka.

LANGUR DE CAT BA (PHOTO NEAHGA LEONARD)

La population totale du langur de Cat Ba est évaluée entre 50 et 60 individus. L’aire de répartition de ce cercopithécidé se limite à l’île éponyme située au nord du Vietnam, en baie d’Along. La chasse serait l’unique cause du dramatique déclin de ce singe dont les effectifs ont chuté de quelque 2.400 - 2.700 spécimens dans les années 1960 à une cinquantaine en 2000. Ces langurs ont notamment été braconnés pour la fabrication de remèdes traditionnels (photo Neahga Leonard).

Nouvelle catégorie

Douze taxons mentionnés sur la liste précédente ont été retirés de la nouvelle version. Pour autant, leurs conditions ne se sont pas forcément améliorées, plusieurs s’étant même dégradées. « En procédant à ces changements, nous entendons mettre en évidence d'autres primates étroitement liés et tout aussi fragiles », expliquent les auteurs du rapport. Ont donc été enlevés de la liste 2018-2020 :

° le maki catta (Lemur catta) / Madagascar,

° le microcèbe du Gerp (Microcebus gerpi) / Madagascar,

° le propithèque de Perrier (Propithecus perrieri) / Madagascar,

° le galago des montagnes (Paragalago orinus) / Tanzanie,

° le gorille des plaines orientales (Gorilla beringei graueri) / République démocratique du Congo,

° le gibbon de Hainan (Nomascus hainanus) / Chine,

° le macaque nègre ou macaque des Célèbes (Macaca nigra) / Indonésie (Célèbes),

° l'orang-outan de Bornéo (Pongo pygmaeus) / Indonésie et Malaisie,

° le rhinopithèque du Tonkin (Rhinopithecus avunculus) / Vietnam,

° l’atèle ou singe-araignée à tête brune de l’Équateur (Ateles fusciceps) / Colombie, Équateur et Panama,

° le capucin des Ka'apor (Cebus kaapori) / Brésil,

° et le titi de Caquetá (Plecturocebus caquetensis) / Colombie.

GORILLE DES PLAINE ORIENTALES (PHOTO STUART NIXON)

Gorille des plaines orientales (photo Stuart Nixon).

Fruit des débats menés à Nairobi, une nouvelle catégorie intitulée « autres espèces considérées » inclut désormais des primates à la situation tout aussi précaire que celle des 25 autres retenus dans la liste finale :

° le gorille des plaines orientales (Gorilla beringei graueri) / République démocratique du Congo,

° le macaque nègre ou macaque des Célèbes (Macaca nigra) / Indonésie (Célèbes),

° le rhinopithèque du Tonkin (Rhinopithecus avunculus) / Vietnam,

° le semnopithèque chrysomèle (Presbytis chrysomelas) / Brunei, Indonésie et Malaisie,

° et le tarsier de l’île Siau (Tarsius tumpara) / Indonésie.

RHINOPITHEQUE DU TONKIN (PHOTO NGUYEN VAN TRUONG)

Rhinopithèque du Tonkin (photo Nguyen Van Truong).

« Ce rapport met en lumière les sombres perspectives concernant des animaux parmi les plus incroyables au monde », relève Christoph Schwitzer, directeur zoologique de la BZS et coordinateur de la liste rouge de l'UICN pour le groupe de spécialistes des primates. « Certains sont bien connus, d'autres à peine étudiés, mais tous risquent de s’éteindre en raison de la destruction continue de leurs habitats, du commerce illégal des espèces sauvages et du braconnage pour la viande de brousse. »

« Je garde pourtant espoir », assure M. Schwitzer. « Les questions environnementales suscitent un intérêt sans précédent, en particulier chez les jeunes générations. Leur soutien, associéà des programmes de sauvegarde efficaces, est vital si nous ne voulons pas perdre à jamais ces espèces merveilleuses et charismatiques. Ce document démontre aussi l’importance croissante de la collaboration entre les chercheurs, la communauté de la conservation et les institutions zoologiques. »

« Malgré les conclusions du rapport, nous tenons aussi à partager et célébrer des réussites exemplaires », renchérit le Dr Grainne McCabe, directrice scientifique et de la conservation in situà la société zoologique de Bristol. «Il convient de s’en inspirer pour les reproduire. En 2014, plusieurs primates vietnamiens ont été inscrits sur cette liste. Le gouvernement a alors édité des timbres postaux à leur effigie pour sensibiliser les habitants au sort de ces singes. En parallèle, le renforcement de diverses aires protégées a entraîné une hausse des effectifs pour certaines espèces, comme le langur de Cat BaComme l'a si bien dit sir David Attenborough, "personne ne protégera ce dont il ne se soucie pas et personne ne se souciera de ce qu'il n'a jamais éprouvé ". »

Pour consulter ou télécharger le rapport 2018-2020 (en anglais) : www.globalwildlife.org/wp-content/uploads/2019/10/Primates-in-Peril-2018-2020-2.pdf

Sources  principales : UICN, Bristol Zoo Gardens.

« La panthère des neiges », de Sylvain Tesson : une apparition sacrée

$
0
0

Vers quels ailleurs dérivent les pensées du guetteur, à l’affût dans l’attente voire l’espoir de l’apparition ? Des méditations mystiques sur l’origine du monde et l’évolution du vivant aux déchirements intimes, les interrogations comme les doutes se bousculent dans la tête de Sylvain Tesson, immobile dans l’air glacé des hautes altitudes, silencieux, les yeux grands ouverts et le cœur aux aguets. L’impératrice des montagnes daignera-t-elle se montrer ? Et si la panthère refusait, l’Homme devrait-il en éprouver une amère déception ou se convaincre, comme le fit l’auteur et naturaliste américain Peter Matthiessen (1927-2014), que la quête se suffit à elle-même ?

LA PANTHERE DES NEIGES - SYLVAIN TESSON

À l’invitation du photographe animalier Vincent Munier et après une première expédition nocturne sur les rives de la Moselle à la rencontre du blaireau, l’écrivain au long cours, né en 1972, s’envole pour le Tibet, ses plateaux battus par les vents et surveillés par des chaînes aux neiges encore éternelles. Des confins pour l’heure épargnés, rebaptisés par le photographe afin d’en préserver les secrets et où Munier, comme l’appelle Tesson, partait un sixième hiver poursuivre saâ, l’once, emportant comme viatique l’ouvrage Wildlife of the Tibetan Steppe de l’immense zoologiste et conservationniste George Schaller.

À la sèche définition frontalière de l’aire de répartition du grand félin, le voyageur à la plume érudite, citant Héraclite, Nietzsche, Lao Tseu, Pline l’Ancien comme Dumas et Labiche, préfère sa cartographie façonnée par l’Histoire.

Dans ces contrées où l’Homme n’a pas semé son désordre, Vincent Munier, ayant appris au sortir de l’enfance à attendre et voir les bêtes dans les forêts vosgiennes, sait hurler avec le loup de l’Himalaya, repérer le manul, identifier le faucon sacre. Le disciple du graveur et peintre suisse Robert Hainard (1906-1999) approche au plus près les troupeaux de barhals, d’antilopes et de gazelles tibétaines, de kiangs ou des derniers yacks sauvages, rescapés des massacres perpétués par les colons puis des programmes de domestication menés par les autorités chinoises. Toujours, il les appelle de leur nom scientifique, latin – Canis lupus himalayensis, Otocolobus manul, Falco cherrug, Pseudois nayaur,Pantholops hodgsonii, Procapra picticaudata, Equus kiang, Bos mutus, lui qui a choisi de défendre le monde sauvage en traquant sa beauté, n’en déplaise à quelques esprits chagrins. Pourtant, Panthera uncia, elle, échappe parfois à l’œil du poète-photographe, cachée dans un cliché comme sur une ancienne image d’Épinal, la ville natale de l’artiste.

Si la panthère des neiges n’a pas disparu, comme le croyait Sylvain Tesson au début de l’aventure, elle frôle aujourd’hui, vulnérable, un gouffre plus sombre que les abîmes de ses montagnes, confrontée, assure l’Union internationale pour la conservation de la nature, à un risque élevé d’extinction dans ses ultimes refuges.

Reflet des photos de Vincent Munier, ce carnet intime révèle le bonheur viscéral, pour qui sait attendre dans l’espoir de l’éprouver, offert par la vision des derniers éclats sauvages.
« Elle nous tourna le dos, s’étira, disparut. Je rendis la lunette à Munier. C’était le plus beau jour de ma vie depuis que j’étais mort. »

TESSON Sylvain, La panthère des neiges, Éditions Gallimard, collection Blanche, octobre 2019, 176 p., 18 €.

Pour découvrir le travail de Vincent Munier : www.vincentmunier.com

Bornéo : mort du dernier rhinocéros de Sumatra oriental de Sabah

$
0
0

L'ultime rhinocéros de Sumatra de l’Est  (Dicerorhinus sumatrensisharrissoni) de Sabah s’est éteint, ce samedi 23 novembre 2019 à 17 h 35 heure locale, dans l’enceinte du Borneo Rhinoceros Sanctuary, au sein de la réserve faunique de Tabin, en Malaisie. La santé d’Iman, une femelle issue du milieu naturel et maintenue en captivité en 2014 dans la perspective d’un programme de reproduction, s'était détériorée en décembre 2017 après l’éclatement de l’une des tumeurs présentes dans son utérus.

Baptisé Kretam et surnommé Tam, le dernier mâle connu de cette sous-espèce orientale, endémique de Bornéo, est mort lundi 27 mai dernier (lire http://biofaune.canalblog.com/archives/2019/05/29/37389488.html). Atteinte d’un cancer de la peau, la femelle Puntung, capturée en 2011, avait été euthanasiée le 4 juin 2017. D’après plusieurs experts, les affections ayant touché ces deux femelles et la mauvaise qualité du sperme de Tam reflèteraient la consanguinité ayant touché les rhinocéros de Bornéo au cours du XXème siècle.

Iman, Puntung et Tam ont longtemps été considérés comme les derniers représentants de leur taxon. Toutefois, une quinzaine de spécimens survivraient dans la province indonésienne du Kalimantan oriental, avait annoncé en mars 2016 le Fonds mondial pour la nature (WWF) à l'issue d'une étude de terrain. Et en novembre 2018, une femelle était capturée dans le kabupaten du Kutai occidental. Baptisée Pahu, elle est désormais le seul individu captif de sa sous-espèce.

IMAN DERNIERE FEMELLE RHINOCEROS DE SUMATRE DE L'EST

(Photo DR)

« L’équipe du sanctuaire a veillé 24 heures sur 24 sur Iman, lui a permis à diverses reprises de recouvrer la santé et de produire des ovules malgré les hémorragies provoquées par ses tumeurs utérines », a déclaré Christina Liew, la ministre du tourisme, de la culture et de l'environnement de Sabah.

Ratifié en mars 2012 par le gouvernement indonésien, l'International Rhino Foundation (IRF), le WWF et l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), un document prévoyait l’échange de matériels biologiques pour sauver « globalement » le rhinocéros de Sumatra, classé« en danger critique » d’extinction depuis 1996. Les acteurs d'un sommet organisé en 2013 au zoo de Singapour avaient en effet décidé de considérer tous les animaux captifs comme une seule population et de ne plus tenir compte des sous-espèces ou des propriétés nationales. Or cet engagement n’a débouché sur aucune action commune entre l’Indonésie et la Malaisie, le protocole d’accord entre ces deux pays n’ayant toujours pas été signé…

« L’État de Sabah souhaite poursuivre ces démarches malgré la disparition d'Iman », a affirmé Mme Liew. « Nous pouvons encore collaborer en prenant en charge des femelles victimes de pathologies de la reproduction, en récoltant des gamètes et en les cultivant in vitro. »

Voici l’une des dernières vidéos d’Iman, tournée en août dernier lors de la visite de Christina Liew au Borneo Rhinoceros Sanctuary :

Baléares : la réintroduction de l’alyte accoucheur de Majorque se poursuit

$
0
0

Mardi 10 décembre 2019, 88 alytes accoucheurs de Majorque (Alytes muletensis) nés au zoo de Barcelone ont été relâchés dans le milieu naturel à Alaró, commune de la comarque du Raiguer, située dans la partie occidentale de la plus vaste île de l’archipel espagnol des Baléares. Cette troisième réintroduction a permis à plus de 220 individus de retrouver en trois ans leur milieu originel au cœur de la serra de Tramuntana, massif se dressant au nord-ouest de Majorque et culminant à 1.445 mètres d'altitude.

Au total, plus de 650 de ces amphibiens, précieux indicateurs de la santé des écosystèmes, ont recouvré la liberté dans le cadre de la collaboration initiée en 1993 entre l’établissement zoologique catalan et le département de l'agriculture et de la pêche du gouvernement local. Dans ce contexte, 23 alytes avaient été confiés au parc animalier de Barcelone où plus de 1.500 éclosions ont depuis été enregistrées. 95 % de ces individus nés en captivité sont destinés àêtre relâchés.

ALYTE ACCOUCHEUR DE MAJORQUE

Le crapaud accoucheur de Majorque, l’une des cinq espèces du genre des alytidés, n’hiberne pas et s’avère surtout actif à la nuit tombée. Les femelles mesurent jusqu’à 38 mm de long, les mâles pouvant atteindre 34,7 mm. Ces derniers portent les œufs enroulés autour de leurs pattes arrière et les maintiennent dans un environnement humide avant de les déposer dans l’eau à l’approche de l’éclosion (photo Mairie de Barcelone).

Dès 1988, au moins dix populations avaient été réintroduites avec succès lors d’un premier programme lancé par les autorités majorquines et le Jersey Wildlife Preservation Trust (rebaptisé Durrell Wildlife Conservation Trust en 1999). Les relâchés effectués par l’organisation dont le siège se trouve sur l’île anglo-normande ont cessé en 2002, tandis qu’un élevage voyait le jour à Majorque.

En 2003, la population sauvage avait été estimée entre 500 et 1.500 couples adultes répartis au sein de 25 groupes pour la plupart isolés. L'année suivante, les efforts de conservation ont permis à l’alyte accoucheur de Majorque, considéré comme « en danger critique » depuis 1996 par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), d’être reclassé« vulnérable », statut attribué aux (sous-)espèces confrontées à un risque élevé d’extinction à l’état sauvage.

Un crapaud « ressuscité » 

Qualifié de taxon Lazare, cet anoure, présent à Majorque avant l’arrivée de l'homme, a été décrit en 1977 à partir de fossiles. Les premiers spécimens vivants ont été identifiés deux ans plus tard. À l’heure actuelle, l’île abrite 35 populations d’alytes accoucheurs. 34 ont été recensées dans des gorges de la serra de Tramuntana et une dernière, récemment établie, dans un point d’eau de la serra de Llevant, zone de moyenne montagne du nord-est de l’île moins élevée que la précédente.

Très sensible à toute perturbation de son habitat, ce crapaud accoucheur endémique a été contraint de se réfugier dans des zones difficiles d’accès pour échapper à ses prédateurs invasifs, spécialement la couleuvre vipérine (Natrix maura) et la grenouille de Pérez (Pelophylax perezi). Dans ces gorges, les alytes trouvent également des points d’eau ne s’asséchant jamais, où les têtards peuvent se développer avant leur métamorphose. L'expansion touristique et l’anthropisation croissante de Majorque, avec un besoin accru en eau, constitue un danger supplémentaire pour l’avenir du petit crapaud insulaire.

SERRA DE TRAMUNTANA

Vue du monastère de Lluc niché au pied des plus hauts sommets de la Serra de Tramuntana (photo gertrudis2010).

Selon une étude publiée en novembre 2015 dans la revue Biology Letters, le Batrachochytrium dendrobatidis (Bd), un microscopique champignon à l’origine de la redoutable chytridiomycose décimant les populations d’amphibiens partout dans le monde, aurait étééradiqué de certaines zones atteintes de Majorque grâce à un traitement à base de Virkon S (lire http://biofaune.canalblog.com/archives/2015/11/24/32967829.html). Cette épidémie serait apparue sur l’île avec le transfert de certains spécimens confiés par le Durrell Wildlife Conservation Trust avant même la découverte de cette maladie émergente en 1998 chez des grenouilles tropicales. « Pour la première fois, nous sommes parvenus àéliminer l’infection chez des spécimens sauvages sur une période prolongée, se réjouissait le Dr. Trenton Garner, professeur associéà la Société zoologique de Londres (ZSL). Cette épizootie fongique frappant les amphibiens constitue un enjeu de conservation majeur exigeant des réponses simples, claires et transférables. »

« Dans trois sites, nous avons réussi àéradiquer ce chytride durant les deux années suivant notre intervention, précisait en avril 2019 Eva Moragues, biologiste à l'Université des îles Baléares (UIB) et technicienne au service majorquin de protection des espèces. Dans un quatrième, où nous supposions l’an dernier l’avoir éliminé, il est finalement réapparu. »

Malgré la tendance favorable et face à la persistance des menaces, les efforts in et ex situ pour la sauvegarde de l'alyte acoucheur doivent être poursuivis à travers, notamment, la restauration comme la création de zones favorables à la reproduction et la lutte contre ses prédateurs, en particulier la couleuvre vipérine.

Voici une courte vidéo présentant le programme de conservation mené par le zoo de Barcelone :

Sources : DiariodeMallorca, Última Hora, municipalité de Barcelonne, Encyclopedia of Life,UICN.

Belle et heureuse année 2020

Le changement climatique affecte la liste rouge des espèces menacées

$
0
0

Dévoilée mardi 10 décembre 2019 par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), la nouvelle révision de la liste rouge englobe 112.432 (sous-)espèces animales et végétales dont 30.178 sont aujourd’hui considérées comme menacées à des degrés divers.

6.413 sont ainsi classées « en danger critique », 10.629 « en danger » et 13.136 « vulnérables », c’est-à-dire confrontées à un risque élevé d’extinction à l’état sauvage. Par ailleurs, 6.826 sont jugées « quasi menacées » et 57.931 figurent en « préoccupation mineure » tandis qu’aucun statut n’a été attribuéà 16.355 d’entre elles, faute de données suffisantes pour évaluer directement ou indirectement le niveau d’extinction pesant sur leur avenir. Enfin, 877 taxons sont estimés comme éteints, 73 ayant disparu à l’état sauvage.

Par ailleurs, 192 (sous-)espèces sont encore recensées au sein de la catégorie « faible risque / dépendant de mesures de conservation » amenée à disparaître progressivement de la liste rouge dont la dernière version met en relief les effets délétères du changement climatique sur la biodiversité en péril.

«Ses conséquences néfastes sont de plus en plus évidentes », prévient l’ONG de conservation dont l’indicateur a été publié trois jours avant la clôture de la 25e Conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP25) à Madrid, en Espagne.

« Cette mise à jour révèle les impacts croissants des activités humaines sur la vie sauvage, souligne Jane Smart, directrice mondiale du Groupe de conservation de la biodiversité de l’UICN. 2020 sera cruciale pour l’avenir de la planète, le congrès de l’UICN en juin prochain (*) représentant une étape-clé pour définir le programme de travail mondial en matière de conservation nécessaire pour répondre à l’urgence dans laquelle se trouvent les espèces, en vue des décisions que les gouvernements prendront lors de la réunion de la Convention sur la diversité biologique prévue du 19 octobre au 1er novembre 2020à Kunming, en Chine. »

PO-O-ULI MASQUE

Endémique de l'île de Maui, la deuxième plus grande de l'archipel d'Hawaï, le po-o-uli masqué, unique représentant du genre Melamprosops, a été identifié pour la première fois en 1973. En 1997, la population connue de ce passereau, victime du développement urbain et de l’expansion d’espèces invasives, se limitait à trois individus. L’un d’eux est mort en captivité en 2004, année de la dernière observation en milieu naturel de ce fringillidé désormais officiellement considéré comme éteint (photo U.S. Fish and Wildlife Service/Paul E. Baker ?).

Sale temps pour les eucalyptus

Les évaluations présentées dans cette actualisation montrent que le changement climatique affecte les espèces en modifiant les habitats et en augmentant la force comme la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes, indique le communiqué de l’UICN.

Aujourd’hui, 37 % des espèces de poissons d’eau douce d’Australie sont menacées d’extinction, dont au moins 58 % directement à cause du dérèglement de nos climats. Non seulement ces vertébrés aquatiques s’avèrent très sensibles aux sécheresses intenses générées par la baisse des précipitations et l’augmentation des températures mais « le changement climatique aggrave également la menace que représentent les espèces exotiques envahissantes pouvant se déplacer vers de nouvelles zones à mesure que la température et les débits d’eau changent ».

Dans l’ouest de l’Océan Indien où il évolue en eaux peu profondes, le requin nourrice à queue courte (Pseudoginglymostoma brevicaudatum) a vu ses populations fondre d’environ 80 % en 30 ans, la dégradation des récifs coralliens où il s’abritait l’exposant désormais à la surpêche. Jusqu’alors considéré comme « vulnérable », ce squale a rejoint le cercle des espèces « en danger critique ».

Dans l’archipel des Caraïbes, la fréquence et l’intensité accrues des ouragans compromettent l’avenir de l’amazone impériale (Amazona imperialis), l’oiseau national de la Dominique. Aujourd’hui, la population sauvage de ce psittacidé endémique des forêts montagneuses de cette île des Petites Antilles compterait moins de 50 individus sexuellement matures. Jugée « en danger » depuis 2000, la plus grandes des amazones a donc été reclassée « en danger critique ».

DRAPEAU DE LA DOMINIQUE

L’amazone impériale trône au centre du drapeau de la Dominique.

Côté botanique, l’évaluation de toutes les espèces d’eucalyptus dans le monde a révélé que 25 % de celles-ci étaient menacées, compromettant notamment l’avenir du koala.

Parmi les nouveaux venus dans la catégorie « en danger critique », l’UICN mentionne en particulier la grande nacre (Pinna nobilis), mollusque bivalve de Méditerranée victime d’un agent pathogène récemment identifiéà l’origine de la disparition de 80 à 100 % des coquillages affectés, le pseudoscorpion géant (Garypus titanius), survivant exclusivement sur un rocher de 5,3 hectares situé au large de l’île britannique de l'Ascension dans l’Atlantique Sud et concurrencé par des invertébrés prédateurs envahissants comme la blatte américaine (Periplaneta americana), ou encore  le champignon pagode (Podoserpula miranda), subissant la dégradation de son habitat forestier en Nouvelle-Calédonie.

Trois oiseaux officiellement éteints

À l’occasion de cette révision de sa liste rouge, l’ONG mondiale a également tenu à attirer l’attention sur quelques espèces dont l’état de conservation a empiré, à l’instar de la roussette de Madagascar (Rousettus madagascariensis), dont les effectifs auraient chuté de plus de 30 % au cours des 15 dernières années à cause de la pression exercée par la chasse dans ses cavernes-dortoirs, et du lapin d’Europe (Oryctolagus cuniculus), décimé dans son aire de répartition naturelle par une nouvelle épizootie de la maladie hémorragique virale du lapin (VHD), avec des chutes de populations pouvant atteindre 70 %. Précédemment considérés comme « quasi menacés », ce chiroptère et ce lagomorphe sont  dorénavant estimés « en danger », un statut jusqu’alors attribué au colobe bai à tête rousse ou colobe roux de la Tana (Piliocolobus rufomitratus). Récemment réintégré dans la liste des 25 primates les plus menacés au monde (lire http://biofaune.canalblog.com/archives/2019/10/23/37733865.html), ce cercopithécidé kényan, toujours braconné et souffrant de la perte de son habitat en raison de l’exploitation forestière, du développement de l’agriculture, des incendies ainsi que des inondations, a été reclassé« en danger critique ».

Par ailleurs, après un réexamen par Birdlife international (BLI), autorité de référence pour la liste rouge concernant les oiseaux, l’anabate cryptique (Cichlocolaptes mazarbarnetti), l’anabate d’Alagoas (Philydor novaesi) et le poo-uli masqué (Melamprosops phaeosoma)  ont été officiellement déclarés éteints.

LAPIN DE GARENNE

Découverte en Chine en 1984 et arrivée en Europe deux ans plus tard, la maladie hémorragique virale du lapin décime aujourd’hui les populations de lapins de garenne du Vieux Continent (photo  Francesco Veronesi).

« Cette mise à jour souligne les implications directes et indirectes du changement climatique dans le déclin d’un nombre croissant d’espèces, estime Beth Polidoro, directrice adjointe de l’évaluation et de la valorisation au Centre des résultats de biodiversité (Centerfor Biodiversity Outcomes) de l’Université d’Arizona (États-Unis). Ce document reflète non seulement une meilleure compréhension des impacts du dérèglement climatique sur la biodiversité mondiale, mais aussi le travail rigoureux de centaines de scientifiques et d’experts à travers la planète, œuvrant ensemble pour réaliser ces évaluations. »

Dix belles histoires

Dans ce contexte angoissant, l’UICN tient toutefois à relever l’amélioration de l’état de conservation de dix espèces, huit oiseaux et deux poissons d’eau douce. Si cinq restent menacées d’extinction, les autres ne sont plus confrontées à un péril immédiat. Revenu de l’extinction à l’état sauvage, le râle de Guam (Hypotaenidia owstoni) a été transféré« en danger critique », statut abandonné par le galaxias du lac Pedder  (Galaxias pedderensis) pour celui d’« en danger » que la perruche de Maurice (Psittacula eques), le mégapode de Pritchard (Megapodius pritchardii) et la morue de Murray ou morue à nez bleu (Maccullochella macquariensis) ont quitté pour devenir « vulnérables ».

La paruline azurée (Setophaga cerulean), la grive à pieds jaunes (Turdus lherminieri) et le viréo à tête noire (Vireo atricapilla) ont été retirés de cette catégorie et inclus parmi les taxons « quasi menacés ».

Jusqu’alors proches de remplir les critères correspondant aux animaux en danger de disparition, le pétrel de Murphy (Pterodroma ultima) et le roselin de Cassin (Haemorhous cassinii) sont maintenant considérés comme des « préoccupations mineures ».

ROSELIN DE CASSIN

Le spectre de l’extinction s’est éloigné pour le roselin de Cassin – ici un mâle, un passereau d’Amérique du Nord (photo www.naturespicsonline.com).

« Cette retouche de la liste rouge démontre que la conservation fonctionne et offre une lueur d’espoir dans la crise de la biodiversité même si le changement climatique s’ajoute aux multiples menaces auxquelles les espèces sont confrontées, considère Grethel Aguilar, directrice générale par intérim de l’UICN. Malgré soixante-treize déclins attestés, ces dix réels succès prouvent que la nature peut se rétablir si on lui accorde une chance. »

« Le rétablissement du râle de Guam et de la perruche de l’île Maurice apportent une preuve fantastique de l’efficacité de mesures de conservation ciblées, se félicite Ian Burfield, coordinateur scientifique à BirdLife International. Il faut néanmoinsrappeler que toutes les espèces ne peuvent être sauvées, surtout si leur milieu naturel a été détruit. Pour prévenir déclins et extinctions, la priorité doit être la sauvegarde des habitats. »

« En ces temps d'urgence écologique, il est essentiel que nous reconnaissions et célébrions les réussites des défenseurs de l’environnement, renchérit Andrew Terry, directeur de la conservation et des politiques à la Société zoologique de Londres (Zoological Society of London/ZSL). Pourtant, dix espèces en voie de rétablissement sur 30.178 espèces menacées d'extinction, cela ne suffit pas. Œuvre de longue haleine, la conservation nécessite des années de coopération et d'investissements financiers, ce qui fait actuellement le plus défaut aux programmes de rétablissement. »

 (*) Organisé tous les quatre ans, le Congrès mondial de la nature de l'UICN aura lieu du 11 au 19 juin 2020 à Marseille.

Rhinocéros blanc du Nord : un troisième embryon conçu par fécondation in vitro

$
0
0

Le mois dernier, des chercheurs ont de nouveau prélevé des ovocytes de rhinocéros blanc du Nord (Ceratotherium simum cottoni) et fécondé avec succès l’un deux dans l’espoir de sauver cette sous-espèce désormais uniquement représentée par deux femelles, a annoncé mercredi 15 janvier 2020 l'Institut Leibniz pourla recherche sur la faune sauvage et de zoo (IZW) de Berlin, en Allemagne.

Une opération similaire avait déjà réussi en août 2019. La fécondation artificielle de sept cellules sexuelles issues des deux survivantes par du sperme congelé de deux mâles disparus - baptisés Saut et Suni - avait permis le développement de deux « purs » embryons viables.

Cette intervention a donc été répétée mercredi 17 décembre 2019. Vivant dans la réserve kényane d’Ol Pejeta, Fatu et Najin ont subi une anesthésie générale avant le prélèvement de neuf ovocytes : trois à Najin, née le 11 juillet 1989 au zoo tchèque de Dvůr Králové, et six à sa fille Fatu, venue au monde le 29 juin 2000 dans ce même établissement animalier d'Europe centrale.

Comme la première fois, ces cellules sexuelles ont ensuite été envoyées au laboratoire italien spécialisé Avantea. Là, à Crémone, elles ont été incubées puis mises au contact de spermatozoïdes.

« Un ovule de Fatu fécondé avec du sperme de Suni est devenu un embryon viable, précise l'IZW. Sûre et reproductible, la procédure peut être effectuée régulièrement », assure l’organisme de recherche créé en 1973 sous l'égide de l'Académie des sciences de la République démocratique allemande (RDA). Cet embryon est désormais conservé dans de l'azote liquide avec les deux autres produits en août 2019. Tous trois ont été obtenus avec des ovocytes de Fatu et la semence de Suni, mort de causes naturelles le 17 octobre 2014 à Ol Pejeta.

« La production de ce troisième embryon provenant de Fatu prouve que le programme BioRescue est sur la bonne voie, se félicite le Pr Thomas B. Hildebrandt, chef du département « gestion de la reproduction » de l’IZW. Désormais, notre équipe va tout mettre en œuvre pour parvenir au même résultat avec Najin, avant qu'il ne soit trop tard pour elle. Et nous sommes bien déterminés à transférer un embryon de rhinocéros blanc du Nord dans une mère porteuse dès 2020 afin d’assurer la survie de cette sous-espèce. »

SUDAN

Baptisé Sudan, le dernier rhinocéros mâle du Nord s’est éteint lundi 19 mars 2018 à l’âge de 45 ans dans la réserve kényane d’OI Pejeta. Né en 1973, il fut capturé en février 1975 dans l’actuel Soudan du Sudavec un autre mâle (Saut, alors âgé de 3 ans) et quatre femelles (Nola, Nuri, Nadi et Nesari) pour le compte du zoo de Dvůr Králové. Il y devint le père de Nabire et Najin, respectivement venues au monde en 1983 et 1989, avant d’être transféré le 20 décembre 2009 à la réserve d'Ol Pejeta en compagnie de sa fille Najin, de sa petite-fille Fatu et de Suni, né le 8 juin 1980 dans le parc animalier tchèque (photo Lengai101 avant l’autorisation de Michael Dalton-Smith).

Une affaire de famille

Tous ses pairs ne souscrivent cependant pas à l’optimisme du chercheur. Selon Jacques Rigoulet, vétérinaire et ancien directeur de la Ménagerie du Jardin des Plantes de Paris (2004-2009), la survie du rhinocéros blanc du Nord relève de l’utopie, faute d’une diversité génétique suffisante. « Sauver cette sous-espèce était envisageable il y a vingt ans, lorsqu’elle comptait encore deux ou trois dizaines de spécimens mais, désormais, il est beaucoup trop tard », assurait en 2018 cet expert auprès de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (Cites).

Un avis alors partagé parTerri Roth, en charge du centre pour la conservation et la recherche sur les espèces menacées d'extinction (Center for Conservation and Research of Endangered Wildlife / CREW), et William Swanson, directeur de la recherche animale au sein de cette structure créée en 1986 par le jardin zoologique et botanique de Cincinnati, dans l’Ohio (États-Unis).« Il est improbable qu'une population viable de rhinocéros blancs du Nord soit restaurée », estimaient en substance ces spécialistes n'ayant pas participé aux travaux conduits par l’IZW. « Des résultats impressionnants dans une boîte de Pétri ne signifient pas forcément un troupeau de petits en bonne santé... »

De fait, les trois embryons ont été conçus avec les gamètes d’individus très étroitement apparentés. Issu du milieu naturel et mort en août 2006 au zoo de Dvůr Králové, Saut est en effet le père de Fatu et Suni. Et la génitrice de ce dernier, Nasima, est aussi celle de Najin, la mère de Fatu…

Toutefois des travaux sont actuellement menés à partir de cellules souches de tissus congelés d’autres spécimens pour fabriquer des gamètes artificiels et diversifier ainsi le pool génique.

Pour autant, cette consanguinité ne tempère pas l’enthousiasme des autorités kényanes. « Nous sommes heureux que le projet de fécondation in vitro mené par un consortium de scientifiques et d'écologistes du Kenya, de la République tchèque, d'Allemagne et d'Italie soit parvenu à produire trois purs embryons de rhinocéros blancs du Nord prêts àêtre implantés dans l’utérus d’une femelle rhinocéros blanc du Sud », s'est réjoui le ministère local du tourisme et de la faune. 

Souffrant pour la première d’une fragilité de l’arrière-train et de lésions dégénératives de l'utérus pour la seconde, Najin et Fatu ne sont plus en mesure de devenir gestantes. Envisagée dès cette année, la prochaine étape consistera donc à sélectionner une mère porteuse au sein de la population de rhinocéros blanc du Sud (C. s. simum). Si celui-ci est considéré comme « quasi menacé » par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), son « cousin » septentrional est classé depuis 1996 « en danger critique » d’extinction sur la liste rouge de l’ONG mondiale.

À terme, l'objectif est de réintroduire des rhinocéros blancs du Nord dans certaines zones protégées de leur aire de répartition originelle. S’il aboutit, ce projet pourrait prendre plusieurs décennies.

Tournée jeudi 22 août 2019, cette vidéo présente le prélèvement, à l'aide d'une sonde guidée par des ultrasons, de dix ovocytes - cinq par femelle - sur Najin et Fatu. Sept ont pu être inséminés artificiellement grâce à des échantillons de sperme cryogénisé.

 


Inde : la Cour suprême valide la réintroduction de guépards africains

$
0
0

Afin d’établir si ces félins peuvent s'adapter à l'environnement du sous-continent, la Cour suprême indienne a autorisé, mardi 28 janvier 2020, une réintroduction expérimentale de guépards originaires d’Afrique. La requête avait été déposée par l'autorité nationale de conservation des tigres (National Tiger Conservation Authority/NTCA), organe statutaire du ministère de l'environnement, des forêts et du changement climatique.

Une première demande avait été rejetée en 2013 au motif qu'aucune étude scientifique ne recommandait alors cette stratégie. En outre, selon un rapport commandé par les juges, l’Inde ne disposait pas d'habitats ayant une densité de proies suffisante pour une telle initiative. En 2018, le gouvernement de l’État du Madhya Pradesh, situé au centre du pays, avait néanmoins demandéà la NTCA de relancer ce projet.

GUEPARD IRANIEN

Arborant une crinière plus saillante sur la nuque et la gorge que ses « cousins » africains, le guépard asiatique se caractérise également par sa queue plus épaisse et la netteté des taches sur son pelage (photo Ehsan Kamali/Tasnim News Agency).

Fort de l’aval de la plus haute juridiction indienne, le gouvernement central doit maintenant identifier les zones susceptibles d’accueillir les relâchés, en particulier au regard de la disponibilité en ressources alimentaires et des risques de conflits avec les habitants.

Parmi différents sites évoqués, un groupe d’experts a déjà relevé le sanctuaire faunique de Palpur-Kuno, dans le district de Sheopur au nord-ouest du Madhya Pradesh, le parc national de Velavadar/Blackbuck couvrant 34 km2 dans le district de Bhavnagar à l’ouest du Gujarat, et le sanctuaire de Tal Chhapar dans le district de Churu,aunord du Rajasthan.

Le coup de grâce de la révolution iranienne

Jadis très répandu – l’empereur moghol Akbar (1542-1605) en ayant possédé jusqu’à un millier, les guépards indiens ont été décimés par la chasse et la perte de leur milieu. Ils ont été officiellement déclarés éteints en 1952, cinq ans après la mort du dernier individu connu.

Dans les années 1970, des négociations ont été menées pour transférer des félins depuis l’Iran tandis que, parallèlement, des mesures étaient adoptées pour accroître les effectifs de gazelles indiennes (Gazella bennettii) et d’antilopes cervicapres (Antilope cervicapra), les proies locales préférées du plus rapide mammifère de la planète. Les négociations ont été interrompues au lendemain de la révolution islamique de 1979.

Des tentatives de clonage ayant ensuite échoué, les partisans de la réintroduction du prédateur ont donc envisagé d’importer des guépards africains, bien que ces derniers appartiennent à des sous-espèces distinctes (*) du guépard asiatique (Acinonyx jubatus venaticus).

L’aire de répartition de cette sous-espèce, classée depuis 1996 « en danger critique » d’extinction par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), s’étendait jadis de la péninsule arabique et du Proche-Orient à l’Inde en passant par l'Iran, l'Afghanistan et le Pakistan. Plus au nord, elle couvrait le Caucase et l’Asie centrale. Aujourd’hui, le guépard asiatique, dont la population sauvage s’élèverait à une cinquantaine de spécimens contre 200 dans les années 1970, survit uniquement dans quelques régions iraniennes.

LES GUEPARDS DU MAHARAJA SAYAJIRAO GAEKWAD III

Guépards appartenant à Sayajirao Gaekwad III, maharaja de l'État de Baroda de 1875 à 1939. Ce cliché aurait été pris vers 1890 (photo DR).

« Jusqu’à présent, nous trouvions encore des guépards dans trois grandes zones protégées, déclarait fin 2017 Urs Breitenmoser, coprésident du groupe des spécialistes des félins de l’UICN. Aujourd’hui,ces félins ont disparu du parc national de Kavir. Au sud, ils sont désormais trop rares pour se rencontrer et se reproduire. Les seuls signes d’une présence assez importante pour maintenir une population pérenne se trouvent dans le nord de l’Iran, dans l’enceinte du parc national de Khar Turan et dans le refuge pour la faune sauvage deMiandasht. »

Appartenant à la sous-espèce d’Afrique australe, les individus envisagés dans le cadre du programme indien devraient être transférés depuis la Namibie.

Polémique et priorités de sauvegarde

Ce plan suscite toutefois de vives controverses parmi les défenseurs de l’environnement et les scientifiques. Le degré des différences génétiques entre le guépard asiatique et son cousin d’Afrique méridionale divise ainsi les experts. « Implanter des guépards namibiens en Inde équivaudrait à relâcher un lion d’Afrique dans un parc naturel européen, estime en substance Pamela Burger, chercheuse au laboratoire « Génétique des populations et conservation » de l'Université de médecine vétérinaire de Vienne, en Autriche. Ce sera un lion africain vivant en Europe, mais pas un lion européen. » Les guépards asiatiques auraient divergé de leurs congénères du continent africain voici 32 000 à 67 000 ans.

Par ailleurs, pour certains conservationnistes, aucun des lieux (ne dépassant pas 1.000 km2) suggérés pour les réintroductions ne sera assez vaste ou densément peuplé en proies. « Nous sommes incapables de délocaliser les lions du Gir décimés par le virus de la maladie de Carré mais nous voulons réintroduire des guépards avec lesquels nous n'avons aucune expérience », déplore le biologiste Ravi Chellam.

« Caractéristique des priorités mal placées, ce dessein va nuire aux efforts de sauvegarde des espèces en danger déjà présentes en Inde », renchérit Ritwick Dutta, avocat spécialisé dans la protection de la nature et cofondateur, en 2005, de l'Initiative juridique pour la forêt et l'environnement (Legal Initiative for Forest and Environment/LIFE).

GUEPARD DANS LE SUD NAMIBIEN

Guépard marquant son territoire par un jet d’urine dans le sud de la Namibie (photo Joachim Huber).

Déplacer de vulnérables guépards africains au sein de nouveaux milieux favorisera leur viabilitéà long terme, soutiennent d’autres écologistes. Créé en 1990 par Laurie Marker, le fonds de conservation du guépard (CheetahConservationFund/CCF), dont le centre de recherche et d’éducation se trouve à Otjiwarongo dans l’est namibien, pourrait sélectionner les félins les plus aptes à la réintroduction en Inde. Ces derniers seraient choisis parmi les animaux ne s’attaquant pas aux troupeaux et les plus méfiants envers les superprédateurs. « Les guépards s’avèrent très adaptables », assure Laurie Marker, assez optimiste sur la réussite d’une éventuelle réintroduction.

Celle-ci débutera uniquement lorsque les habitats potentiels auront été soigneusement évalués, promettent en outre ses partisans, au premier rang desquels figure l'ancien ministre de l'environnement, Jairam Ramesh, ayant lancé ce programme en 2010. « Le mot anglais pour guépard, "cheetah ", vient du terme sanscrit "chitra" signifiant tacheté, a twitté M.Ramesh. Il est le seul mammifère traqué jusqu'à l'extinction dans l'Inde moderne. »

(*) Quatre sous-espèces africaines sont aujourd’hui admises, en l’occurrence celles d'Afrique du Nord-Ouest (Acinonyx jubatus hecki), d'Afrique du Nord-Est ou du Sahara (A. j. soemmeringii), d'Afrique de l'Est (A. j. raineyi) et d’Afrique australe (A. j. jubatus).

Sources principales : Hindustan Times, The Guardian, The Atlantic, UICN.

Une tortue génétiquement proche d’une espèce éteinte découverte aux Galápagos

$
0
0

Une expédition scientifique vient de découvrir dans l'archipel équatorien une tortue géante étroitement apparentée à l’espèce disparue de l’île Pinta (Chelonoidis abingdonii), a annoncé vendredi 31 janvier 2020 le parc national équatorien des Galápagos (PNG).

Le dernier représentant connu de ce taxon, officiellement déclarééteint en 2016 par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), était le célèbre « George le Solitaire », capturé en 1971 sur l’île Pinta et mort le 24 juin 2012 au centre de recherche Charles-Darwin, à Puerto Ayora, sur l'île Santa Cruz.

Considérée comme « une grande priorité », cette jeune femelle possède « une importante charge génétique de l'espèceChelonoidis abingdonii », précisent les autorités du PNG. Cet animal a été identifié lors de recherches conduites aux abords du volcan Wolf (1.710 m), se dressant au nord de l'île Isabela. Entre 10.000 et 12.000 chéloniens vivraient aujourd’hui dans cette zone d’environ 600 km2. Pour les scientifiques, la femelle récemment caractérisée « pourrait descendre directement d'un spécimen pur survivant dans les paragesdu volcan ».

TORTUE HYBRIDE DE L'ILE PINTA

Cette jeune femelle pourrait descendre d’une pure tortue de l’île Pinta, susceptible de survivre dans le nord de l'île Isabela (photo Galapagos Conservancy).

Durant dix jours, 45 gardes forestiers et scientifiques du PLG et de l'ONG, répartis au sein de 12 groupes, ont sillonné près de 200 km2, prélevant 50 échantillons de sang sur les tortues localisées pour la première fois afin de déterminer leur ascendance génétique. Tous ces reptiles ont étééquipés d’une micropuce de reconnaissance.

Une importante population d’hybrides est présente dans cette région abritant des tortues descendant de différentes espèces, dont certaines éteintes. L’explication la plus plausible remonte au XIXème siècle, lorsque les marins, en particulier les chasseurs de baleines, abandonnaient sur le rivage de la baie Banks les animaux capturés ailleurs dans l’archipel lorsqu’ils n’avaient pas besoin de les consommer.

De possibles survivantes

Ces travaux ont permis de localiser 29 autres individus –18 femelles et 11 mâles – présentant un « lignage partiel » avec Chelonoidis niger, la tortue géante de l'île Floreana, considérée comme éteinte depuis le milieu du XIXème siècle et déclarée comme telle depuis 1996. Toutefois, quelques adultes captifs possèdent du matériel génétique « historique » de cette espèce, jusqu’à 80 % du génome considéré pour au moins un animal.

En outre, de précédentes analyses, notamment ADN, avaient déjà permis d’établir qu’entre 100 et 200 tortues évoluant sur les pentes du volcan Wolf possédaient une ascendance partielle de Chelonoidis niger . Aujourd’hui encore, certains spécialistes estiment même possible la survie de spécimens purs.

GEORGE LE SOLITARE

« George le Solitaire », immortalisé ici en 2007, partagea notamment son enclos avec deux femelles génétiquement proches, originaires de l’île Española. Malheureusement, toutes les tentatives de reproduction échouèrent (photo putneymark ).

Les trente tortues récupérées durant cette expédition ont été transférées au centre d'élevage « Fausto Llerena », situé dans l’enceinte de la station Charles-Darwin. À l’issue d’une période de quarantaine, les individus apparentés àChelonoidis niger rejoindront le programme de reproduction en captivité. Aucune décision n’a encore été prise concernant la jeune parente de « Georges le solitaire ».

Longtemps classés comme des sous-espèces de Chelonoidis nigra, la plupart des lignées phylogénétiques de tortues des Galápagos ont aujourd’hui étéérigées au rang d’espèces à part entière.

Sources principales : Galapagos Conservancy, UICN.

L’histoire évolutive du chien : entre mystères et controverses

$
0
0

Que sait-on de la domestication du chien ? Quelle influence a-t-elle eu sur ses transformations au fil des millénaires ?

Afin de retracer l’histoire évolutive ayant conduit de l’apparition des canidés dans la branche des mammifères à la naissance de Canis lupus familiaris, sous-espèce du loup gris, l’émission La Méthode scientifique, diffusée du lundi au vendredi de 16 à 17 heures sur France Culture, a accueilli lundi 13 janvier 2020 Eva-Maria Geigl, directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et coresponsable d’une équipe de paléogénomique à l’institut Jacques-Monod de Paris, et Christophe Hitte, ingénieur de recherche au sein de l’institut Génétique et développement de l’Université Rennes 1 (www.franceculture.fr/emissions/la-methode-scientifique/la-methode-scientifique-emission-du-lundi-13-janvier-2020).

La découverte du corps congelé d’un jeune canidé dans le pergélisol durant l’été 2018 par des chasseurs de défenses au nord-est de la ville russe de Yakoutsk, en Sibérie centrale, a mis la communauté scientifique en émoi. Baptisé Dogor (« ami » en yakoute), cet animal – à la fourrure, aux dents et même aux cils intacts – est mort à l’âge de deux mois voici 18.000 ans, ont révélé lundi 25 novembre 2019 les chercheurs du centre de paléogénétique de Stockholm (Suède) ayant effectué une datation par le radiocarbone.

Vivant dans la fourchette estimée de la divergence, à une époque peut-être proche de la distinction des lignées, Dogor pourrait être un loup moderne ou un très jeune chien du Pléistocène tardif, voire témoigner d’un cul-de-sac évolutif.

DOGOR

Découvert par des chasseurs d’ivoire près du fleuve de l’Indiguirka, dans la République de Sakha (ex-Iakoutie), en Sibérie centrale, Dogor a été présenté lundi 2 décembre 2019 au Musée du mammouth, à Iakoutsk (photo Sergey Fedorov / Université fédérale du Nord-Est Ammosov).

Les premières analyses génétiques n’ont pas permis de résoudre cette énigme paléozoologique. L’occasion pour l’archéozoologue et biologiste Jean-Denis Vigne, directeur de recherche au Muséum national d’histoire naturelle de Paris (MNHN), de présenter au micro de France Culture les outils pluridisciplinaires aujourd’hui à la disposition des chercheurs pour mieux cerner les origines et les étapes de la domestication.

S’il est désormais établi que le chien descend bien du loup et non du chacal ou du coyote, de nombreuses interrogations restent en suspens.

Les controverses entre paléontologues, archéozoologues et génomociens sur la date de domestication restent vives, certains la situant vers 14.000 ans, d’autres la faisant remonter à 33.000 ans. Les chercheurs ayant séquencé l’ADN ancien d’un spécimen baptisé loup de Taimyr, vieux de plus de 30.000 ans et ayant une forte proximité avec le loup comme avec le chien modernes, évaluent par exemple aux alentours de 27.000 ans la séparation de ces deux lignées. Au regard des périodes considérées et des marges d’erreur, la possibilité d’une domestication par l'homme de Néandertal reste d’ailleurs ouverte, admet Christophe Hitt.

«Il est très difficile d’établir une date, souligne de son côté Eva-Maria Geig. Cela dépend de la qualité du génome produit et des méthodes statistiques utilisées pour calculer des divergencesLe doute subsiste toujours. Nous avons une idée des dates mais il est impossible actuellement d’être plus précis.»

Une image incomplète               

La question d’une éventuelle double origine géographique de la domestication divise également les scientifiques. Selon un article paru mardi 18 juillet 2017 dans la revue britannique Nature Communications, tous les chiens descendraient d'une même population de loups domestiqués voici 20.000 à 40.000 ans. «Nos données montrent que tous les chiens modernes dispersés à travers le monde ont été domestiqués à partir d'une unique population de loups », notait alors Krishna Veeramah, coauteur de ces travaux et généticien à l'université de Stony Brook à Brookhaven (États-Unis).

Les chercheurs avaient analysé le génome de deux chiens du Néolithique découverts en Allemagne, l'un vieux de 7.000 ans, l'autre de 4.700 ans. Ils avaient aussi examiné les informations fournies par un chien âgé de 5.000 ans retrouvé en Irlande.
L’équipe avait ensuite comparé ces séquences de génomes anciens avec des données génétiques provenant de 6.649 canidés dont des chiens modernes et des loups.

D’après les conclusions de cette étude, chiens et loups ont divergé génétiquement entre 36.900 ans et 41.500 ans, les chiens de l’Est et de l’Ouest se séparant voici 17.500 à 23.900 ans. La phase de domestication aurait eu lieu entre ces deux événements. En outre, le foyer de domestication d’Europe occidentale se serait éteint, la lignée actuelle de chiens domestiques descendant seulement de celle née en Asie.

Ces résultats contredisent notamment l’hypothèse d’une double domestication du chien défendue par une publication de Science en 2016.

PHENOTYPIE DU CHIEN MODERNE

Le chien moderne présente de très importantes variations phénotypiques comme en témoignent ces quatre races (de gauche à droite et de haut en bas) : le komodor, l’airedale, le shiba et le petit basset griffon vendéen (photos Nikki68 / Wesl90 / Havenkennels et Nathan150).

Comparant des séquences génétiques de 59 chiens anciens dont celui d’Irlande, cette dernière en avait déduit que les populations canines orientales et occidentales s’étaient scindées dans une fourchette comprise entre 6.400 et 14.000 ans. Cet événement étant survenu des milliers d’années après la première apparition du chien connue en Europe et en Asie de l’Est, les auteurs avaient suggéré que le processus de domestication s’était produit à peu près simultanément.

Face à la controverse pour établir où et quand le meilleur ami de l’homme est apparu, «de l’ADN supplémentaire issu du génome d’autres chiens anciens pourrait résoudre définitivement le problème», avait jugé M. Veeramah. «Si nous pouvions obtenir de nouveaux échantillons provenant des quatre coins du monde, cela nous fournirait une image plus complète sur l’histoire des populations de chiens et, probablement, sur leur origine», précisait Adam Boyko, généticien à l’université Cornell dans l’État de New York. «Cependant, nous avons besoin d’échantillons variés, non seulement géographiquement mais aussi dans le temps.»

« Ces deux études incluent certains auteurs communs, souligne Mme Geigl. C’est la science ! On avance, on peut se contredire ! On émet des hypothèses puis on les teste avec les outils à notre disposition. Ces derniers évoluant, on pratique alors de nouveaux tests et on obtient des résultats différents. »« L’abondance d’échantillons nous permettra de synthétiser et d’obtenir des réponses plus consensuelles », assure Christophe Hitte. Les futures analyses génétiques de Dogor permettront peut-être de lever un nouveau coin du voile sur le mystère des origines du chien.

Introgression et plasticité génomique

L’émission aborde également le sujet de l’hétérochonie – la modification de la durée et de la vitesse du développement d’un organisme par rapport à celles de ses ancêtres, en l’occurrence l’extrême rapidité de la variabilité phénotypique à partir d’un patrimoine génétique commun – chez Canis lupus familiaris. « Le chien a été domestiqué très tôt, bien longtemps avant le cheval, la chèvre ou le mouton, rappelle M. Hitte. Les pressions de sélection sont donc très anciennes. Ensuite, le processus de domestication s’avère extrêmement complexe avec des phénomènes d’introgressiondurant 15.000 ou 20.000 ans et une grande diversité génétique issue de diverses sous-espèces de loups. La sélection purement humaine des chiens moderne remonte, elle, à ces derniers siècles. »

« Dès l’Antiquité, le chien occupe de nombreuses fonctions pour la garde, la chasse ou la guerre. Au Moyen Âge, des variétés de chiens de chasse ont été sélectionnées pour leurs aptitudes et leurs techniques, comme les retrievers, les chiens d’arrêt, les braques ou les limiers. La fixation des caractères s’est produite assez récemment, à partir des XVème et XVIème siècles. Cette notion de standard aboutissant aux races actuelles s’affinera au XIXème siècle avec l’essor de la cynophilie dans les années 1860. Et aujourd’hui le chien est passé d’un emploi purement utilitaire à un registre affectif. »

DOGUE DE FORTE RACE

« Le dogue de forte race », illustration de Jacques de Sève (actif de 1742 à 1788) publiée dans L’Histoire naturelle, générale et particulière, avec la description du Cabinet du Roy de Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon (1707-1788).

Composée de 99 pays membres et partenaires, la Fédération cynologique internationale (FCI) reconnaît actuellement 349 races de chiens repartis au sein de dix grands groupes (*).

D’après des travaux conduits par des chercheurs des universités de Princeton et d’Oregon (États-Unis) et publiés mercredi 19 juillet 2017 dans le journal Science Advances, des variations de deux gènes (GTF2I et GTF2IRD1) expliqueraient la grande sociabilité des chiens, davantage que la socialisation acquise au contact des humains. Ces investigations ont toutefois porté sur un nombre très restreint d’individus.

Enfin, la plasticité du génome a permis de créer des chiens morphologiquement très éloignés mais « elle n’a pas encore été bien comprise fondamentalement », conclut Christophe Hitte.

L’histoire du meilleur ami de l’homme recèle bien des mystères.

(*) Groupe 1 : chiens de berger et de bouvier (sauf chiens de bouvier suisses),
groupe 2 : chiens de type pinscher et schnauzer - molossoïdes - chiens de montagne et de bouvier suisses et autres races,
groupe 3 : terriers,
groupe 4 : teckels,
groupe 5 : chiens de type spitz et de type primitif,
groupe 6 : chiens courants, chiens de recherche au sang et races apparentées,
groupe 7 : chiens d’arrêt,
groupe 8 : chiens rapporteurs de gibier - chiens leveurs de gibier - chiens d’eau,
groupe 9 : chiens d’agrément et de compagnie,
et groupe 10 : lévriers.

Une étude génétique valide l’existence de deux espèces de pandas roux

$
0
0

Selon un article publié mercredi 26 février 2020 dans la revue Science Advances, la population de pandas roux comprend deux espèces distinctes, l’un dite de l'Himalaya (Ailurus fulgens), l’autre de Chine (A. styani).

Si deux sous-espèces étaient admises sur la base de différences morphologiques et biogéographiques – certains auteurs défendant même l’existence de deux espèces, cette classification demeurait controversée en raison d'un manque de preuves génétiques, compromettant d’après certains les efforts de sauvegarde de ce mammifère.

Pour combler cette lacune, une équipe conduite par Yibo Hu, biologiste à l’institut de zoologique de l'Académie des sciences de Pékin (Chine), a séquencé l'ensemble du génome de 65 individus, conservés dans des musées ou maintenus en captivité, en extrayant leur ADN d'échantillons de sang, de muscle ou de peau. « Les analyses de ce matériel, de 49 chromosomes Y et de 49 génomes mitochondriaux attestent génétiquement de la divergence des espèces de pandas roux », assurent les auteurs de ces travaux. Ce phénomène serait advenu voici quelque 220.000 ans, lors du premier goulot d'étranglement génétique des deux espèces provoqué par l'avant-dernière période glaciaire.

En outre, le panda de l'Himalaya aurait subi une réduction drastique de sa population à trois reprises, dont la dernière il y a 90.000 ans, avec à la clé une diversité génétique réduite ainsi qu’un déséquilibre de liaison et une charge génétique élevés.

De son côté, le petit panda « chinois » a connu deux déclins notables de ses effectifs, vraisemblablement liés à des phases de glaciation, dont il s’est rétabli à chaque fois. De taille légèrement supérieure, il possède un crâne plus large et plus long, avec une convexité frontale davantage prononcée. Sa robe présente une teinte rouge plus soutenue avec moins de blanc sur la face et une queue aux anneaux bien marqués. 

PANDA ROUX DE L'HIMALAYA

Panda roux, présenté comme appartenant à la (sous-)espèce « himalayenne »,  en captivité au parc animalier et botanique de Branféré, dans le Morbihan (photo Ph. Aquilon).

Nouvelle frontière

Jusqu’à présent, il était établi que l’aire de répartition du panda de l’Himalaya couvrait le Népal, le Bhoutan, le nord de l’Inde et de la Birmanie, le Tibet et l’ouest de la province chinoise du Yunnan, celle de son congénère se limitant à cette dernière division administrative et à celle du Sichuan. La Salouen, deuxième plus long fleuve d’Asie prenant sa source sur le plateau tibétain pour se jeter après 2.815 km en mer d'Andaman, était considérée comme la frontière naturelle entre les deux (sous-)espèces.

Les conclusions de ces recherches remettent en cause ces distributions et leur délimitation par le cours de la Salouen.  En effet,  les individus vivant au sud-est du Tibet et dans la partie septentrionale du Myanmar appartiendraient à la population dite chinoise, les spécimens habitant dans le sud-est du Tibet et au nord du Myanmar faisant partie de l’himalayenne. Dès lors, le Yalu Zangbu – le cours du Brahmapoutre au Tibet de sa source principale au glacier d’Angsi à son entrée en Inde – « constitue très probablement la démarcation géographique  entre les deux espèces ». Cette hypothèse demande toutefois confirmation avec l’examen de prélèvements supplémentaires en provenance du Bhoutan comme d'Inde.

« Bien qu'il existe une différenciation génétique évidente entre les populations étudiées, en l’absence d’échantillons provenant de ces deux zones, il reste difficile d’affirmer l’existence de deux espèces distinctes », estime Jon Slate, professeur en génétique évolutive à l'Université de Sheffield, au Royaume-Uni.

YALY ZANGBU

Vue du Yalu Zangbu depuis le monastère de Ganden, situéà près de 4.300 m d’altitude et à une quarantaine de km au nord-est de Lhassa, dans le district administratif de Dagzê (photo Antoine Taveneaux).

« Afin de préserver l'unicité génétique des deux taxons, nous devons éviter leur croisement en captivité », souligne de son côté M. Hu, prônant également la mise en place de trois unités de gestion différentes pour la protection in situ du petit panda « chinois ». En effet, les tests ont mis en évidence trois groupes génétiques au sein de cette population, dont celui de la région de Qionglai, dans le Sichuan, « àla plus faible diversité génomique. « Son potentiel d'évolution génétique requiert donc une grande vigilance. »

D’après la base de données Zootierliste, l’ensemble des petits pandas maintenus dans les parcs animaliers du Vieux Continent appartiennent à la (sous-)espèce himalayenne. Ils bénéficient d’un programme d’élevage en captivité (EEP) de l'association européenne des zoos et aquariums (EAZA), géré par le zoo de Rotterdam, aux Pays-Bas.

Principalement menacé par la perte, la fragmentation et l'anthropisation de son habitat, le changement climatique et le braconnage, le panda roux, alors jugé« vulnérable », a été reclassé en 2015 « en danger » d’extinction par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Belle et heureuse année 2021

Viewing all 434 articles
Browse latest View live